J’ai commencé depuis quelques jours la lecture de «Zayni Barakat» de Gamal Ghitany.
J’ai envie de vous copier un passage qui m’a fait sourire.
Je vous mets tout d’abord dans l’ambiance pour que vous compreniez de quoi il s’agit.
L’histoire se passe au Caire, pendant le mois de Shawâl de l’an 912 de l’hégire.
Le Sultan vient de nommer un homme totalement inconnu au poste de «Grand Censeur». D’après ce que j’ai compris, cela équivaudrait un peu au poste de Premier Ministre. Ce Zayni va prendre plusieurs mesures qui le rendront très populaire. Ces mesures sont dans l’ensemble justes et équitables.
Un jour, il prendre une mesure qui va «diviser» l’opinion.
«A partir de ce jour, et à l’avenir, des lampes à huile d’une taille conforme aux directives devront être suspendues aux murs pour éclairer les rues de la ville.
(…) Ces lampes devront être suspendues, devant la porte de chaque quartier, devant chaque maison, chaque palais, ainsi que devant les caravansérails.
(…) Ainsi notre bonne ville du Caire pourra dormir en paix.
(…) Bonnes gens de la ville du Caire,
Sachez que la pose de ces lanternes ne vous coûtera pas un dirham. (…)»
Ces lanternes furent installées, et le système mis en place a bien fonctionné.
Un rapport adressé au préfet des Espions de la ville du Caire au sujet des rumeurs recueillies parmi le peuple le jour même de la proclamation de l’avis, dit:
«(…) J’ai été témoin de rassemblements importants: tout le quartier de Bâtiniyeh - hommes et femmes - était dans la rue. Ce n’étaient que you-yous et hurlements, mains brandies et agitées frénétiquement, bouches grandes ouvertes criant à tue-tête. Je dois dire que les rumeurs dont j’ai pu être témoin sont extrêmement diverses.
Premier point: Après la diffusion … avis publiés…, la foule n’en finissait pas d’appeler la bénédiction de Dieu sur celui-ci; les commentaires les plus élogieux étaient sur toutes les lèvres; les femmes, surtout, étaient enthousiastes. En pleine effervescence, «Longue vie au Zayni!», «Longue vie au Zayni!» les entendait-on scander; elles se plaisaient à répéter que le Zayni connaissait bien les peines que les gens subissaient dans leur âme et dans leur corps…..
(…) «Le Zayni est à l’affût de la moindre injustice; affirmait cet homme, et, en vérité, c’est Dieu lui-même qui l’a envoyé parmi nous pour venir en aide aux miséreux»….
Deuxième point: … J’ai entendu là un autre son de cloche, puisque le sieur Foutouh el-Iskandarani exprimait ses doutes et même sa suspicion à l’endroit des avis publics émanant du Zayni… selon lui, cette situation ne pouvait durer éternellement, que le sultan n’écouterait pas toujours avec la même complaisance ce qu’on lui disait, à moins qu’il n’ait intérêt à cela. L’individu en question a tout fait pour essayer de convaincre l’assistance, avec force gestes et explications….Dans un autre café, j’ai entendu un certain Abou Ghazala… faire la remarque suivante: «voilà maintenant que ceux qui nous gouvernent voudraient faire preuve de justice… Elle est bien bonne!».
Troisième point: (…) si le Zayni prétend introduire cette nouvelle pratique, ce ne serait qu’un prétexte pour faire parler de lui… Sur cette affaire des lanternes, les commentaires vont bon train. Certains font valoir que c’est là une mesure qui permettra d’empêcher les mamelouks et les bandits de se livrer aux incursions nocturnes dont ils sont coutumiers; à cela il a été répondu que la lumière à elle seule n’empêcherait pas les rôdeurs, les mamelouks ou les bandits d’attaquer; si ces derniers étaient déterminés à le faire; ils n’auraient alors qu’à détruire les lanternes….
Quatrième point: (…) d’après un étudiant d’el-Azhar… la multiplicité des avis se succédant sans trêve n’aurait pour autre but que de détourner l’attention du peuple de l’essentiel…
Cinquième point: Du haut de leurs chaires, les prédicateurs ont parlé de l’affaire des lanternes et ce, en des termes très critiques. Quant aux chansonniers, dans les cafés, ils ont tourné l’innovation en ridicule; voici l’une des pièces composées sur ce thème:
« debout, pauvre fou
Prends garde à ton cou
Ou bien la lanterne
Sera ton licou ».
(à suivre)
Restons à l'affut de la suite ça promet. Tu me donnes envie de le lire, j'aime bien cette époque trouble.
Rédigé par : Azwaw | 18/09/2007 à 15:24
gamal el-ghitany ,avec soonallah ibrahim,estl'un des romanciers les plus feconds et les plus lus du monde arabe.il
dirige la revue "أخبار الأدب"
nasser l'a emprisonné 6 ans avec d'autres militants de la gauche egyptienne."zini baraket" est une production de 1974.il faut lire ghitany en arabe: "وقائع حارة الزعفراني"
"في ذكر ما جرى
son humour est caustique.et son sarcasme fait mouche a tous les coups.
Rédigé par : kissa-online | 18/09/2007 à 17:49
@ Azwaw:
2ème partie déjà en ligne...
@ Kissa-online:
Je ne connaissais pas du tout cet auteur. En fait, je suis tombée sur ce livre par hasard chez une bouquiniste il y a deux semaines.
J'ai fait une petite recherche sur Internet.
Il a même reçu un prix "The Grinzane Cavour Prize":
http://www.grinzane.it/default3.aspx?cID=2256&ch=2.7.2&sa=detail
Rédigé par : Massir | 19/09/2007 à 12:44