Je ne pensais pas publier cette diapo que m'avait envoyé Bakhta cette après-midi.
Je l'ai juste diffusée par voie d'e-mail. Mais puisque Saïed a écrit une note suite à cette diapo, autant la publier pour que vous puissiez la voir tous.
J’ai reçu une première proposition d’Anouar concernant mon post d’hier «Je suis un HOMME».
Anouar voulait que le titre soit remplacé par ce titre «Je suis un homme athée».
Je n’étais pas d’accord, pour moi, il n’y a pas de lien entre ma note et la religion.
Je pense qu’une personne peut avoir des principes, une morale rigoureuse et une conscience, sans obligatoirement se référer à une religion.
Et l’inverse est d’ailleurs vrai aussi.
L’autre jour, chez Carrefour, j’ai assisté à deux petites scènes. J’avais voulu écrire une note à ce sujet et ensuite j’avais changé d’avis.
Je re-change d’avis, et je vous relate les faits très rapidement.
Ce jour-là, j’avais remarqué une femme voilée avec ses enfants. Elle leur donnait à boire des Danaos (yaourts à boire), et elle remettait l’emballage vide dans le rayon. Moi j’appelle cela du vol. Et cette femme a, pour moi, commis deux fautes graves: le vol et le mauvais exemple qu’elle donne à ses enfants.
Pourtant, cette femme était voilée, donc supposée être croyante et pratiquante. L’islam n’interdit-il pas le vol?
Le même jour, à la caisse, une autre femme, avec un décolleté profond, et ses enfants. La petite fille de cette femme avait mangé un paquet de biscuits, et voulait se débarrasser de l’emballage. Sa mère le lui prend des mains, elle le dépose sur le tapis de la caisse et fait une leçon de morale à sa fille. Elle lui explique qu’elle doit être honnête et ne jamais voler.
Je ne connais pas cette femme, je ne sais si elle est croyante ou pas. Mais ce qui est certain, c’est que cette femme a des principes, et qu’elle essaye de les inculquer à ses enfants.
Les principes moraux n’ont rien à voir avec la religion. Dans ma famille, mon père ne nous a jamais éduqués dans une crainte de la religion, mais il nous a toujours répété qu’il ne faut pas voler, qu’il ne faut pas trahir, qu’il ne faut pas mentir…
Il nous a aussi appris à respecter nos engagements. D’ailleurs, il nous répétait à longueur de journée cet adage: «On lie les bœufs par les cornes et les hommes par la parole».
Je ne suis donc pas d’accord avec le titre «Je suis un homme athée», la religion pour moi n’a rien à voir avec la fidélité ou l’infidélité.
Par mail, Anouar m’a fait deux autres propositions "Je suis un homme infidèle de nature" ou encore "Je suis un homme qui ne respecte pas les valeurs".
Je ne suis pas d’accord non plus.
Je ne veux pas dire que pour moi, un homme est par définition infidèle. Pas du tout. En fait, je ne suis pas d’accord avec cette définition de l’homme. Mon titre est d’ailleurs ironique. Je me moque des hommes qui s’imaginent être des hommes parce qu’ils multiplient les conquêtes féminines. Je me moque de l’argument qu’avancent ces hommes pour se justifier.
Cette blogosphère n’est pas vraiment représentative de notre société. D’abord, parce que la moyenne d’âge est très jeune. Or les jeunes sont encore pleins d’idéaux. Ensuite, je pense aussi que les hommes infidèles ne risquent pas de se manifester de peur du lynchage.
Mon histoire est vraiment inspirée de faits réels. Qui concernent plusieurs personnes. C’est un mix de plusieurs histoires réelles.
Par mail, j’ai cité à Anouar les noms d’hommes d’affaires tunisiens dont les infidélités sont publiques. Je ne peux me permettre de les citer sur mon blog, mais je suis sûre que vous avez tous entendus parler d’eux.
Par ailleurs, je l’ai déjà dis dans un de mes commentaires de ma note, j’ai moi-même des clients qui sont des hommes infidèles. Ces hommes ne sont pas des grands hommes d’affaires. J’ai un gynécologue, un architecte, un fonctionnaire du ministère de la santé…
J’ai eu aussi pour cliente la maîtresse de plusieurs hommes d’affaires, et même d’un homme très très connu sur la place publique.
Je ne peux bien-sûr pas nommer ces gens sur mon blog.
Moi-même, je suis sollicitée par des hommes mariés. A mon âge, je n’attire pas les jeunes de 20/25 ans, mais plutôt les hommes de 40/50 ans. Des clients, des gens avec lesquels je travaille, et plus particulièrement des cadres bancaires…
Lorsque j’étais jeune, Tahar Fazaa avait publié une BD «Les arrivistes». Il y avait le portrait de l’homme tunisien arriviste: en plus de son stylo Dupond, ses lunettes griffées…, il avait une maîtresse. Le phénomène commençait déjà à prendre de l'ampleur.
Je pense qu’il y a quelques années, l’infidélité avait commencé par atteindre les gens qui se voulaient «in». Mais petit à petit, cela s’est propagé à toutes les couches sociales.
Petit à petit, c’est rentré dans les mœurs. Petit à petit, c’est devenu une chose normale.
Lorsque j’étais jeune, on parlait de ces hommes presque en se cachant, c’était honteux, c’était exceptionnel. Plus maintenant.
D’ailleurs, je pense que l’infidélité des femmes prend le même chemin.
Et ces hommes infidèles se justifient en arguant du fait qu’ils sont des HOMMES.
Je répète: je ne les approuve pas. Je ne généralise pas non plus. Je me moque. Je me moque de ces hommes qui pensent que leur virilité doit passer par l’infidélité. Je me moque. Je reprend ce que j’entends tout autour de moi.
Mais je suis contre. Pour moi, un homme, un vrai, est justement celui qui peut surmonter toutes ces gamineries. Qui peut être plus fort qu’un mouvement de mode. Qui peut résister à toutes les tentations et sollicitations.
D’où les questions que je pose à la fin de ma note, et qui apparemment n’ont presque interpellé personne.
Je reprends ici les plus importantes:
- A bien réfléchir, est-ce cela un homme?
- Qu’est ce qui est le plus important pour moi?
Et ne me dites pas que l’infidélité est rare à Tunis, ma tghatiwech echams bi 3in el ghorbal!!!
Ma belle-mère vous a raconté son histoire. Avant, je trouvais toujours qu’elle était une victime. Aujourd’hui, j’ai changé d’avis. Mon beau-père n’est pas horrible comme je l’imaginais. C’est tout simplement un homme.
Lorsque j’étais plus jeune, je croyais moi aussi qu’il fallait se marier, faire un mariage d’amour, fonder une famille, et surtout rester fidèle.
Et j’ai rencontré une jeune fille. J’en suis tombé amoureux tout de suite. J’ai su que c’est avec elle que je voudrais me marier. Elle correspondait à mon idéal. J’en étais vraiment amoureux.
Je rêvais de vivre avec elle toute ma vie. Je lui disais que je rêvais d’une certaine osmose entre nous.
C’est d’ailleurs moi qui lui ai appris le sens du mot osmose.
J’étais sincère.
Pour son premier anniversaire, j’avais fait des économies, et je lui avais offert un médaillon en or. Il y avait dessus cette inscription:
+ qu’hier et - que demain.
Je le pensais à l’époque. Je croyais vraiment que je l’aimerais très fort, toute ma vie.
Pendant toute l’année qu’ont duré nos fiançailles, j’ai été fidèle. Pourtant, j’étais encore étudiant, les occasions ne manquaient pas, et elle n’aurait jamais pu s’en apercevoir.
Nous nous sommes mariés.
Dès le premier instant, j’ai réalisé que je n’étais plus libre. C’est vrai, c’est moi qui avais décidé de me marier, personne ne m’y avait obligé. C’était mon propre choix. Mais c’est comme si je n’avais pas réalisé ce que cela implique. Et tout d’un coup, je me suis senti pris au piège. Je n’étais plus libre!!!
Les premières années ont passé. J’ai respecté mes engagements. J’ai été fidèle. Cela a été difficile, mais je l’ai été.
Pourtant, je regardais autour de moi. A Tunis, presque tous les hommes sont infidèles. Il est vrai, surtout les hommes d’un certain âge, mais dans mon entourage, beaucoup l’étaient.
Mon père avait été infidèle, ma mère l’avait accepté.
Mon oncle l’était aussi. Sa femme l’avait accepté.
Mon frère aîné, mais il est vrai que sa femme le trompait aussi.
Mon autre frère. Mais lui, sa femme, il ne l’a jamais aimée. Mes parents l’avaient obligé à l’épouser.
Ma sœur aussi, son mari l’a toujours trompée. Il couche à gauche et à droite avec toutes les femmes qu’il trouve.
J’ai résisté. Résisté.
Un jour, j’étais en voyage. J’étais avec mon frère. Nous nous sommes retrouvés dans une situation «hot». Je n’ai plus résisté.
Le premier pas est le plus difficile à franchir. Désormais je l’avais franchit.
Culpabilité?
Oui, peut-être un peu. Mais par ailleurs, ce qui est interdit est tellement bon.
Et puis, tous les hommes font pareil. Pourquoi pas moi? Ne suis-je pas un homme?
En rentrant chez moi, rongé par la culpabilité, j’ai tout avoué à ma femme.
Une fois le choc passé, elle a relativement bien pris la chose. Mais elle a été claire: jamais chez nous, pas dans notre pays. De temps en temps, en voyage avec une prostituée, mais ici: jamais.
Les années ont passé. Les enfants, la routine, la vie quotidienne, et cette envie de «voir» ailleurs si l’herbe est plus verte.
En plus, chez nous, les filles deviennent de plus en plus séduisantes, de plus en plus sexy et de plus en plus entreprenantes.
Ma femme prend de l’âge. Je sais que moi aussi, mais ce n’est pas pareil.
Je suis sollicité constamment. Même au bureau, avec les commerciales, qui viennent par exemple vendre des encyclopédies ou autres.
Et puis, mes copains le font, ou du moins disent le faire.
Tous sont infidèles, pourquoi pas moi?
Et voilà.
Cela a commencé comme cela.
Ma femme ne voyait rien. Elle me faisait confiance.
Quant à moi, je trouvais mille prétextes pour la tromper. Pour avoir bonne conscience.
Elle me néglige. Elle s’occupe trop des enfants. Elle travaille trop. Elle ne m’aime pas assez. Elle est trop proche de sa famille.
Petit à petit, je suis arrivé à me convaincre qu’elle ne m’aimait pas. Du moins, pas comme je le souhaitais.
C’est une bent 3aila. Elle est trop…. Bref, elle est faite pour la maison, pour les enfants… Mais ce n’est pas une maîtresse.
Et bon sang, je suis un HOMME!
J’ai couché à gauche et à droite pendant des années. Au gré du hasard. Des fois avec des prostituées, des fois avec des filles ramassées dans les bars, d’autres fois avec des filles plus sérieuses.
Je ne pensais pas à quitter ma femme. Un homme marié avec enfants est quand même plus respectable, et mieux accepté par la société. Y compris dans le monde du travail. On fait plus confiance à un homme «rangé» qu’à un homme divorcé!
Mais je suis un homme, et j’ai des besoins.
Les années ont passé.
Une des femmes que je fréquentais m’a piégé. Elle m’a joué la comédie de l’amour, et j’y ai cru. J’ai passé une période épouvantable. J’étais déchiré entre ma famille, mes enfants et ce nouvel amour.
Heureusement, je me suis aperçu à temps de la supercherie. Elle n’était pas amoureuse de moi. C’était juste une comédie pour m’épouser.
Je voyais certains autres hommes se faire avoir par cette nouvelle catégorie de jeunes femmes prêtes à tout pour se marier.
Mais je me croyais plus intelligent ou plus fort. On pense toujours que cela n’arrive qu’aux autres. Mais ce n’est pas vrai.
Alors, j’ai retenu la leçon. Ma famille, et surtout mes enfants sont importants pour moi. Ils sont les plus importants.
Je suis redevenu fidèle. J’ai pu l’être pendant quelques mois. J’ai redécouvert ma femme. J’ai découvert la vie avec mes enfants.
Mais dans mon entourage, je voyais les hommes infidèles. Infidèles tout en préservant leurs familles.
Et les filles. Les filles sont partout. De plus en plus entreprenantes. De plus en plus sexy. De plus en plus…
Partout. Où que j’aille.
Sollicité. Sollicité.
Pourquoi devais-je me contenter toujours de la même femme? Pourquoi alors que le monde est plein de femmes, toutes belles, sexy et offertes?
Mon père l’avait fait avant moi. Mon oncle aussi. Mon beau-père. Mes frères. Mes amis… Tous.
Alors pourquoi pas moi? Ne suis-je pas un homme?
Un jour, j’ai sauté le pas. A nouveau j’étais infidèle.
J’ai eu mauvaise conscience. Mais juste au début. Après tout, je suis un homme! J’ai des besoins!
Ma femme s’en ai rendu compte. Grosse dispute. Elle m’a prévenu: elle m’a dit qu’elle n’accepterait plus aucune infidélité. J’ai promis. Mais je n’ai pas tenu parole.
En fait, je connais une femme. Une femme divorcée. Elle me courtise. Elle me plait.
J’ai fait un deal avec elle. Je lui ai bien expliqué qu’elle ne devait rien attendre de ma part. Je lui ai clairement dis que je ne divorcerais jamais. JAMAIS.
Elle a accepté. Elle accepte de passer en second plan. Elle accepte de rester dans l’ombre. Elle accepte la situation.
Et moi?
Moi je suis le Roi.
Ma femme a complètement changé d’attitude envers moi. Elle a tellement eu peur de me perdre, qu’elle est devenue tout attentionnée. Très amoureuse. Très affectueuse.
Et moi?
Qui a dit que l’homme est monogame?
Qui a dit qu’on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois?
Moi, je me trouve comme un roi entre ces deux femmes. L’épouse et la maîtresse. Les deux aimantes et attentionnées. Les deux amoureuses.
J’allais de l’une à l’autre.
Je ne me sentais pas coupable. Après tout, je donnais tout ce que je pouvais à l’une et à l’autre.
Je suis un homme!
A ma maîtresse, qu’est-ce que je donne?
Un peu de mon temps. Du temps volé. Parfois sur mes heures de travail, parfois sur mes heures de loisirs. Des moments volés. Mais tellement agréables.
Quelle sensation que d’être aimé comme cela.
Je suis un HOMME.
Je suis leur ROI.
Je ne faisais aucun mal, à personne. Que perd donc ma femme lorsque je suis avec ma maîtresse?
Rien ne lui manque. Je suis avec elle toutes les nuits. Je suis avec elle tous les week rends. Je voyage avec elle. Je la gâte. Je lui achète tout ce qu’elle veut. Une voiture. Des bijoux… Tout ce dont elle a envie.
Que lui manque-t-il?
Rien.
Ce que je donne à ma maîtresse est si insignifiant.
Que lui manque-t-il?
Mais…
Mais le Paradis n’existe pas.
Et tout fini toujours par se savoir.
Et un jour, ma femme a soupçonné quelque chose.
Et ensuite, elle a tout découvert.
Et elle refuse.
Elle a engagé une procédure de divorce.
Elle semble décidée.
Parfois, j’ai l’impression qu’elle faiblit. Elle m’aime.
D’autres fois je la sens déterminée.
Elle veut que je choisisse.
Elle est claire: soit elle seule, soit sans elle.
Et mes enfants?
Je lui ai dis que je pouvais lui mentir. Je lui ai dis que je ne la quitterais jamais. Je lui ai dis que cela n’a rien à voir avec elle. J’essaye de lui expliquer que je suis un HOMME. Un homme comme tous nos proches, comme tous les hommes de notre entourage. Que ma/mes relations extra-conjugales n’interfèreraient jamais dans notre vie de famille. Que je ne pouvais pas me passer de sexe. Que j’étais un homme à femmes. Que j’avais besoin de cela…
Mais elle ne veut rien comprendre.
Est-ce si difficile à comprendre?
JE SUIS UN HOMME.
Point.
Pas plus ni moins.
Pourquoi les autres femmes acceptent-elles la situation?
Pourquoi pas ma femme?
Elle me demande de faire un choix. Mais quel choix?
Être un homme ou perdre ma famille?
Je ne veux pas faire ce choix. Je veux les deux. Je veux tout. Je veux mes enfants, ma femme, ma maîtresse et même toutes les autres femmes que je pourrais avoir. Pourquoi pas, je suis un HOMME.
Mais elle refuse.
Que faire?
A bien réfléchir, est-ce cela un homme?
Elle dit que non.
Maintenant, il me faut réfléchir. Énormément.
Je dois prendre une décision.
J’ai des responsabilités. Envers ma famille et mes enfants. Mais j’ai des désirs aussi.
Je me sens aussi quelque part responsable envers ma maîtresse. La pauvre a accepté le peu que je lui offrais. Puis-je le lui retirer maintenant?
Que m’apporte-t-elle cette maîtresse?
Qu’est-ce qui est prioritaire pour moi?
Je dois réfléchir:
QU’EST CE QUI EST LE PLUS IMPORTANT POUR MOI?
QUI DOIS-JE SACRIFIER?
QUE DOIS-JE SACRIFIER?
POURQUOI ETRE OBLIGE DE FAIRE DES CHOIX TOUJOURS?
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Ceci est de la fiction. Mais comme mes portraits précédents (1) et (2), je m’inspire de notre société, de notre réalité actuelle, des gens que j’observe tout autour de moi.
J’espère vous donner prochainement le point de vue de la maîtresse et de l’épouse. La maîtresse se contente-t-elle vraiment du peu qui lui est donné? L’épouse sera-t-elle la digne fille de sa mère, et acceptera-t-elle de rester, ou bien partira-t-elle pour justement ne pas mener la même vie que sa mère?
En fait, je pense partir de cette histoire pour traiter du problème du divorce en Tunisie. Car, bien que l’on parle d’égalité entre les sexes, le statut d’une femme divorcée chez nous, est nettement inférieur à celui d’un homme divorcé.
Il y a trois semaines, je suis allée voir le film «Making of» de Nouri Bouzid. Je l’ai trouvé excellent. A tous les points de vues. Aussi bien par le sujet abordé, que par la manière d’aborder ce sujet.
Avant de parler du film, je voudrais juste dire un petit mot concernant l’acteur principal Lotfi Abdelli: je l’ai trouvé lui aussi excellent. C’est la première fois que je le vois, mais je trouve qu’il a été parfait. Il joue aussi bien le rôle de Bahta, que celui de Lotfi, l’acteur qui se pose des questions sur le rôle qu’on lui fait jouer. Le prix d’interprétation qu’il a eu pour ce rôle est tout à fait mérité.
Ce film «Making of» aborde le sujet de l’islamisme. Plus précisément, il met en évidence l’intolérance des intégristes.
Il montre le malaise des jeunes tunisiens, complètement paumés, sans espoir et sans avenir, incompris par leur entourage, sans travail, ni encadrement.
Ces jeunes se retrouvent facilement embobinés.
Au début du film, on voit ces jeunes s’adonner à leur passion: la danse. En occident, ils auraient pu avoir de l’aide pour canaliser leur énergie dans une telle passion pacifique plutôt que d’avoir à faire les durs dans la rue. Chez nous, ils sont pourchassés par la police.
En fait, ce film montre que dans une société intolérante, il n’y a pas un grand choix d’avenir: on est soit bandit, soit intégriste.
Or les intégristes ne sont pas progressistes, ils sont au contraire conservateurs ou même rétrogrades. Ils veulent une société sans changements, une société statique, sur laquelle le temps n’a pas d’effets. Les privilèges restent les mêmes. Pas de débats, pas d’échange d’idées, pas de remises en causes….
Tout est tabou: on n’en parle pas, on refuse d’en parler. Donc, rien ne changera.
Selon l’intégriste: la femme est l’origine du mal.
Pourtant lui-même est hypocrite. Je trouve que la différence d’âge entre l’époux intégriste et sa jeune femme est en elle-même un signe d’hypocrisie.
La femme est voilée, et elle a envers Bahta des sourires et des regards équivoques, qui pourraient laisser penser qu’elle a envie de le draguer.
Un reproche a été fait à Nouri Bouzid: la majorité des spectateurs n’a pas aimé la fin du film.
J’ai moi-même cette impression de film inachevé. Une impression de fin en queue de poisson.
Mais par ailleurs, quelle autre alternative?
Qu’aurait pu être une fin différente?
Bahta pouvait-il échapper au suicide? Qu’aurait-il pu être? Quel avenir lui restait-il? Quelles perspectives s’offraient à lui?
Bahta était tiraillé entre l’endoctrinement dont il a été victime et ses propres valeurs. Il s’est tué, mais sans porter préjudice à autrui. Il a été programmé pour s’exploser en faisant des victimes. Ses propres valeurs lui interdisaient de faire du mal à autrui. Le compromis a été de se tuer, seul.
Il paraît que le choix de l’endroit du suicide, en l’occurrence, le port et les containeurs, est un clin d’œil au fait qu’il aspirait à partir, à émigrer en Europe.
Je trouve qu’avec ce film Nouri Bouzid a su tirer son épingle du jeu: il a bien transmis son message, sans tomber dans le stéréotype. Même son acteur ne voulait pas jouer certaines scènes. Il lui a expliqué qu’il n’est pas contre l’islam, mais contre le fait d’instrumentaliser l’islam.
Bravo Nouri Bouzid. Je le trouve courageux d’aborder le sujet. De toute façon, ce n’est pas la première fois qu’il est courageux. Je rappelle qu’il y a de très longues années, dans son film «l’homme de cendres», il avait parlé de deux autres tabous de notre société: la pédophilie et l’homosexualité.
L’autre soir, j’ai rencontré un ami cinéaste. Il reproche au film l’absence de contre discours. Il trouve qu’il n’y a pas un autre son de cloche à l’intégriste. D’après lui, en première lecture, on pourrait comprendre le film comme pro-islamiste. Il pense que les gens «moyens», pourraient faire abstraction des interventions de Nouri Bouzid et comprendre le film comme pro-islamiste. L’islam serait l’unique moyen de sauver Bahta de sa vie de dépravé. Il paraît que c’est cette absence d’un autre son de cloche qui a fait que ce film n’a pas été retenu pour être présenté à Cannes.
Je ne suis pas très convaincue par ce raisonnement.
Cet ami cinéaste reproche aussi au film son dénouement. Pourquoi le suicide?
J’ai rencontré à une soirée privée, Lotfi Dziri, l’acteur qui joue l’intégriste dans le film, pour lequel, sans l’intervention de Nouri Bouzid, la lecture du film aurait été complètement différente.
En fait, bien qu’il semble dire la même chose que mon ami cinéaste, je pense qu’il y a une différence.
Mon ami, parle du film tel quel, et pense que ce film risque d’être mal compris, et que les spectateurs non «avisés» pourraient ne pas le comprendre. Par contre Lotfi Dziri dit que les interventions de Nouri Bouzid sont l’essence même du film, et je suis tout à fait d’accord avec lui.
Vendredi à Sousse, lors du débat qui a suivi le film, un homme accompagné de sa femme voilée est intervenu pour critiquer le film et son message. Il disait être là pour défendre l’islam contre les attaques du film. Et a voulu agresser verbalement Nouri Bouzid.
On dit que l’occident a rejeté ce film. D’après Lotfi Dziri ce film ne plait pas aux occidentaux parce qu’il fait une distinction entre islam et islamisme, alors que l’occident voudrait faire l’amalgame entre les deux. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je ne pense pas que l’occident veuille faire cet amalgame, et même si c’était le cas, je pense que nous musulmans sommes responsables de cela.
C’est mon avis (ou mon impression personnelle), ce n’est bien-sûr basé sur aucune étude. Mais j’essaie de me placer du coté occidental. Quelle image l’islam ou les musulmans offrent-ils?
Je prends un exemple tout simple. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu des caricatures de Jésus ou de Moïse. Il y a eu parfois certaines polémiques à ce sujet, mais je ne me rappelle pas que le monde ait jamais été embrasé pour cette raison. Lors de la parution des caricatures danoises, le monde a brûlé. Je trouve cela disproportionné et cela donne à l’occident une image d’intolérance des musulmans.
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