Fin Avril 2011, j'ai suivi une formation de trois jours sur les techniques de communication, plaidoyer, mobilisation sociale et réseautage.
Le dernier jour, nous devions conclure la formation par un exercice pratique, qui consistait à répondre à une interview et présenter son association.
Donc, nous devions faire une simulation, et un porte-parole d'une association s'est porté volontaire pour cet exercice. Il s'agissait de l'association Tunisie Tolérance.
Ce qui s'est passé a été étonnant pour nous tous. Tellement étonnant que j'avais écris une note tout de suite. Mais les semaines ont passées et j'avais complètement oublié de la recopier et la publier. Je le fais aujourd'hui.
Nous étions environ 25 personnes à assister à cette formation.
Le président de Tunisie Tolérance, qui suivait cette formation avec nous, a donc présenté son association. Il fallait en fait répondre à ces questions:
- Qui êtes-vous?
- Pourquoi cette association (objectifs)?
- A qui s'adresse cette association (public cible)?
- Communication (programme, activités...)?
- Actualité (les actions passées et les actions futures).
- Coordonnées.
Le représentant de l'association présentait donc Tunisie Tolérance, en expliquant la raison qui a été à l'origine de sa création. Il expliquait que les tunisiens devenaient intolérants, et qu'il fallait essayer de sensibiliser les gens à ce phénomène.
Il disait qu'il est inadmissible par exemple qu'un homme se saoule et qu'il aille ensuite jeter sa bouteille de bière vide sur le mur d'une mosquée, ou qu'en Tunisie, une personne soit victime de discrimination à cause de ses croyances, origines...
Il avait enchaîné sur la définition de la tolérance.
Il avait expliqué que l'association comprenait des membres d'horizons divers, avocats, journalistes, étudiants... qui pensaient agir sur plusieurs plans pour promouvoir la tolérance et expliquer aux tunisiens leurs droits et devoirs, accompagner les victimes lorsque nécessaire...
Tout d'un coup, nous avons tous sursauté.
L'un des présents (journaliste de part sa profession) a pris la parole et a agressé verbalement le pauvre représentant de l'association.
Nous étions tous choqués.
- Arrêtez de parler de tolérance, ce mot est dégoûtant إقزز ! Il s'agit d'un faux débat, inexistant, pris de l'occident, dangereux pour notre société. Parler de tolérance revient à empoisonner l'esprit des jeunes. Je suis contre l'importation de telles notions occidentales qui risquent de dénaturer notre culture et nos traditions...
Nous étions vraiment tous choqués, aussi bien par la forme agressive de l'attaque que par le fonds.
Depuis quand est-ce que la notion de tolérance est-elle occidentale?
Pourquoi les occidentaux auraient-ils le monopole de la tolérance?
Et depuis quand la tolérance est-elle répréhensible?
Qu'est donc la tolérance?
La tolérance émane de la reconnaissance de :
- la dignité des êtres humains,
- l’égalité fondamentale de tous les êtres humains,
- l’universalité des droits de l’homme,
- la liberté fondamentale de pensée, de conscience et de croyance.
Que signifie donc cette explosion de colère?
Et même si cet homme n'apprécie pas cette notion ou la réprouve, de quel droit agresse-t-il les autres?
De quel droit?
Tout un chacun n'a-t-il donc pas le droit de penser, d'agir et de parler librement, du moment qu'il ne porte pas atteinte à autrui?
Cet homme dit que la tolérance est importée de l'occident. Ah oui?
Ne dit-on pas que l'islam prône la tolérance?
Ne dit-on pas depuis toujours que la Tunisie est connue pour sa tolérance?
Génération Tunisie Libre vous invite à assister à la projection du film PERSEPOLIS le vendredi 06 mai 2011 à 19h, à la salle de cinéma Alhambra, centre commercial El Zephyr à La Marsa (entrée gratuite).
Cette projection sera suivie d'un débat animé par le docteur Hechmi Dhaoui, médecin psychanalyste.
Samedi dernier, ce film avait été projeté à la maison de la culture Ibn Khaldoun, ce qui m'avait donné l'occasion de le revoir encore une fois.
Je l'avais déjà vu il y a environ 3 ans, mais aujourd'hui, revoir ce film dans nos circonstances d'après révolution, permet une lecture complètement différente du film. Aujourd'hui, pour moi, tunisienne, ce film n'est plus seulement un film, il est aussi espoir, craintes, émotions, détermination...
Ce film est un regard retrospectif de Marjane Satrapi, une jeune iranienne, sur sa vie. Au début du film, elle parle de la chute du shah, et ensuite de la révolution iranienne et de la montée de l'islamisme, et plus particulièrement comment les islamistes ont confisqué la révolution. L'erreur des mouvements de gauche à l'époque étant qu'ils n'avaient pas compris le danger islamiste. D'ailleurs l'oncle de Marjane incarne cette confiance des gauchistes qui n'avaient pas vu le danger et ont fini par etre broyés par la machine islamiste.
Sur le plan graphique, ce film est d'une très grande richesse. Il y a une parfaite adéquation entre la forme et le fond. Il y a aussi un équilibre et une grande sincérité à travers tout le film. Marjane aurait pu surfer sur la vague de l'anti-islamisme, mais elle ne l'a pas fait. Elle a inroduit dans ce film une dimension plus humaine et plus personnelle.
On y découvre une Marjane qui, à cause des évènements survenus dans son pays, devient étrangère dans son propre pays, étrangère à elle-même et étrangère à l'étranger.
Elle qui était habituée à un certain mode de vie, qui vient d'un milieu social cultivé et libre, n'arrive pas à s'intégrer dans cette nouvelle société. Cette nouvelle société répressive, sans intimité, où règnent l'hypocrisie, la délation et les gardiens de la morale publique. Bien-sûr, avec le temps, les gens ont adopté une certaine stratégie de contournement de ces contraintes, ils vivent une double vie: austérité dans la rue, alors que dans les maisons, ce sont les fêtes et la mixité.
La composante politique est intéressante, mais le film ne se limite pas à cela. Il a plusieurs autres aspects intéressants. Il y a par exemple l'aspect de la transmission d'une certaine culture politique, de la part de l'oncle, mais aussi et surtout de la part de la grand-mère qui inculque à Marjane les valeurs féministes d'une femme très émancipée par rapport à son époque.
Il y a aussi une touche d'humour dans tout le film, par exemple, lorsque Marjane se transforme et devient adulte ou lorsque son ami la quitte. Cet humour fait mieux passer la sensibilté et le désarroi de la jeune femme.
Pareil lorsque Marjane est à Vienne, chez les religieuses. Elle fait passer un message, sous couvert d'humour. On y voit une grosse croix et les visages austères des nonnes: à chaque fois qu'une autorité est basée sur la religion, elle devient oppression, alors que la religion devrait être amour, beauté, tolérance...
Lorsque j'avais vu le film la première fois, je n'aurais jamais cru qu'un jour, en Tunisie nous aurions peur de subir le même sort que les iraniens.
Et en revoyant le film aujourd'hui, cette crainte est encore plus présente. La première demi-heure, on a l'impression d'être en Tunisie. Les dialogues sont exactement les dialogues que nous entendons de nos jours en Tunisie: "à partir de maintenant tout ira pour le mieux", "plus rien ne pourra arrêter le peuple nous aurons une société faite de justice et de liberté", "nous aurons des élections pour bientôt", "Il faut faire confiance aux gens qui après toutes ces années de dictature feront tout pour conserver leur liberté", "De toute façon ça ne pourra jamais être pire que sous le Shah"...
Même le fhimtkom est là. Le Shah est passé à la TV, juste avant de partir, il a fait un discours, et il a dit "je vous ai compris".
L'horreur. L'Histoire pourrait se répéter...
Persepolis
Réalisé par Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud Avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux Durée : 01h35min - Année de production : 2007 Ce film a obtenu 11 prix et 23 nominations
Synopsis : Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l'avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l'instauration de la République islamique débute le temps des "commissaires de la révolution" qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l'Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l'envoyer en Autriche pour la protéger. A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l'adolescence, la liberté, les vertiges de l'amour mais aussi l'exil, la solitude et la différence.
Le Parisien Renaud Baronian (...) un film capable de nous faire rêver, voyager, pleurer et hurler de rire dans la même séquence. Exaltant.
Paris Match Alain Spira Persepolis mêle le rire aux larmes, sans faire l'impasse sur les ravages de la dictature islamiste avec son lot d'intolérances et d'arrestations. Drôle et poignante, éducative et captivante (...)
Le Nouvel Observateur Pascal Mérigeau On sourit et on rit, on s'émeut gentiment souvent, on a un peu peur parfois mais pas trop, juste ce qu'il faut, on bat des mains comme à Guignol, et c'est très bien.
Libération Eric Loret C'est l'autobiographie tragicomique de Marji, jeune Iranienne, sur l'enfance de laquelle tombe le régime des barbus avec ses brimades pour elle et ses horreurs pour les autres (tortures, exécution d'un oncle, mort d'un ami fuyant la police des moeurs, etc.)
Hechmi Dhaoui est médecin psychiatre-psychanalyste. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont:
L'amour en islam Sur la base de recherches menées sur les différentes formes de la mémoire, ce travail expose une psychanalyse de l'amoureux, en se posant les questions suivantes : est-ce que l'amoureux choisit de l'être ? Est-ce qu'il choisit l'objet de son amour ? En faisant une comparaison entre l'amour profane et sacré, l'auteur tente d'expliquer la psychologie individuelle et collective de l'intégrisme.
Pour une psychanalyse maghrebine la personnalité A partir de l'histoire pluri-culturelle du Maghreb, qui a été Africain d'abord, puis Méditerranéen et Européen, avant que l'on essaye de le présenter exclusivement comme Arabe ; l'auteur s'est donné comme objectif de relativiser plusieurs fausses affirmations concernant l'Afrique du Nord. Cet ouvrage essaie d'étudier le rôle social de l'individu particulièrement et de la communauté en général, à partir des rites et des émergences spécifiques et archétypiques de la mémoire épisodique et collective.
Musulmans contre Islam? Rouvrir les portes de l'Ijtihad(Je l'ai lu, et j'en parle dans mon blog) Par Hechmi Dhaoui - Gérard Haddad Deux psychanalystes, Gérard Haddad, juif tunisien vivant en France, et Hechmi Dhaoui, musulman vivant en Tunisie, s'interrogent sur la situation du monde arabo-musulman dans ses rapports avec l'Occident. C'est l'occasion pour eux de pourfendre quelques lieux communs et de mettre au jour certains paradoxes douloureux.
Vendredi dernier, j'étais à un séminaire à l’hôtel International. Vers 13h, 13h30, nous, les participants à ce séminaire avons entendu une clameur venant de la rue. Nous sommes allés rapidement aux fenêtres. Il y avait une manifestation de barbus à l'avenue Habib Bourguiba. Quelques hommes sont descendus pour voir cela de plus près. Ils sont remontés et nous ont dit qu'en effet, des barbus manifestaient contre le professeur, qui d'après eux, aurait insulté le prophète. Je dis "aurait", parce que bien-sûr, rien n'est prouvé.
J’ai lu plusieurs articles à ce sujet.
Le premier disait que le professeur avait parlé des versets 11 à 26 de la sourate XXIV qui sont consacrés à innocenter Aïcha d'une accusation d'adultère. J’ai même lu un article qui disait que ces versets sont étudiés depuis des années dans nos écoles sans avoir jamais causé aucun problème particulier. Il s'agit d'un fait historique, attesté d'ailleurs par ces versets.
Ensuite, j'ai lu deux articles, pratiquement identiques (l’un a copié l’autre ?), mais dans deux magazines différents, accusant le professeur d'avoir dit que le prophète était pédophile et que s'il avait vécu à notre époque, il aurait été poursuivi en justice.
J'ai aussi lu un article innocentant le dit professeur, et racontant que les camarades des deux petites filles accusatrices, avaient témoigné en faveur du professeur.
Bref, désinformation totale. Des médias qui ne savent pas faire leur travail. Infos et intox sont devenues notre pain quotidien.
Personnellement, je vois très mal un professeur portant de telles accusations contre notre prophète, cela serait un grave manquement à son rôle d’éducateur. Un professeur doit enseigner une vérité historique et non pas porter des jugements personnels et manquer de respect aux religions.
Je pense plutôt que la première hypothèse est la plus plausible. Le professeur aurait parlé de cet incident de l'accusation d'adultère, et de l'issue de cette histoire. Et je pense que les deux élèves qui ont porté leurs accusations auraient mal interprété ses propos. De toute façon, une enquête objective devrait nous éclairer à ce sujet. Du moins, je l'espère.
Vers 15h, nous étions toujours en séminaire, et nous avions entendu des tirs. Ensuite, nous avons sentis les lacrymogènes.
Plus tard, je suis moi-même descendue dans l'avenue. Il y avait énormément de policiers. J'ai posé des questions aux gens. On m'a raconté que des barbus s'étaient attaqués aux femmes non voilées et à celles qui étaient attablées aux cafés. Il parait qu'ils étaient très agressifs. Certains auraient utilisé des bâtons. On m’a dit qu'il y a eu un moment de panique dans l'avenue, que des femmes pleuraient, que des gens fuyaient... On m'a raconté que lorsque la police a été obligée d'intervenir et a dispersé la manif, les gens applaudissaient.
Des tunisiens applaudissant la police ! C'est un spectacle inhabituel, mais significatif quand même. Les gens ont en marre de ces barbus qui squattent l'avenue Habib Bourguiba et y sèment la terreur.
J’ai fait quelques pas dans l'avenue. J'ai parlé avec des gens, et ensuite, j'ai trouvé un groupe de policiers, en uniforme et en civil. Je suis aussi allée leur parler. Ils m'ont raconté la même version que les badauds. Ils étaient eux-aussi très heureux d'avoir été applaudis. Ils m'ont fait des reproches en disant que nous, les autres (entendez par là, les non-barbus) avions tort de ne pas agir et de laisser ces gens accaparer la rue et les médias.
Que pouvais-je répondre?
Nous ne laissons pas faire, mais nous agissons différemment. Et c'est vrai, nous agissons différemment. Nous essayons de nous grouper, de former des associations.... Est-ce la bonne solution? Je ne sais pas vraiment. Je l'espère. Mais occuper la rue est-elle aussi une bonne solution?
La solution est les urnes. Allons tous voter en masse le 24 juillet.
Le problème qui se pose: est-ce que les tunisiens sont tous conscients des enjeux de cette constituante?
Ce n'est pas sur.
Avant-hier, toujours dans l'avenue (certains m'ont prise pour une journaliste en me voyant parler aux uns et aux autres), des gens m'ont affirmé qu'ils n'iront pas voter. Lorsque j'en ai demandé la raison, ils ont répondu qu'ils ne sauraient pas pour qui voter. Ils ne veulent pas de la Nahdha, mais ne connaissent pratiquement pas les autres partis.
C'est grave.
Certains m’ont dit qu’ils ne savaient pas en qui avoir confiance. Ils ne savent pas, et me paraissent avoir jeté l’éponge. Ce que j'ai trouvé émouvant, c’est que ces gens me demandaient mon avis. Ils me demandaient conseil. On voit vraiment le désarroi. Ils veulent savoir, mais ne savent pas comment ou quoi faire. Je n’avais pas voulu les influencer. D’autant plus que je n’ai moi-même pas fait mon choix.
Après insistance, j’ai fini par leur conseiller de voter en leur âme et conscience, mais de voter utile, c’est-à-dire de voter pour des partis qui pourraient gagner, pas pour de partis minuscules, ce qui ne servirait à rien.
Ce qui me rassure, c’est qu’il est fort probable que les petits partis finiront par s’unir, d’une façon ou d’une autre. Et nous y travaillons.
Je l’avoue, j’ai adoré me promener dans l’avenue et parler ainsi avec les gens, mais je n’étais pas très rassurée.
J’adore ce contact avec les gens. J’adore les écouter. J’adore avoir d’autres points de vues, de personnes qui n’ont malheureusement pas souvent l’occasion de s’exprimer.
Ma plus belle expérience, je crois, a été une grande discussion improvisée devant le Théâtre municipal de Tunis le 20 mars 2011. J’en garde un excellent souvenir, et ces deux photos, qui, pour moi, représentent la Tunisie Plurielle:
Pour arriver à ma voiture, qui était garée un peu loin, je devais passer par une rue un peu sombre et j’avoue que j’ai eu un peu peur. Peut-être l’ambiance particulière de l’avenue. J’ai donc demandé à un policier qui était là à écouter mes bavardages avec les gens, s’il voulait bien m’accompagner jusqu’à ma voiture. Ce qu’il a fait.
Ce qui m’a permit de discuter avec lui pendant quelques minutes. Il paraissait désespéré et sincère. Il ne comprenait pourquoi les tunisiens ne les aiment pas, eux les policiers. Il demandait ce qu’il fallait faire pour que le peuple les aime. Il dénonçait ses supérieurs, leur incompétence, leur corruption.
J’ai essayé de lui expliquer que les abus de certains avaient conduit à cette situation. Qu’il est normal que les gens n’aiment pas ceux qui les répriment, ou les rackettent...
Il a essayé de me raconter leurs conditions de travail. Je crois qu’il pensait vraiment que j’étais journaliste, et il me suppliait presque de leur envoyer un journaliste intègre qui passerait une nuit avec eux dans un quartier chaud de la ville pour comprendre leurs conditions de travail.
Ah si seulement il était possible d’avoir une baguette magique qui permettrait de résoudre tous les problèmes de la Tunisie d’un coup !
Bon, je sais, faut pas rêver !!!!
Ensuite, j’avais été chez mes parents, mon père m’a aussi raconté qu’il avait entendu parler du grabuge qu’il y avait eu à l’Avenue Habib Bourguiba et les rues avoisinantes. Il m’a dit que des bars avaient été attaqués.
Samedi, j’avais été voir le film Persepolis à la maison de la culture Ibn Khaldoun. J’avais acheté un sandwich et j’en avais profité pour poser des questions aux gens qui faisaient la queue et au type à la caisse. On m’a raconté qu’en effet, vendredi, des barbus s’étaient attaqués à des bars et qu’ils avaient cassé des vitrines.
Rabbi yoster.
C’est vraiment dommage tout cela.
Où est donc passée la solidarité des tunisiens du 14 janvier ?
Le 3 avril 2011, des amis et moi avions pris part à l’hommage qui avait été rendu à Bourguiba. Nous étions donc à Monastir, et nous en avions profité pour nous promener un peu dans la ville.
J’ai bien-sûr pris quelques photos que je partage avec vous.
Tout d’abord, cette belle vue de la mer. Magnifique vraiment. Nous avions cette vue lors du déjeuner, et nous l’avions retrouvée en fin de journée avant de quitter Monastir.
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
J’ai aussi pris cette photo de cette belle fresque qui se trouve sur la façade de la salle où aurait du intervenir Gisèle Halimi. Devinez qui est l’artiste ?
Oui, en effet, il s’agit bien de M. Abdelaziz Gorgi. Cela se voit, non ? Son style est inimitable !
Ensuite, visite de la médina.
Mon premier coup de coeur a été pour cette jolie façade. J’ai adoré la faïence, vraiment très belle.
Nous sommes entrés dans le local de l’association de sauvegarde de la médina, qui a drôlement besoin d’être restauré !!!
J’ai fait exprès de prendre cette photo de détail. En fait, ce genre de motifs existe partout chez nous. La Tunisie a toujours eu une population musulmane et une population juive, et nous avons toujours eu ce genre de motif décoratif. Mais j’ai fait exprès de faire ce petit rappel ! Il faut dire aussi que c’est un clin d’œil à ceux qui sur facebook passent leur temps à rechercher soit une étoile à six branches, soit un triangle, pour crier soit au sionisme, soit à la franc-maçonnerie!
J'ai aussi pris en photo la facade de l'office du tourisme. J'ai été étonnée, parce que je pensais que ces briques n'existaient que dans le sud de la Tunisie. En fait, moi, cela m'a rappelée Tozeur.
Après la promenade, nous sommes allées prendre "un gouter" dans un café en bord de mer. Je ne me rappelle plus le nom de ce café. C'était agréable. La vue maginfique (voir la 1ère photo), et puis, nous nous sommes régalés. Jugez par vous-même:
A la fin de la journée, nous sommes allés voir la maison où est né Bourguiba, et j'ai découvert ce bâtiment, qui vient d'être restauré m'a t-on dit. Style arabisant. Si une personne pouvait nous donner un peu plus de renseignements à son sujet, elle serait la bienvenue.
Il y a 11 ans, j'avais passé de longues heures devant la TV attendant la retransmission des funérailles de Habib Bourguiba. Mais il faut croire que ce grand homme, même mort, faisait tellement peur au minable ZABA que celui-ci n'avait même pas eu le courage de nous le montrer à la TV.
Quelques mois auparavant, Hassan II et le roi Hussein de Jordanie étaient décédes et leurs obsèques avaient été retransmises sur toutes les TV. Pendant des heures, nous avions pu suivre ces funérailles minute par minute, nous avions pu voir les chefs d'Etat qui étaient venus leur rendre un dernier hommage, nous avions pu voir leurs peuples leur faire leurs adieux... Bourguiba était mort, nous ne pouvions tous nous rendre à Monastir, mais nous étions des milliers devant nos postes de TV pour rendre ce dernier hommage à notre 1er Président de la République Tunisienne. Nous étions là pour voir tous les invités illustres, tous les concitoyens fidèles... Et surprise, nous avions eu droit à des poissons et à des oiseaux sur notre chaine nationale. Je me rappelle qu'une chaîne française (TV5?), avait constitué tout un plateau d'invités pour parler de Bourguiba et commenter ses funérailles (et je suppose comparer par rapport aux funérailles de Hassan II et Hussein de Jordanie), ces invités étaient eux-aussi étonnés de voir apparaitre ces oiseaux et ces poissons. Ils s'étaient d'ailleurs moqués de nous, et plus particulièrement de ZABA, qui avait peur d'un mort.
Bref, il y a onze ans, nous avions été privés de ces images. Nous avions été privés de participer à un moment historique de notre pays, que l'on aime ou pas Bourguiba d'ailleurs. Il était notre premier Président de la République, il était un personnage historique et national, et nous en avions été privés parce qu'un dictateur illettré et imbécile en avait décidé ainsi.
Il y a quelques jours, des amies sur facebook, avaient proposé de rendre hommage à Bourguiba et de faire une action pour montrer notre attachement aux acquis du Code du Statut Personnel, puisque ces derniers temps, nombreuses sommes celles qui avons peur pour les acquis de ce code.
J'ai été d'accord tout de suite. Il s'agissait de se rendre sur la tombe de Bourguiba, en brandissant des Codes du Statut Personnel, et de lui rendre un hommage pour le remercier d'avoir imposé en quelques sortes ce Code avant gardiste, que les autres pays arabo-musulmans n'ont toujours pas 55 ans plus tard, et le remercier aussi pour tout ce qu'il avait fait pour nous dans les domaines de l'éducation et de la santé.
L'évènement sur Facebook avait eu un certain succès, des femmes et même des hommes avaient manifesté leur désir d'y participer. Au début, il était prévu de le faire le 06/04/2011, mais plusieurs personnes avaient préféré le 03/04/2011, puisqu'un le dimanche convient mieux aux personnes qui travaillent.
Quelques jours avant la date prévue, j'avais reçu un message sur facebook. On me disait qu'une Association Nationale pour la Pensée Bourguibiste voulait nous aider, et nous proposait tout un programme. J'en ai parlé avec mes amies. Nous craignions une récupération politique, or notre mouvement était spontané et complètement apolitique. Nous nous sommes donc assurées qu'aucun parti ne voulait nous "manipuler" et nous avions accepté de prendre part au programme proposé.
Dimanche 3 avril 2011, nous étions tout un cortège de voitures à quitter Tunis, vers 09h30, pour cet hommage à Bourguiba.
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
Arrivée du cortège vers 12h.
Personnellement, j'étais en retard parce que j'ai eu un pneu qui a éclaté, et malheureusement, j'ai raté la première partie du programme: passage au palais de Skanes, où Bourguiba passait ses vacances. Je ne suis arrivée que vers la fin. J'ai juste eu le temps de constater les dégâts qu'ont occasionnés ZABA & Cie à ce palais: le parc a été divisé en lots qui ont été vendus à des particuliers pour y construire leurs maisons! Jusqu'où va leur cupidité????
Ensuite, direction le mausolée de Bourguiba. J'étais très contente de m'y rendre et de pouvoir y pénétrer. J'avais eu l'occasion de visiter Monastir à plusieurs reprises, mais le mausolée était fermé au public (je ne sais pas si c'était toujours le cas).
A notre arrivée, une mauvaise surprise nous attendait: les organisateurs étaient en colère, mais vraiment en colère. L'hommage était réservé à Bourguiba et avait été fait sans aucune participation partisane, or, M.Morjan avait profité de l'occasion et était arrivé au même moment que nous. Il s'en est suivi un moment d'hésitation: allions-nous pénétrer nous aussi dans le mausolée ou pas? Nous étions un mouvement apolitique, et n'avions rien à voir avec Morjan ou autre.
Il a finalement été décidé de l'ignorer et de poursuivre le programme. Des milliers de personnes étaient là pour l'occasion, nous n'allions pas laisser tomber à cause d'un opportuniste.
Nous avions donc décidé de pénétrer dans le mausolée, mais des gens de Monastir n'étaient quand même pas d'accord que M.Morjane soit présent. Ils ont alors manifesté leur mécontentement. Ils sont entrée dans le mausolée à sa suite, et lui ont crié DÉGAGE!
Je ne suis pas adepte de la Dégagite aigue, mais à ce moment-là, j'ai été d'accord. M.Morjan est un citoyen qui a le droit de venir se receuillir sur la tombe de Bourguiba s'il en a envie, mais il n'a pas le droit de venir se greffer sur un évènement qui a été organisé par d'autres personnes, qui ne voulaient pas d'une récupération politique. Il aurait pu venir avant ou après, mais il n'avait pas à profiter de notre présence pour se faire de la pub. Alors, oui, il a mérité l'acceuil qui lui a été réservé:DÉGAGE!
Je lui en veux parce que par sa présence, il a gaché un moment qui aurait du être un moment de pur recueillement et qui s'est transformé en mouvement de rejet.
Les gens étaient vraiment dans une colère folle. Il a été très difficile de les calmer. Mais j'ai pu profiter de ce moment pour prendre des photos, en particulier des photos du tombeau qui est vraiment magnifique.
Un calme relatif a pu être obtenu, ce qui a permis à un imam de réciter la fatiha à la mémoire de Bourguiba.
Ensuite, nous avons pu visiter les autres salles du mausolée. Il y avait une salle où étaient enterrés les membres de la famille de Bourguiba, dont son grand-père, son père et sa mère.
Dans une autre salle sont exposés des effets personnels de Bourguiba et des photos:
Après le mausolée, nous nous sommes dirigés vers la maison du père de Bourguiba, où l'association a réuni un très grand nombre de photos de Bourguiba. Je m'attendais à trouver dans cette maison, des meubles, des effets personnels de la famille Bourguiba, mais on m'a dit que pendant l'ère ZABA, tout avait disparu, et que l'association n'a pu retrouver que deux lustres.
En cours de route, nous sommes passés devant la mosquée Bourguiba. Je l'ai trouvée belle.
Je ne savais pas que les discours de Bourguiba étaient enregistrés sur disques vinyles. Cela a été une surprise. Et ça marche!!
Qui s'en souvient?
Il y avait des photos que nous connaissions tous, mais il y en avaient des inédites aussi. Malgré la foule, j'ai trouvé ce moment émouvant. Et lorsque j'ai quitté l'expo, en me dirigenat vers la sortie, un haut-parleur diffusait un discours de Bourguiba, et je me suis surprise à pleurer. Oui, vraiment.
Pourquoi?
De dépit, d'émotion et de joie. Le dépit parce que, comme je l'ai dit plus haut, ces images j'aurais voulu les voir il y a 11 ans. Lorsque Bourguiba s'est éteint, notre dictateur avait tellement peur de lui et le jalousait tellement qu'il nous a ridiculisés en ne voulant pas nous montrer ces images et nous laisser vivre les dernieres heures de Bourguiba. L'émotion, parce que cela m'a rappelé mon enfance et ma jeunesse. Bourguiba faisait partie de notre vie quotidienne. Il était toujours là, ne serait-ce que grâce aux tawjihette issayed il rais. C'était même exagéré et parfois nous en avions marre et rouspétions de le voir autant. La joie, parce que 11 ans, plus tard, nous avons repris notre destin en main (du moins je l'espère) et nous avons pu réparer une injustice commise à l'encontre de Bourguiba et de tout le peuple Tunisien qui a été privé d'une partie de son passé. L'Histoire ne pardonne pas ya ZABA. Lorsque toi, tu mourras, tu n'auras droit qu'au mépris et à la haine. Et cela ne sera que justice.
Après cette visite, les organisateurs nous avaient invité à manger un couscous. J'avais pensé que nous aurions un couscous spécial Monastir, mais en fait, c'était un couscous normal. Ensuite, il devait y avoir un débat animé par Gisèle Halimi, mais nous l'avons attendue en vain. A sa place, certaines personnes ont pris la parole pour nous raconter leurs souvenirs de Bourguiba, ou leur amour pour lui.
L'un d'entre eux nous a raconté que Bourguiba lui aurait dit: "J'ai préparé le plateau pour que la pomme tombe". Il nous a expliqué que Bourguiba lui disait qu'il n'avait pas juste amené l’indépendance mais qu'il avait milité parce qu'il voulait que le peuple tunisien soit libre et démocratique. Mais que la démocratie ne se donne pas, elle se mérite. En attendant, il fallait construire des écoles, des hopitaux... et lorsque le peuple sera instruit, il voudra sa dignité et prendra le pouvoir.
Anecdote vraie?
Possible. Si c'est le cas, est-ce ce qu'est entrain de vivre la Tunisie actuellement?
Une nièce de Bourguiba a aussi pris la parole. Elle nous a raconté qu'à une époque Bourguiba Jr était allé à la Sorbonne à Paris, avait demandé à voir des copies d'examens de son père, et avait constaté que Bourguiba avait d'excellentes notes. Cela je veux bien le croire.
Ensuite, des amis et moi nous sommes promenés dans Monastir. Je vous raconterais cela un autre jour.
Avant de quitter Monastir, j'ai quand même pris une photo de ce monument commémoratif qui était en cours de finition ce jour-là.
Bien-sûr, pendant 23 ans, cette place s'est appelée Place du 7 Novembre 1987, mais un habitant m'a dit que personne à Monastir ne lui a jamais donné ce nom. Que cette place s'appelle dorénavant Place du leader Habib Bourguiba n'est que justice.
En voiture, nous sommes passés devant la maison où est né Bourguiba, nous sommes descendus le temps de prendre des photos.
Un dernier adieu à notre Combattant Suprême et retour à Tunis.
Je sais que Bourguiba a commis beaucoup d'erreurs. Je sais qu'il n'a pas su partir à temps. Je sais qu'il n'a pas accepté les "concurrents". Je sais aussi qu'il était mégalomane. Je sais qu'il a laissé la situation pourrir au point d'avoir un Ben Ali. Je sais tout cela.
Mais je sais aussi qu'il a beaucoup fait pour la Tunisie. Je sais qu'il aimait son pays. Je sais qu'il a inculqué en nous l'amour de notre Tunisie. Je sais qu'il nous a rendu fiers de notre pays. A son époque, la Tunisie jouissait d'une grande considération sur le plan international grâce à lui, qui était un grand visionnaire.
Mais je sais surtout que c'est grâce à lui que nous tunisiens, avions pu accéder, non seulement à l'enseignement, mais à un enseignement de qualité (que ZABA s'est acharné à détruire). Je sais aussi que nous femmes tunisiennes, lui devons notre statut personnel, envié par toutes les autres femmes arabo-musulmanes, qui en 2011 n'ont pas encore pu en avoir un semblable. Nous, femmes tunisiennes, avons acquis en 1956 des droits dont les autres femmes arabo-musulmanes ne peuvent même pas rêver. Pourvu que cela dure.
Pour conclure, je dirais, à l'instar de ce qui a été dit hier à la TV: "Bourguiba n'a pas su assumer le succès de ses propres réformes", et c'est bien dommage.
Aujourd'hui, il faut regarder l'avenir, mais toi, Bourguiba, tu auras toujours ta place dans ma mémoire et dans mon coeur.
Il y a quelques années, une société saoudienne avait ouvert un bureau de représentation en Tunisie pour commercialiser ses produits. Cette société avait organisé un cocktail et un grand dîner dans un des hôtels de la banlieue Nord pour promouvoir sa marque. Des professionnels tunisiens avaient été invités, hommes et femmes bien-sûr. Lors du cocktail, nous étions donc mélangés, hommes et femmes, nous parlions ensembles...
Ensuite, nous avions été invités à entrer dans la salle du restaurant, et quelle ne fut notre surprise de constater qu'il y avait, d'un coté des tables pour les hommes, et de l'autre, des tables pour les femmes. Le grand choc pour tous, y compris pour les hommes. D'autant plus que la grande majorité des présents avaient été invités avec leurs conjoints!
Grand remous, refus des couples de se séparer. Certains avaient même menacé de quitter le diner en argant du fait que nous étions en Tunisie et que c'étaient aux "étrangers", donc aux saoudiens de se conformer à nos habitudes et non l'inverse, même si les saoudiens étaient les organisateurs du diner. Ces saoudiens se devaient de respecter les habitudes d'un pays dans lequel ils se trouvaient.
Ils avaient aussi ajouté que si ces saoudiens ne voulaient pas de femmes lors de leur dîner, ils n'avaient qu'à inviter les hommes seuls sans leurs épouses. Cela se faisait parfois lors de dîners professionnels où les conjoints n'étaient pas invités.
Un compromis avait été enfin trouvé: la table du PDG saoudien et de son fils ne comprendrait que des hommes, mais tous les autres invités avaient le droit de s’asseoir à leur guise.
J'avais à l'époque trouvé cela scandaleux. Comment est-ce que ces gens pouvaient venir chez nous et nous imposer leurs traditions?!
Pourquoi n'avaient-ils pas respecté nos propres traditions?
Le plus drôle, c'est que lors du diner, entièrement organisé par les saoudiens, nous avons eu droit au spectacle d'une danseuse orientale pas très habillée!
Ce n'est pas un peu contradictoire cela?
Bref, nous étions tous choqués à l'époque. Pourtant aujourd'hui, nous tunisiens, sommes entrain de "copier" ces habitudes sexistes. Nous les importons de ces pays qui ne reconnaissent ni les droits de l'Homme, ni la différence, ni la tolérance et encore moins l'égalité des sexes. Et tout cela sous couvert de quoi?
Sous couvert de la religion.
Je pense (et ce n'est qu'un avis personnel) que leur lecture de la religion est fausse.
Il ne faut pas oublier que l'islam a été progressiste et qu'il a amélioré la condition de la femme à son époque. N'a-t-il pas, par exemple, interdit l'enterrement des petites filles vivantes? N'at-il pas limité le nombre d'épouses par rapport à l'époque de la jahilya où les hommes pouvaient épouser un nombre illimité de femmes? N'avait-il pas permit à la femme d'avoir ses propres biens et de les gérer?
Dans l'histoire de l'islam, n'y a-t-il pas eu des femmes célèbres et libres? SI. Il y en a eu. Fatima Mernissi nous en parle d'ailleurs dans son livre "Sultanes oubliées". La première de ces femmes était bien-sûr, Khadija, le femme du prophète. N'était-elle pas une grande commerçante?
Alors pourquoi est-ce que de nos jours, au XXIème siècles, des hommes choisissent-ils de mépriser les femmes?
Je ne comprend pas.
Pourquoi parler de ce sujet aujourd'hui?
C'est en voyant la photo ci-dessous que je me suis remémorée ce dîner avec les saoudiens.
Pourtant, les hommes et femmes, lorsqu'ils font le hadj (pèlerinage), prient ensemble dans la Grande Mosquée, non? J'ai par ailleurs vu des hommes et des femmes prier ensemble dans une mosquée d'Istanbul (une mosquée non touristique, que j'avais trouvée par hasard cet été).
Alors pourquoi certains veulent-ils séparer les hommes et les femmes?
Lors de ce meeting de la Nahda, ces hommes et ces femmes ne sont-ils pas des frères et des soeurs, des maris et des épouses, des pères et des filles? Pourquoi ne sont-ils pas ensembles? Pourquoi ne sont-ils pas coté à cote, à l'instar de ce couple qui fait sa prière ensemble?
Depuis la mi-décembre 2010, je ne dormais presque plus. Quelques heures volées de temps en temps, mais j'étais toujours à l’affût. Avant le 14 janvier, je me demandais sans cesse: y arriverions-nous? Y arriverions-nous? Arriverions-nous à nous débarrasser de Ben Ali & Cie?
La tension montait. De plus en plus. Plus la révolte grondait, plus la tension montait. Oui ou non? Oui ou non? Faut-il espérer?
Cela dépendait des jours. Des manipulations. Des nouvelles. Des discours. Des discours qui resteront dans nos mémoires, mais plus pour la moquerie qu'autre chose. Ben Ali sera perçu comme un clown manipulateur raté. Bi kolli hazm nous a-t-il dit. Et bi kolli hazm, nous lui avons répondu.
Je me rappelle ce soir-là. A mon avis, pour la première fois de notre vie, 11 millions de tunisiens regardaient le discours présidentiel. Même ceux qui n'étaient pas chez eux pour avoir une Tv à proximité s'étaient débrouillés pour voir ce discours.
Bi kolli hazm, j'étais à mon bureau, et j'avais trouvé un lien internet pour le voir nous dire que bi kolli hazm, il allait arrêter la volonté du peuple d'accéder à la liberté.
Première grosse erreur de Ben Ali, qui grâce a son discours a mis le feu aux poudres.
Suspence.
2ème discours, 2 ème erreur.
Et l'espoir qui grandit, grandit, grandit...
3ème discours. J'ai eu peur. J'ai eu vraiment peur. Et si les gens y croyaient? Et s'ils y croyaient.
Je voyais autour de moi des gens qui s'en étaient contentés. Ils croyaient aux fausses promesses. J'étais atterrée. Une amie, se moquant de moi, avait dit que l'on pouvait me présenter des condoléances. Oui, j'avais tellement peur que le rêve soit mort.
Les automobilistes qui klaxonnaient de joie, les you you, le "débat" à la TV... Ô mon Dieu. J'avais eu peur. PEUR. Le rêve est-il mort?
Mais non. Les Tunisiens ont été des chefs, des artistes, des dieux... Ils avaient compris. Ils ne s'étaient pas laissé tromper par le "ghaltouni, fhimtkom, wallah fihmtkom". Ech fihmit ya bhim??? Ech fhimt???
Chay ma fhimt ya bagra!!!
Le 14 janvier 2011. Une date désormais historique.
Une date qui changera à jamais la face du monde entier.
Fière de vous les Tunisiens. Très très fière. TRES TRES TRES TRES fière de vous, de nous, de TOUS LES TUNISIENS.
Et une ère nouvelle a commencé.
Et je ne dormais toujours pas. Quelques heures de temps en temps.
Et ensuite, les espoirs, les désespoirs, les joies, les déceptions, les problèmes, les solutions, les batailles, les disputes, les réconciliations, les cauchemars......
L'apprentissage de la démocratie, difficile apprentissage pour un peuple n'ayant connu dans sa grande majorité que la dictature.
Manipulations, de parts et d'autres. Les loups avaient sorti les crocs. Les ambitions de certains se sont réveillées...
Le Conseil de Protection de la Révolution, conseil auto-proclamé, entre autres, a essayé de prendre le pouvoir.
Et je ne dormais plus.
La seule consolation que j'avais personnellement dans tout cela, était M.Yadh Ben Achour. J'avais confiance en lui. Le seul en qui j'avais vraiment confiance et je voulais qu'il poursuive son travail.
J'avais des cauchemars rien que d'y penser.
Je voyais les manipulations, je ne savais comment réagir.
La démission de M.Med Ghannouchi m'a encore fait plus peur. La dictature était-elle en marche?
Aujourd'hui, je me demande: Est-ce qu'une stratégie a été mise en place pour se débarasser des loups?
C'est possible et c'est même probable.
Certains pensent, et peut-être ont-ils raison, que le discours de M.Med Ghannouchi faisait partie d'une stratégie pour contrer les loups, en l'occurence M.Jerad et le Conseil de protection de la Révolution.
C'est très probable.
Quelle était cette stratégie?
Avoir un contre-pouvoir à l'encontre de ce conseil auto-proclamé.
1/ Réveiller la "majorité silencieuse" pour montrer que le peuple n'est pas du coté de ce conseil, de l'UGTT, des fauteurs de troubles et de tous les opportunistes qui voulaient s’approprier la révolution et le pays
2/ Propager des rumeurs selon lesquels l'armée prendrait le pouvoir si le calme ne revenait pas pour justement faire peur à ces opportunistes et ceux qui pourraient les croire.
Et je pense que cela a marché.
Ce que je déplore est que certains aient cru que le mouvement de la Kobba était contre le Sit-in de la Casbah. Je déplore toutes les divisions, toutes les insultes, tous les cris...
Pourtant, nous qui étions présents à la Kobba avions dit et re-dit, et mis des banderoles dans ce sens: Casbah et Kobba unis. Mais, comme on dit, il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.
C'est pas grave. J'espère qu'aujourd'hui, la fraternité entre tout le peuple tunisien reverra la jour.
Je reviens donc à la statégie du gvt.
Je pense que le gouvernement était dans l'impasse. Que faire?
Je ne sais qui a élaboré cette statégie, mais bravo. Bravo à lui. C'était apparemment la bonne solution.
La Casbah réclamait essentiellement une assemblée constituante, ce vers quoi d'ailleurs penchait M.Yadh Ben Achour. Et M.Med Ghannouchi après son discours de démission avait dit que c'était aussi son choix. Je pense qu'aujourd'hui, nous avons la réponse.
Nos hommes politqies nous ont manipulés, c'est vrai. Mais je dirais qu'ils ont eu raison. La voix de la sagesse?
Je ne sais pas.
La revendication principale des manifestants de la Casbah, à savoir une assemblée constituante, était légitime. Une des revendications secondaires, telle la reconnaissance du Conseil de la Protection de la révolution, était inacceptable. Complètement inacceptable, parce que cela aurait été le rétablissement de la dictature.
La revendication principale de la Kobba était : Pas de ce Conseil, pas de dictature. Et bien-sûr éviter la faillite de notre Etat.
Notre mouvement de la Kobba a montré aux loups (CPR) que les tunisiens ne laisseront pas faire, et que la menace des grèves illimités et de la violence pour faire pression sur le gouvernement n'est plus possible.
Après le discours de M.Foued Mbazza, hier, j'ai été rassurée.
Les revendications de tous les tunisiens ont été entendues, tous les tunisiens, aussi bien ceux de la Casbah, que ceux de la Kobba, que ceux de tous les tunisiens qui ne se sont pas exprimés.
Tous les tunisiens ont été entendus.
Et l'espoir renait.
Hier, j'ai essayé de rester un peu sur facebook, de discuter avec mes amis, de voir ce qu'il s'y dit... mais je n'ai pas résisté longtemps. Je n'avais pas dormi une seule seconde depuis 48 heures. Et j'étais enfin rassurée. Et je me suis endormie.
Je me suis réveillée quelques minutes vers 1h30 du matin , et me suis rendormie jusqu'à 14h aujourd'hui.
Oui, pour la première fois de ma vie, j'ai dormi plus de 12h, et j'ai dormi de longues heures depuis le 17 décembre.
Là, j'écris cette note tout en écoutant le discours de M.Béji Caid Essebsi. Et je suis encore plus rassurée.
Avant hier, j'étais d'une inquiétude monstre. J'avais appelé mon père pour lui crier mes craintes. Il avait peur lui aussi, mais à la fin, il avait conclu: "attends un peu. je connais Si Béji. C'est un grand homme. Il sait ce qu'il fait. Il ne pliera jamais aux espoirs de ce conseil. Fais-lui confiance. on verra ce qu'il va faire. Et s'il nous déçoit, nous agirons".
Et il ne nous a pas déçus.
Merci M. Béji.
Et merci à tous ceux qui ont agi pour le bien de la Tunisie.
Et même merci à ceux qui ont agit dans l'ombre pour le bien de notre Tunisie. Merci à ceux qui ont mis en place cette stratégie. Merci à ceux qui y ont participé. Merci aussi à M.Med Ghannouchi, qui en participant à ce plan a montré qu'il aimait plus la Tunisie que certains le croient.
Merci les Tunisiens.
Merci à tous.
Merci la Casbah.
Merci la Kobba.
Merci à tous les patriotes.
Je demanderais juste à ceux qui ont poussé à l'insulte et à la division de prendre un peu plus de recul la prochaine fois avant de crier et d'insulter.
Je demande à tous les Tunisiens d'apprendre l'excercice de la Démocratie.
Merci à tous.
Merci la Tunisie.
Merci la Tunisie.
Merci la Tunisie.
Merci ma Tunisie, je pleure de bonheur pour toi.
Merci ma Tunisie, je pleure de l'espoir que tu me donnes.
Depuis quelques jours, j'essaye d'observer ce qui se passe en Tunisie et je m'inquiète.
Bien-sûr, je suis loin d'être une politicienne. Comme la plupart de mes compatriotes d'ailleurs.
Mais voilà, depuis la mi-décembre, la politique est devenue le centre d’intérêt de presque tous les tunisiens, et je suis tunisienne!
Je disais donc que j'essayais d'observer.
Le gouvernement a commis des erreurs, particulièrement sur le plan de la communication. Les timides efforts dans ce sens n'ont pas été suffisants pour étancher la soif de savoir des tunisiens.
Et puis, le tunisien découvre la liberté d'expression. Il en use et en abuse. Normal. Après en avoir été privé pendant des décennies, le tunisien découvre l’ivresse de cette liberté.
Mais malheureusement, souvent sans savoir respecter les limites de cette liberté.
Nous avons eu alors droit à la DÉGAGE attitude.
Et nous avons eu droit aux lynchages, aux critiques, aux diffamations, aux manipulations, aux intox...
Depuis quelques jours, en essayant de trouver un peu mon chemin parmi tout cela, et bien qu'il soit très difficile de comprendre quelque chose.... je pense avoir au moins compris une chose!
Ai-je tort? Ai-je raison?
Je ne sais pas.
L'avenir m'éclairera j'espère.
Je sais par contre que je tiens à cette liberté nouvelle des tunisiens (malgré ses abus, mais nous finirons tous pas apprendre), à cette démocratie naissante, à cette lutte pour reconstruire notre pays et aller de l'avant...
J'ai aussi compris que pour cette raison, nous devions tous agir. Que nous devions nous ouvrir les uns aux autres, que chacun d'entre nous pouvait apprendre aux autres, que nous avions des combats à mener, des idéaux à réaliser, une société à construire...
Je croyais que cela était possible en travaillant, en aidant, en faisant partie d'associations, en participant à la vie sociale, à l'action humanitaire, à des débats...
Et puis, nous sommes un Etat de droit, non?
C'est du moins ce à quoi nous aspirons.
Je regardais ceux qui ne respectaient pas les lois et les institutions, et je me disais que c'était temporaire. Que tout s'arrangerait. Etat de droit!
La sécurité finira par revenir. Le gouvernement arrivera enfin à travailler. L'économie se redressera...
Mais...
Mais des gens n'étaient pas d'accord.
Qui sont ces gens?
Plusieurs hypothèses sont possibles.
Certains accusent le RCD. D'autres, les membres de la famille Ben Ali/Trabelsi. D'autres encore les pays étrangers. Ou les médias. Ou les....
Tout est d'ailleurs possible.
Mais pour moi, je considérais que le gouvernement devait enfin commencer à travailler normalement et à résoudre tous les problèmes possibles.
Je sais, et je le repète, le gouvernement a fait un tas d'erreurs.
Pourquoi?
Je ne sais pas.
Mais j'avais l'impression que le PM et certains autres ministres étaient de bonne foi.
Pourquoi cette impression?
Je ne sais pas non plus.
J'observais donc.
Et petit à petit, j'ai remarqué quelque chose.
Il m'a semblé que certaines personnes essayaient d'imposer l'idée d'un Conseil de Protection de la Révolution. Beau nom, n'est-ce pas? Très noble. Protection de la Révolution. Il faut bien-sûr défendre cette révolution. C'est vrai, c'est très louable comme initiative.
Seulement, lorsque l'on y regarde de près, on remarque que ce Conseil veut se substituer à tous pour pouvoir s'imposer. Attention, ce Conseil n'est pas consultatif. Non, il se veut DÉCISIONNEL, avec presque tous les pouvoirs entre ses mains.
Tiens?
Je pensais que nous en avions fini avec la dictature!
Et puis, des questions se posent.
Qui est derrière ce pseudo-Conseil?
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas voulu le reconnaître?
Pourquoi un 2ème Sit-In à la Casbah?
Les jeunes qui étaient venus la première fois, étaient venus spontanément. Et ils étaient partis presque convaincus par le nouveau gouvernement.
Pourquoi donc sont-ils à nouveau ici?
Que demandent-ils?
Comment se fait-il que cette fois-ci ils soient si bien organisés?
Comment se fait-il qu'ils soient venus avec des bus et des voitures?
Qui a payé ces transports?
Des gens disent qu'on leur donne de l'argent. Qui donc?
Et puis, cette fois-ci ils réclament la démission de M.Ghannouchi. Pourquoi? N'avaient-ils pas fini par l'accepter la première fois?
Et ils demandent une assemblée constituante, et un régime parlementaire, et ils exigent que ce pseudo Conseil de la Protection de la Révolution soit reconnu avec un pouvoir décisionnaire.
Pourquoi donc ces demandes?
Pourquoi ne les avaient-ils pas formulés la première fois?
D'autres questions. Encore et encore. Beaucoup de flou.
Mais que se passe-t-il donc en Tunisie?
Et puis, le week end dernier, casse, pillage, terreur au centre ville...
Pourquoi?
A qui cela profite-t-il?
Je suis sure que la grande majorité des manifestants de la Casbah sont de bonne foi. Je suis sure que la grande majorité d'entre eux sont des gens paisibles, pacifistes et patriotes.
Mais...
Je pense que l'on se sert d'eux à leur insu. Comme on se sert d'ailleurs de la plupart d'entre nous.
Pourquoi est-ce qu'un homme aussi pourri que A.Jerad est-il encore à la tête de l'UGTT?
Pourquoi, lui qui était acoquiné au clan Ben Ali/Trabelsi, qui a profité de ses largesses, qui avait participé à ses magouilles est-il encore à la tête de l'UGTT?
Pourquoi est-ce que cet homme veut le pouvoir?
Juste pour le pouvoir ou pour essayer de cacher ses diverses malversations et fuir la justice de notre pays?
Pourquoi est-ce que des gens aussi disparates que le POC, le parti Bath, ou Nahda se sont-ils associés entre eux et avec l'UGTT?
D'autres questions encore...
Et puis, qui dispose d'une grande assise populaire?
Qui a encouragé les gens à faire grèves après grèves à un moment si crucial de l'histoire de la Tunisie?
Tout cela ne vous étonne pas vous?
Moi si.
Qu'est-ce que j'en conclus?
Une hypothèse. Peut-être juste, peut-être fausse.
Et si l'UGTT et ses associés faisaient pression sur le gouvernement pour imposer ce pseudo-Conseil?
Ils ont les moyens financiers et humains.
On dit que les casseurs, pilleurs... du week end derniers étaient payés. On dit avoir arrêté des personnes qui payaient ces voyous pour semer la terreur à Tunis, et même dans d'autres villes d'ailleurs.
Alors?
Depuis quelques jours, j'essaye d'attirer l'attention sur cette hypothèse. Et je crois que nous sommes nombreux à penser à cette même hypothèse. De plus en plus nombreux d'ailleurs.
Avant-hier, M.Mohamed Ghannouchi a été acculé à démissionné.
L'après-midi même, et jusqu'à maintenant, les défenseurs de ce conseil de la protection de la révolution se sont accaparés les plateaux de TV.
Ils expliquent à qui veut bien les entendre (et même à qui ne veut pas d'ailleurs!), que ce pseudo-conseil est la solution miracle à tous les problèmes de la Tunisie. Ils parlent comme si TOUS les tunisiens (bon, peut-être à part quelques petites exceptions) réclament ce conseil/miracle.
Nous prennent-ils donc pour des imbéciles?
Apparemment oui. Nous devons surement l'être tous.
M.Caied Sebsi est nommé premier ministre.
Que fait M.Jerad? Il s'offusque. Comment? On ne l'a pas consulté avant de nommer le premier ministre?
Oui, ben apparemment, M.Jerad a oublié qu'il n'est qu'un syndicaliste. L'UGTT est un syndicat des travailleurs et non pas un parti politique.
D'ailleurs, certains le lui ont fait remarquer, et je les en remercie. Cet homme se prend pour le chef de la Tunisie, et le voilà un peu remis à sa place.
M.Rached Ghannouchi aussi a tenu les mêmes propos. Tiens, c'est vrai, pourquoi ne lui a-t-on pas demandé son avis à lui aussi avant de nommer le nouveau premier ministre?
M.Rached Ghannouchi a apparemment oublié que Nahda n'est pas encore un parti reconnu légalement, et qu'en application de l'article 8 de notre actuelle constitution, il pourrait ne jamais être reconnu comme tel.
M.Rached Ghannouchi semble aussi s'étonner que l'on n'ait pas demandé l'avis du Conseil de Protection de la révolution.
M.Rached Ghannouchi souffre probablement de problèmes de mémoires parce qu'il faut lui rappeler que ce conseil auto-proclamé n'a ni été reconnu, ni ne représente le peuple tunisien.
Avant le 14 janvier 2011, M.Mohamed Ghannouchi était pour moi un illustre inconnu. Même si je connaissais son nom, je crois que je ne connaissais pas du tout son visage.
Je ne porterais aucun jugement sur M.Mohamed Ghannouchi. Ce n'est pas mon propos.
J'ai juste appris, ce que tout le monde dit, c'est qu'il n'a JAMAIS profité de son poste de premier ministre pour s'enrichir. J'ai aussi appris que ses enfants n'ont jamais été pistonnés. Donc quelque part, cet homme a l'air d'être intègre et honnête. Tant mieux!
M.Ghannouchi depuis le 14 Janvier 2011 a commis beaucoup d'erreurs, surtout de communication.
Dommage.
A quoi cela était-il du?
Je ne sais pas.
Des pressions extérieures? Une surcharge de travail? Un caractère un peu faible? De mauvais conseillers?...
Je ne sais pas non plus, et je le répète, comme je l'ai dit plus haut, je ne suis pas du tout politicienne.
Mais je ne sais pourquoi, d'instinct, j'avais fait confiance en cet homme.
Je sais, et vous avez raison, ce n'est pas du tout rationnel. Et j'ai peut-etre tort. Je ne sais pas. Mais je sais que je ne fais pas confiance à ce conseil auto-proclamé.
Pour moi, de toute façon, ce gouvernement était là à titre provisoire. Il devait gérer les affaires courantes et finirait par partir.
Et puis, il faut reconnaître que travailler dans les conditions actuelles, n'est pas de tout repos pour un gouvernement, surtout avec tous les impondérables, tels l'affaire des 5000 clandestins ou les milliers de réfugiés arrivés de Libye dont il faut aussi s'occuper.
J'ai sympathisé avec le 1er Sit-In de la Casbah. J'y suis allée. J'ai vu les gens. J'ai parlé avec certains d'entre eux. L'un d'entre eux m'a d'ailleurs sauvée d'un guet-apens (j'en parlerais un autre jour)...
Mais pas cette fois-ci. Cette fois-ci, il fallait avancer.
Et puis, j'étais quelque part rassurée pour l'avenir. J'avais confiance (et je l'ai encore) en M.Yadh Ben Achour et en sa commission de la Réforme Politque.
J'ai essayé de suivre ses divers interventions et écrits dans les divers médias, et j'ai remarqué qu'il essayait d'écouter tous les Tunisiens.
Je reproche aux médias de ne pas avoir communiqué suffisamment sur les travaux de cette commission.
Mercredi dernier, M.Ben Achour a donné une conférence de presse, et AUCUN média n'a jugé bon de nous la retransmettre dans son intégralité. Je dis bien AUCUN (à ce que je sache).
Pourtant je suis convaincue que cela aurait pu répondre à énormément de questions et d'inquiétudes des tunisiens.
Pour moi, donc, la démission de M.Mohammed Ghannouchi n'était pas nécessaire.
Lorsque dimanche après-midi, j'ai appris sa démission, j'ai eu un choc.
Les manifestants de la Casbah (ou ceux qui se servent d'eux) l'avaient fait plier à leur volonté. Ces gens, sans tenir compte de l'avis des autres tunisiens, avaient imposé leur avis.
Lorsque M.Ghannouchi a parlé de majorité silencieuse, je me suis sentie coupable.
Oui, coupable.
Coupable d'avoir entendu des personnes parler en mon nom (je fais aussi partie du peuple tunisien) et ne pas avoir réagit.
Coupable de voir que des manipulateurs se servent de notre Tunisie pour assouvir leurs ambitions peronnelles et ne pas avoir réagit.
Coupble de laissser des gens s'accaparer notre REVOLUTION TUNISIENNE sans avoir réagit.
Coupable d'avoir laisser des gens nous prendre en otages et ne pas avoir réagit.
Coupable.
Oui, j'ai réagi sur facebook. Oui, j'ai continué à travailler. Oui, j'ai assisté à des réunions et des débats. Oui, j'ai fait partie d’associations. Oui, j'ai essayé d'aider ceux qui avaient besoin de moi.
Oui, mais j'ai quand même été coupable.
J'ai vu les manipulations, j'ai vu les pillages, j'ai vu la destruction, j'ai vu les rumeurs... et je n'ai pas réagi.
Oui. Coupable.
Coupable.
Coupable de ne pas avoir compris que tout avait changé.
Coupable de ne pas avoir compris que notre révolution, que nos libertés toutes nouvelles, que nos idéaux, que nos espoirs... étaient encore si fragiles et avaient besoin de nous.
Coupable.
J'en ai pleuré de tristesse, de déception et de rage.
Non, je n'allais pas encore regarder sans réagir.
Nous sommes resté des années sans réagir.
Mais plus jamais. Plus JAMAIS je ne regarderais faire sans réagir. Plus JAMAIS!
Une amie m'avait appelée pour me demander si je voulais aller rendre hommage à M.Mohamed Ghannouchi.
J'avais hésité et ensuite j'avais accepté.
Comme je l'ai dit plus haut, je ne connaissais pas M.Ghannouchi, mais d'instinct, je l'avais trouvé honnête. J'ai trouvé sa démission digne, et surtout, je voulais lui dire merci de m'avoir ouvert les yeux sur mon silence et ma passivité.
J'y suis donc allée. Surtout pour dire PLUS JAMAIS je ne me tairais, plus jamais je ne laisserais d'autres parler pour moi. Plus jamais je ne verrais des gens essayer de me manipuler sans réagir.
Le travail sur terrain est aussi important. Descendre dans la rue pour faire entendre ma voix est important.
JE NE SUIS PLUS SILENCIEUSE.
Arrivée devant chez M.Ghannouchi, j'ai été étonnée de trouver une grande foule. Des gens partaient, d'autres venaient. A un moment, l'avenue était noire de monde. Tous avaient-ils les mêmes sentimenst que moi? Je ne sais pas. Mais nous étions là, et tous déterminés à ne plus rester silencieux.
RDV avait été pris pour le lundi à 13h pour une marche qui ferait entendre notre voix, qui dirait NON, nous n’acceptons pas que l'on parle en notre nom. NON, nous faisons aussi partie du peuple tunisien, et nous allons le crier haut et fort.
A 13h, nous n’étions pas très nombreux. Peut-être 500 personnes. Mais toujours avec la même détermination: plus jamais silencieux.
Nous avions discutés ensemble. Nous étions d'accord sur une chose: la tunisie est notre pays, et la Tunisie doit RÉUSSIR. La Tunisie doit avancer. La Tunisie doit être et rester un exemple dans le monde.
La TUNISIE, notre pays à tous. Notre pays que personne ne pourra s'appropirer, ni les Ben Ali, ni les Trabelsi, ni Jerad & Cie, ni personne d'autre d'ailleurs. La Tunisie est à tous ses enfants aimants. La Tunisie est à tous les tunisiens, et nous lui rendrons son amour.
Comment réaliser tous ces objectifs?
Je ne sais pas.
Mais nous étions au moins d'accord sur certians point:
- personne ne parle au nom du peuple. - nous avons le droit, comme tous les tunisiens, à la parole. - nous ne nous tairons plus pour que tous sachent que nous existons et avons aussi, et comme tous, notre mot à dire - chacun peut manifester, parler, donner son opinion, mais personne ne peut imposer ses choix aux autres - nous respectons tous les tunisiens (même si nous ne leur permettons pas de parler en notre nom) - nous sommes pour la construction de la Tunisie - nous voulons sortir notre pays de la crise - nous continuerons à travailler pour le bien de notre pays - nous veillerons, comme tous les tunisiens, à la démocratie - nous sommes contre le Conseil de Protection de la Révolution, moyen trouvé par certains pour prendre le pouvoir et nous imposer leur dictature. - Jerad, responsable de tous ces dégâts: DÉGAGE
LA TUNISIE EST A TOUS LES TUNISIENS.
Vers 17h, les gens ont commencé à affluer. Je m'étais absentée quelques temps pour publier ces photos sur mon blog, à mon retour, il y avait foule. Je ne saurais toujours pas vous dire combien, mais c'était vraiment la foule.
Il a été décidé que tous les jours, nous ferions entendre notre voix à la Coupole.
Tous les jours, nous irons travailler, et ensuite de 17h à 19h: RDV à la Coupole.
Nous travaillerons parce que notre pays a besoin de nous.
Des entreprises ferment, des hôtels ferment, des commerces ferment... Cette révolution qui avait commencé à cause du chômage va pousser des gens qui ont un emploi au chômage.
Si nous continuons ainsi, dans l'insécurité, l'incertitude, le chaos... nous allons droit dans un mur. Et les premiers touchés seront justement ces gens qui sont dans une situation précaire.
Nous plongerions et notre pays avec nous.
Les martyres de notre révolution ne doivent pas être morts pour rien. Cela serait vraiment dommage pour toute la Tunisie. Et une honte aussi.
Pourquoi ce choix de la Coupole d'El Menzah?
Ce choix a été fait exprès.
Loin de la Casbah. Le message à passer n'est pas que nous sommes contre les manifestants de la Casbah, parce que nous ne le sommes pas.
Le message est que chacun d'entre nous parle en son propre nom et essaye de se faire entendre.
Certains parlent à la Casbah, d'autres parlent ailleurs.
Certains avaient proposé l'avenue Habib Bourguiba, mais cela n'a pas été retenu. D'abord, c'est trop près, et on pourrait croire que c'est pour narguer les gens de la Casban. Ensuite, l’avenue Habib Bourguiba est le théâtre de plusieurs manifestations, donc risque de mélanges.
Et surtout, notre message est que TOUS doivent travailler. La Kobba est loin de toute activité économique ou autre. Il ne faut déranger personne, ni commerces, ni bureaux, ni écoles...
Par contre, samedi une marche est prévue, direction le siège de l'UGTT pour demander le départ de Jerad et signifier encore plus notre refus du pseudo-Conseil de Protection de la Révolution.
Ci- dessous, les photos que j'ai prises hier soir:
Je l'avoue, la décision d'Emna Ben Jemaa de travailler pour aider le gouvernement m'a aussi aidée dans ma décision. Emna avait raison. Elle ne sait pas et je ne sais pas non plus, si elle a pris la bonne décision, mais au moins, elle en a prise une et a essayé de faire ce qui est en son pouvoir pour aider son pays.
J'ai décidé de faire de même.
Et nous sommes nombreux à avoir pris la même décision.
Ne dit-on pas?
من اجتهد وأصاب له أجران ومن اجتهد وأخطأ له أجر واحد ومن لم يجتهد يسّلم عقله الى الأولين ليفكروا عنه
Hier soir, j'ai trouvé sur facebook un statut repris par plusieurs personnes. Je l'ai modifié un peu. Le voici:
Remplaçons le Dégage par Engage.
Je m'engage avec ma plume, mon œil, ma pensée et mes bras à ne plus détruire mais à construire. Je m'engage à protéger notre TUNISIE et à lui donner tout ce qui est en mon pouvoir et même plus. Je m'engage à être responsable envers notre TUNISIE et à être digne d'elle.
Depuis hier, je suis dans l'euphorie. La marche pour la liberté et la laïcité a été une vraie réussite (j'essaierais de vous raconter son déroulement le plus tôt possible).
Depuis hier, que de souvenirs sont remontés de mon enfance. Je me suis rappelée comment lorsque nous étions jeunes, en Tunisie, nous vivions tous ensemble, musulmans, juifs, chrétiens...
Je me suis rappelée comment mon père nous emmenait chez ses amis tunisiens, mais d'origines ou de religions différentes, et comment nous nous sentions à l'aise chez eux parce que nous étions tous tunisiens.
Je me rappelle que nous trouvions nos différences enrichissantes. Je me rappelle que nous adorions manger des plats différents de ceux que nous mangions à la maison. Nous nous amusions parfois de la différence des accents. Nous nous étonnions parfois de la différence de certains traditions. Nous étions parfois surpris de la présence d'objets de culte que nous n'avions pas chez nous.... Mais rien de tout cela ne nous offusquait. Au contraire, nous etions fiers de la richesse et de la diversité de la population tunisienne. Et toutes ces différences, au lieu de nous séparer, nous rapprochaient et nous apprenaient le VIVRE ENSEMBLE.
Le VIVRE ENSEMBLE. Serait-ce encore possible de nos jours?
Je le souhaite de tout mon coeur.
Aujourd'hui, j'ai reçu ce texte d'un ami, à qui j'avais offert l'hospitalité de ce blog avant qu'il ne crée son propre blog.
C'est une coincidence, mais je trouve que ce texte est conforme à mon état d'esprit actuel, et j'ai voulu le partager avec vous tous.
On peut ne pas être d'accord avec tout ce qu'il dit, mais ce qui m'intéresse, c'est qu'il me rappelle une époque révolue, mais pas si lointaine, et que j'aimerais tant retrouver. Cette époque-là avait été à la base de notre réputation de Tunisie, pays de la TOLERANCE.
Faisons en sorte que notre pays redevienne un pays de la fraternité et de la tolérance.
Faisons en sorte que nous tous, TUNISIENS, de confession musulmane, juive, chrétienne, croyants ou athées, pratiquants ou pas.... sachions à nouveau vivre tous ensemble, dans une bonne entente.
Il est impensable et même impossible que des tunes, qu’elle que soit leurs origines, n’ont pas ‘à se raconter’. A moins d’être amnésiques. Chacun de nous a ses souvenirs bien précis de son vécu, de sa jeunesse.
La mémoire ne peut oublier des faits passés là bas, du temps de LA TUNISIE DE MA JEUNESSE. Aldo et qqs autres internautes férus de photos, de CPA, d’écrits, ont à leurs manières enrichis beaucoup de sites dits ‘nostalgiques’.
Les souvenirs sont des vestiges, des présences qui aujourd’hui font partie de notre passé. Les mettre en valeur c’est mettre notre petit patrimoine au service de tous ceux qui n’ont pas vécu ces temps là.
Les descendants, fils et filles, petits fils et petites filles n’ont aucun témoignage du vécu de leurs parents si ce n’est le net qui leur apporte une certaine idée de la vie en ces temps là.
Comment nous situer dans le temps s’ils n’ont pas de tels repaires. Or pour mieux apprécier, un papi, une mamie, un oncle une tante rien ne vaut de rappeler à nos jeunes ce qu’ils furent autrefois.
Beaucoup de nos jeunes préfèrent lire qu’écouter par ce que l’écoute ne retient pas tellement leur attention tandis que l’écrit reste et ils ont à loisir de consulter de lire et relire de belles pages inscrites et racontées par leurs anciens.
Aldo dans une de ces pages a raconté, avec toutes sortes de croquis par exemple nos jeux et je fus surpris que ces jeux là, nous les partagions aussi bien dans les quartiers de Tunis que dans nos quartiers de la Goulette. Perso, je me suis investi dans ce que je connais le mieux et même invité souvent le lecteur à partager certains pans de l’intimité de ma maison. Si j’avais vécu dans un château en pleine campagne, surement que je me serai tu car il n’y pas plus triste qu’une vie de château.
Nous avions tous cette mémoire fondue dans un même un creuset, que l’ont soit musulman, juif, italien ou autres.
Nous avions les mêmes pratiques, certes pas religieuses, ni culinaires quoique… les mêmes gouts et cette même joie de vivre durant notre adolescence.
Nos destins faisaient partie d’un même destin.
Notre pauvreté, notre condition de vivre, nos habitudes anciennes, nos comportements parlent souvent et presque d’une même voix qu’elle soit italienne, maltaise, sicilienne ou judéo arabe, elles fredonnent des airs sereins sans qu’elle soit propre au communautarisme.
La rue pour nous était faite de jeunes mêlés.
Une rue laïque où le respect des uns et des autres était exemplaire. Un respect que nous avons gardé parce que notre éducation ne permettait aucun amalgame. Sans doute que nous devions cela à l’école publique FRANCAISE, à la morale civique que nous dispensait nos maîtres.
Qu’en est t’il aujourd’hui… ? Des comportements se perdent parmi nos jeunes. La peur et l’angoisse s’installent.
Des jeunes juifs par exemple ont suivi des cours dans des écoles catholiques. Des étrangers ont suivi des formations professionnelles dans des centres juifs sans que cela influe leurs comportements et leurs traditions.
L’O.R.T par exemple pour ne citer que celle là, fut la grande ouverte aux métiers de toutes sortes.
L’O.S.E accueillait différentes couches sociales juives et musulmanes. L’ALLIANCE ISRAELITE n’a jamais établie de profils pour éduquer et apprendre.
Nous étions logés tous à la même enseigne parce que notre communauté fût l’une des premières à conjuguer L’HUMAIN AVEC L’UNIVERSALITE. Sans rien prétendre ou imposer de nos valeurs.
Des valeurs certes reconnues et qui sont loin d’être des valeurs de prosélytisme mais seulement des valeurs qui soufflent la liberté, l’égalité, la justice et la fraternité. Et je ne pense pas quelqu’un puisse me contredire sur ces faits.
Il nous appartient de promouvoir la concorde entre nous sinon tout ce que nos pères et mères nous ont apprit n’aura servi à rien.
La laïcité est le fondement même d’une société moderne qui pousse vers le haut et enrichie notre quotidien culturel.
Apprendre et vivre ensemble ne font pas partie d’un ensemble de formules magiques mais d’une réalité qui tient sa source des liens qui unissent les hommes et les femmes décidés à partager un avenir de bien être dans la paix et l’harmonie.
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