Je suis la cousine de Naziha.
Je suis un peu plus âgée qu’elle.
Je suis née dans une famille aisée.
J’ai été élevé dans un seul but: devenir une bonne épouse et une bonne mère. Je me devais à mon seigneur et maître et à mes enfants.
Toute mon éducation a été faite dans ce seul but.
A mon époque, dans les années 40/50, rares étaient les filles qui allaient à l’école. Surtout les filles qui n’habitaient pas la capitale.
Lorsque j’étais jeune, mes parents m’avaient envoyée à Dar El Ma3llama. J’y ai appris la couture, la broderie, le tricot, le crochet, la cuisine, la pâtisserie. Je savais tout faire pour tenir ma maison propre et en bon état.
Comme j’ai eu de la chance (ma mère était tunisoise et mon père était riche), j’ai aussi été envoyée à l’école. Surtout pour apprendre à lire et à écrire le français, et pouvoir tenir un minimum de discussion dans un salon.
J’ai aussi appris à dresser une table, je savais mettre les verres et les couverts à la bonne place. Je savais décorer ma table. Je savais recevoir.
A 13 ans, mes parents m’avaient fiancée à mon cousin.
Je ne connaissais pas les hommes. Je connaissais mon père, mes oncles, mes frères, et quelques cousins.
Mes rêves étaient peuplés par Omar Sharif, Farid El Atrache et Farid Chawki.
Lorsque mes parents m’ont annoncé mes fiançailles, je suis tombée amoureuse de mon cousin.
Ce n’était pas très difficile. Je ne connaissais pas beaucoup d’hommes, et mon cousin était très beau garçon.
Je le voyais dans les fêtes familiales et mon cœur battait très fort pour lui.
A 20ans, mes parents m’ont mariée. Je m’imaginais vivre un conte de fées. J’allais enfin réaliser le but qui m’avait été fixé depuis ma naissance. J’allais devenir une femme mariée.
Au début, c’était bien. Pas aussi bien que dans mon imagination, mais cela allait quand même.
Bien-sûr, j’avais arrêté mes études. Une femme mariée à cette époque-là ne faisait pas d’études. D’ailleurs à quoi auraient servi les études pour bien tenir sa maison et servir son mari.
Mon mari travaillait. Il réussissait. J’étais fière de lui.
Nous avons eu notre premier enfant, puis le deuxième, le troisième et enfin le quatrième.
Je m’occupais très bien de mes enfants. C’est moi qui les ai élevés, c’est moi qui les ai soignés, c’est moi qui ai pris soin d’eux, c’est moi qui les faisais manger, dormir, travailler… Je leur faisais leurs vêtements, je leur coupais les cheveux….
Mon mari travaillait. Il nous entretenait.
En fait, je n’avais jamais fait de différence entre nos biens. Pour moi, ce qui était à moi était à lui. Et ce qui était à lui, était à nous tous. Et puis, il était mon cousin….
Il travaillait. Et je l’aidais. Il n’avait aucun autre souci en tête à part son travail.
Je recevais ses fournisseurs. Je recevais ses clients. Je l’accompagnais aux réceptions, aux dîners d’affaires. Je présentais bien et je lui faisais honneur.
Mon père est riche. De temps en temps, il me donnait de l’argent. Je le donnais à mon mari. Il n’y avait pas de différence entre lui et moi.
Il travaillait. Sa situation s’améliorait de plus en plus. Nous avons déménagé de l’appartement vers une maison. Ensuite une autre maison, plus grande et plus belle. Ensuite nous avons acheté une maison à la plage.
Jamais je n’aurais pensé lui demander au nom de qui il investissait ou achetait. Pourquoi j’aurais fait une chose pareille?
Ce qui est à moi est à lui. Ce qui est à lui est à moi. Ce qui est à nous est à nos enfants.
Les années ont passé. Il est devenu Si Flen. Et moi, je n’étais que Mme Flen.
J’avais remarqué que les femmes commençaient à lui tourner autour. Mais j’avais confiance. Il était mon seigneur, mon mari, mon cousin et le père de mes enfants.
Je ne m’étais pas méfiée.
Et je continuais à m’occuper de ma maison, de mon mari et surtout de mes enfants.
Jusqu’au jour où….
Jusqu’au jour où j’ai appris qu’il m’avait trompée. Une fois. Deux fois. Trois fois….
Que pouvais-je faire?
J’ai parlé. J’ai supplié. J’ai menacé. Je me suis confiée à mes parents, à mes beaux-parents, à mes frères…
Mais que pouvais-je faire?
Mes enfants étaient jeunes.
Mes études? Quelles études? Lire et écrire le français?
Mes parents et mes beaux-parents? Trop vieux pour m’être d’une aide quelconque.
Ma fortune? Quelle fortune? Tout ce que me donnait mon père, je le donnais à mon mari.
Idiote? Oui idiote. Trop confiante.
On ne m’avait jamais dis que mon seigneur et maître pouvait être un traître.
Je n’aurais jamais cru que mon seigneur s’enrichissait au fil des années et pas moi.
La maison est à son nom. La maison de la plage est à son nom. La société est à son nom. La voiture est à son nom. Tout ce que nous possédons est à son nom.
En instaurant la séparation des biens, la loi voulait protéger les biens de la femme. Seulement, la loi a oublié d’apprendre à la femme la méfiance.
J’ai pleuré. J’ai supplié.
Il a promis. Une fois. Deux fois. Trois fois…
Il a menti. Une fois. Deux fois. Trois fois…
Quel avenir se présentait à moi?
Si je divorçais, comment les gens me regarderaient?
A mon âge, dans ma situation, personne ne comprendrait. Cela ne se faisait tout simplement pas.
Mes parents auraient eu honte. Mes frères auraient eu honte. Mes enfants auraient eu honte.
Les temps étaient différents.
Où allais-je vivre?
Seule?
Une femme respectable ne vivait pas seule.
Une femme avec 4 enfants ne pouvait espérer se remarier.
Et comment subvenir aux besoins de mes enfants?
Quel travail pouvais-je exercer?
Quel niveau de vie leur offrir?
Jamais je n’aurais pu leur offrir ce que leur père pouvait leur offrir.
Les lui laisser?
Qui s’en occuperait?
Et puis, vous en connaissez beaucoup des hommes que ne se remarient pas?
Comment les laisser vivre avec une marâtre?
Et si elle les maltraitait?
Pourquoi tout cela?
Avais-je le choix?
Non. Je ne pense pas.
Je ne pouvais que me sacrifier pour mes enfants.
J’ai été et je suis obligée de subir. Au moins jusqu’à ce qu’ils grandissent. Jusqu’à ce qu’ils partent chacun faire sa vie.
Moi?
Moi, je vis. Les journées passent.
Un jour, je suis aveugle. Un jour je pleure.
Un jour, je suis calme. Un jour je bouillonne.
Ma seule consolation: mes enfants. Ils grandissent à l’abri.
Quelle image les gens ont-ils de moi?
Ceux qui ne me connaissent pas, doivent se dire: c’est Mme Flen. Tu as vu ses diamants? Tu as vu sa voiture?
C’est incroyable ce luxe!
Ceux qui me connaissent, savent très bien que l’argent ne fait pas le bonheur.
Un diamant de 4 carats, une X5, deux voyages par an… Rien de tout cela ne fait le bonheur!!!
Je profite de son argent???
Oui. J’ai aidé à constituer cette fortune. J’ai le droit d’en profiter.
Vous qui me voyez sourire, rire même parfois. Vous qui me voyez chanter, danser aux fêtes. Vous qui me rencontrez à Paris chez Dior ou chez Chanel. Si vous deviez vivre un seul jour de ma vie, vous comprendriez que je préfèrerais un petit appartement, une minuscule bague, m’habiller à la fripe… mais trouver des bras chaleureux et aimants dans mon lit.
Je voudrais un regard qui me désire. Je voudrais des mains qui me caressent. Je voudrais des oreilles qui m’écoutent. Je voudrais un cœur qui batte pour moi.
Tout cela, je le voudrais.
Et avec tout mon argent, JAMAIS JAMAIS, je ne pourrais acheter cela!
Alors, SVP, essayez un peu de me comprendre.
Des Naziha, comme ma cousine, existent. Mais il y a aussi les autres. Celles qui cachent leurs peines sous des apparences trompeuses.
Ne vous fiez jamais aux apparences.
CECI EST DE LA FICTION.
La suite:
Maîtresse... et fière de l'être!!!
Je suis un HOMME.
Personne ne pourra m'imposer la polygamie
J’ai besoin d’être Mme… Oui, Mme… et j’y arriverais
C'est très touchant ton histoire. Je suis très triste que cela te soit arrivé (et t'arrive encore!).
Mais dis-moi, jusqu'à quand pourras-tu endurer ça? Combien d'années avant que tes enfants soient assez grands pour veiller sur eux?
Et si ça peut te consoler, ça arrive aussi au Québec ces histoires d'horreur.
J'ai justement vu un film qui ressemble à ton histoire récemment, avec Roseanne Barr: elle finit par foutre le feu à sa maison, laisser ses enfants à son mari (qui habite maintenant avec une femme riche).
Elle va ensuite travailler dans le centre pour personnages âgées où la mère de la nouvelle concubine de son ex-mari habite.
Elle la fait expulser (incontinence...) pour qu'elle retourne habiter avec sa fille (ce qui rend cette dernière folle), etc.
Bref, elle fait ch*** son ex comme on dit en poésie latine :)
Sur ce belles pensées de vengeance, bon courage!
P.S.: en passant par chez nous, tu pourras lire mon profil, j'ai fixé ça aujourd'hui ;-)
Rédigé par : superk | 20/12/2006 à 01:39
c'est vrai l'argent ne fait pas le bonheur, par exemple moi je ne suis ni weld flen lé weld falten, baba mou3allém, certe il ne peut pas répondre à toute nos demandes, moi et mes 4 fréres, mais chacun essai d'aider par ce qu'il peut, chaque été vient et elwé7ed yched el 5édma yé mramma yé déhn.. el 3bed fil b7ar et échi5at weni né5dem, hawna yét3adda essif azra9 , ema wa9telli narj3ou lel 9raya nal9a rou7i métfarhad et mé nénzelch 3ala baba bel masrouf, je met devant mes yeux ces sacrifices pour nous, j'essai bech nfarr7ou kif nanja7 koll 3ém comme ça ta3bou mé yemchich 5sra .
bref malgré les difficultés, nous menons une vie plaine de joie de bonheur et d'amour !!
Rédigé par : wissem | 20/12/2006 à 02:27
You are very smart, articulate, and a good wife. You don't deserve this.
Rédigé par : Leilouta | 20/12/2006 à 04:44
je ne coprends rien du tout !!!! est-ce toi Massir qui vis tout ça???
je te croyais plus jeune et universitaire!!!
je ne comprends rien du tout là!!!
Rédigé par : miranda | 20/12/2006 à 04:52
Pour ceux qui ne connaissent pas les Naziha, lisez les anciens posts, vous verrez que ce post est une critique, voire la réalité de certaines femmes tunisiennes. Massir, continue à écrire, je te lis tous les jours avec admiration! T'arrêtes pas! (j'ai pensé à toi le week end dernier, je suis allée au plazza et j'ai rencontré nos chères amies les aguicheuses:)))
Rédigé par : Niness | 20/12/2006 à 09:48
J'espère avoir rectifié le tir ce matin.
Il ne s'agit pas de moi.
Dans les années 40/50, je n'étais même pas née!!!
Je n'ai que deux enfants, pas 4.
J'espère que mon niveau d'instruction dépasse quand même le: "je baragouine le français pour faire bien dans les receptions".
Le diamant à 4 carats: je peux rêver..... et attendre, attendre, attendre très très longtemps. A moins que son prix baisse vertigineusement, ou que mon mari et moi remportions le Loto!!!
Qui sait?
@ Niness: tu es la seule à avoir compris.
Bravo.
Rédigé par : Massir à Tous: | 20/12/2006 à 11:43
Naziha fait des émules apparemment!
nice try !
et tu prévois pas un épisode ou la cousine de Naziha obtient ce qu'elle désire?
Rédigé par : Girl in the moon | 20/12/2006 à 16:11
Comme je l'ai déjà dis, cette histoire est inspirée d'une histoire vraie.
Et à mon avis, pour que cette Mme Flen obtienne ce qu'elle veut, il faudrait, soit:
1/ Que son mari fasse faillite pour ne plus attirer les hyènes;
2/ Qu'il devienne tellement vieux qu'il ne pourra plus bander;
3/ Qu'il ait un choc quelconque qui lui démontrera que seule sa femme est restée à ses cotés.
Y a-t-il une autre possibilité?
Rédigé par : Massir à Girl: | 20/12/2006 à 16:23
C'est triste la vie.. pour un peu on renoncerait au mariage!..
Sinon pr finir sur une note gaie, ton "ceci est une fiction" me rappelle une histoire belge que je viens de raconter sur mon blog, quelle coincidence :)
Rédigé par : Sana | 20/12/2006 à 19:36
Diantre que les pierres précieuses sont ternes à côté des coeurs qui souffrent.
Rédigé par : Nina Louve | 22/12/2006 à 18:05
C'est exactement ce que je voulais dire.
Il vaut mieux des moments de bonheur et d'amour que toutes les pierres précieuses du monde.
Rédigé par : Massir à Nina Louve: | 23/12/2006 à 17:41
Cher et pauvre homme si tourmenté
Votre exposé et si pathétique! Il s'agit en fait de l'eternel ménage à trois si cher aux vaudevilles et autres comédies si ludiques...
Seriez-vous tellement victime de votre statut d'homme? Que cherchez-vous?
La bénédiction de votre femme, de votre maitresse? de votre société? De Dieu peut-être? Quelle reconnaissance voulez-vous obtenir? Celle d'un homme polygamme voulant le beurre, l'argent du beurre et le cul de la fermière? Si vous l'aviez, seriez-vous en paix avec votre conscience? Seriez-vous heureux? Et si c'était le cas qu'est-ce que cela paut bien nous faire?Arrêttez donc cher homminidé de taper sur le dos des femmes. Si elles n'acceptent pas de partager leur homme fichez leur la paix. Personne ne vous juge.Ne jugez personne. Menez votre vie omme bon vous semble et sachez que le bonheur est dans le cheminement, jamais au bout du chemin
Rédigé par : Henda Houidi | 20/02/2008 à 10:22
Que dire?!!!Un prototype en voie de prolifération dans notre société!!Encore heureux que Néziha puisse profiter de l'argent de son mec , il y en a qui ne profitent de rien!!
Rédigé par : Misscook | 06/01/2010 à 13:06
Aucune fortune ne remplacera jamais l'indépendance ! Mais...est-ce qu'encore aujourd'hui il n'existe pas de Naziha volontaires ? et qui, même volontaires, passent leur vie à souffrir mais ne cèderaient pas leur place de prisonnières de luxe ?
Rédigé par : Michèle | 08/01/2010 à 18:58
oups, mais qui est donc cette chère Henda Houidi ????
N'avez vous pas compris qu'il ne s'agit que d'une fiction inspirée de la triste réalité de bien des femme ???
Pêut être faudrait il relire le post pour mieux le comprendre !
bonne lecture
Rédigé par : Leila Fezzani | 08/01/2010 à 19:03
une histoire bien triste et sans issue... attendre que son mari vieillisse , l'empoisonner tout doucement ou prendre amant (ce qui en france n'est pas un problème)
à chacune sa solution mais il faut faire quelque chose
Rédigé par : ANNIE DEBALLY | 20/09/2010 à 13:36
Quand je lis ce genre de textes, je me demande comment on édite ces torchons qu'on nous somme d'appeler littérature tunisienne et on passe à côté de ces perles (dont tu fais incontestablement partie Massir). Merci d'avoir écrit ce texte, d'avoir narré la réalité d'une personne à ta manière. C'est si bien ficelé si bien écrit et si bien présenté aux diverses réalités de tes lecteurs et lectrices qu'on devrait te remercier(ou juste t'épargner les projections, les identifications et les "pauvre choux, c'est vraiment ce que tu vis?"). Bref, c'est d'une beauté et d'une élégance! Encore merci, et n'arrête surtout pas.
Rédigé par : Fatum | 10/06/2013 à 00:31