"Je reviens sur la sexualité d'Hitler. Pourquoi? Parce qu'on ne peut
comprendre un individu sans analyser cette modalité de son rapport à
autrui. Pour moi, il s'agit plus d'éthique que de psychanalyse: il faut
examiner les "liens", la "relation". Loin de penser, comme Freud, que
la sexualité soit déterminante, je crois juste qu'elle est révélatrice.
A sa manière, elle exprime le rapport qu'un être entretient avec ses
semblables donc, par-delà, avec toute l'humanité.
Je distingue deux types de sexualité: une sexualité qui est rapport
à l'autre et une sexualité qui est rapport à soi. Une sexualité
altruiste et une sexualité égocentrée.
La sexualité égocentrée est d'abord masturbatoire, fétichiste,
voyeuse, mais elle ne demeure pas forcément solitaire. Elle peut
intégrer des partenaires. Cependant, ces partenaires ont accès à la
scène, pas au moi. Ils n'existent que dans la mesure où ils tiennent
leur rôle par rapport à l'égo concerné. Le sexuel égocentré se sert des
autres comme d'instruments pour atteindre sa jouissance. Les autres
sont ravalés au rang d'objets ou d'acteurs tenant un emploi. Si l'autre
se révèle comme autre, il devient obstacle, le rapport cesse.
Tout au contraire, dans la sexualité altruiste, l'autre est bien ce
que vise l'échange, l'autre avec ses spécificités, ses désirs, ses
dégouts, ses rythmes, son regard. La sexualité altruiste n'est ni une
sexualité philanthropique ni une sexualité servile. Ne se confondant
pas avec le pur service de l'autre, c'est une sexualité qui cherche la
rencontre avec l'autre dans l'ordre des corps, du frôlement, de la
caresse, du baiser, de la volupté. Quoi de plus beau, comme rapport
humain, qu'un être qui jouit de la jouissance de l'autre? Que des yeux
qui cherchent le plaisir dans les yeux de l'autre? L'orgasme simultané.
L'amour des yeux ouverts.
Notre sexualité n'est qu'un de nos moyens d'exister avec les autres.
Ou d'exister sans eux. Dans tous les cas, elle révèle notre ouverture
ou notre fermeture aux autres."
Hier, j'ai terminé ce livre. Je l'ai beaucoup aimé.
J'ai aimé le point de départ: si Hitler avait été reçu à son examen, peut-être que cela aurait changé la face du monde?
Oui, peut-être bien!
Parfois, il suffit d'un petit rien pour tout changer.
Mais en plus de cela, l'auteur essaye d'expliquer ce que chacun d'entre nous pourrait être ou devenir. L'influence de nos choix sur nos vies, l'influence de notre compréhension des évènements qui jalonnent nos vies, et qui font de nous ce que nous sommes.
La part du hasard, mais aussi la part de nous-même, de notre façon de voir, de régir, de réfléchir, d'interpréter...
J'ai copié pour vous cet extrait parce que j'ai trouvé qu'il décrit bien les êtres humains. Pas seulement par rapport à la sexualité, mais par rapport à tous les comportements.
Certaines personnes se contentent d'utiliser les autres pour leurs propres besoins, alors que d'autres sont dans le partage. Et cela concerne toutes les relations humaines, et en particulier l'amour et l'amitié.
C'est du moins mon avis.
Et je suppose que ceux qui sont "égocentrés" doivent être drôlement malheureux!
Dans quelles conditions et ou sont stockées des milliers et des milliers d'œuvres acquises par l'administration de la culture?
Un ami cadre d'une entreprise financière me dit être tombé - au
hasard de ses recherches - sur un lot de quelques centaines d'œuvres
d'art (peinture) que la-dite entreprise aurait acquis, il y a de cela
trente à quarante ans.
Des œuvres qu'il imagine dignes d'un grand intérêt parce que
signées par les peintres de l'époque. Ces trésors sont jetés aux
oubliettes dans un "Makhzen" que l'entreprise utilisait, il y a de cela
des années, à "stoquer" les centaines de moutons de l'Aïd qui seront
offerts à ses fonctionnaires.
Car,
en ces temps-là les entreprises ne donnaient pas de l'argent pour que
ses membres achètent ou n'achètent pas le mouton de l'Aïd mais elles en
offraient un... vivant, en chair et en os.
On vous laisse donc la liberté d'imaginer dans quel état notre ami
a trouvé ces œuvres d'art. Ajoutons aux dégâts causés par les ovins,
une inondation qui rendit au néant une bonne centaine de ces pièces.
Ces "marchandises" (sûrement de valeur) ont été pourtant acquises par les responsables de l'époque au nom de l'entreprise.
Quelle est la cause d'un tel désastre ?
Une seule réponse : l'ignorance ! Car on ne peut parler d'analphabétisme, aujourd'hui.
De tels exemples ne sont pas légion, fort heureusement, mais ils sont de poids.
Et nous savons qu'à part le patrimoine artistique acquis par le
Ministère de la Culture (donc par l'État et qui demeure - on l'imagine
- le plus grand collectionneur du pays, deux ou trois autres
entreprises - généralement - banquières détiennent une bonne part de la
production plastique des premières décennies de l'Indépendance.
Où sont
ces œuvres, aujourd'hui ?
Sont-elles conservées dans des conditions adéquates ?
On aimerait ne pas en douter mais - malheureusement - vu notre
score lamentable en matière de conservation et de documentation, ne
soyons pas déçus ni demain on apprenait qu'une partie de ces œuvres
n'existe plus pour des raisons d'érosion ou pour une autre.
Et puis ces œuvres existent-elles vraiment ?
Et si elles
l'étaient, pourquoi ces entreprises n'organisent-elles pas des
expositions pour redorer le blason de ces prisonnières du peu d'intérêt
qu'on leur porte.
Le public et les jeunes artistes d'aujourd'hui n'ont presque jamais vu une exposition consacrée à leurs aînés.
Comment veut-on renforcer la valorisation de notre patrimoine
pictural s'il y a un fossé noir de quelques décennies entre ceux qui
ont commencé au début du siècle passé et ceux qui débutent aujourd'hui ?
C'est encore, là, une façon de châtrer notre histoire, et dans ce
domaine-là, la terre toute entière doit nous reconnaître comme étant
les plus grands maîtres.
On peut bien nous rétorquer que ces entreprises étant privées,
elles sont libres de disposer de leurs biens à leur guise. Nous
répondrons que ce qu'ils détiennent est - qu'on le veuille ou pas - une
part de notre patrimoine national et si nous n'avons aucun droit
"matériel" à leur réclamer, nous avons en tant que nation le droit et
le devoir de veiller à la bonne santé de ce qui "nous appartient".
Le fait d'exposer ces œuvres, serait le moindre des actes de
reconnaissance pour ceux qui les ont réalisées et qui sont, en grande
partie, partis vers l'autre monde, car les créateurs en matière d'art
ont besoin de l'Autre, du public, pour continuer à vivre.
Les priver de cela, est, à coup sûr, le meilleur moyen de les
faire mourir une seconde fois. Car par delà la mort des corps, on
commence à réellement mourir quand les autres commencent à nous oublier.
Point d'interrogation
Pour en venir - enfin - aux acquisitions de l'État, nous sommes
dans l'obligation de constater que l'administration de tutelle n'a pas
mieux fait que ses consœurs du privé.
Et qu'on ne nous parle pas de ce qui a été réalisé et de ce qui le
sera dans les temps à venir, nous savons qu'en lisant les principaux
rapports concernant l'activité culturelle et artistique dans le pays,
nous serons surpris de découvrir que tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes et que la Tunisie est, à coup sûr, une patrie dotée
d'une fulgurance inouïe en la matière.
Malheureusement, à force d'usure, nous avons fini par prendre la
mauvaise habitude de discerner ce que disent les rapports
administratifs de ce qui est la réalité des choses.
"Brefle" ! comme dirait Béru, arrêtons de "biler" et voyons voir ce qu'est justement la réalité des choses.
Dans quelles conditions et où sont stockées les milliers et les milliers d'œuvres acquises par l'Etat ?
Sont-elles triées par époque, par genre, par mouvement etc... ?
Un chercheur peut-il y avoir accès dans des conditions dignes de
ce genre d'investigations ? Pourquoi le ministère de tutelle
n'organise-t-il pas de rétrospectives, d'expositions personnelles ou de
groupes qui ponctueront les principales étapes de l'histoire des arts
plastiques tunisiens...
Pourquoi n'enseignons-nous pas nos Maîtres (et décimètres) aux
étudiants des Beaux-Arts à l'instar des grands Maîtres internationaux,
nos arts plastiques comme notre musique ou notre poésie ayant leur
propre saveur malgré les multiples ouvertures, flirts invasions et
soubresauts ?
Beaucoup de questions, n'est-ce pas ? En avons-nous les réponses ?
C'est tout d'abord à l'administration de nous éclairer sur l'état des
lieux et de ce qu'elle compte faire en la matière (à moins qu'elle ne
l'est déjà fait sans prendre la peine de nous en informer).
Ce que nous croyons savoir par contre c'est que la réalité des
choses n'est pas aussi rose que le silence ou l'indifférence ne nous
les font supposer.
Évitons d'entrer dans les détails pour le moment mais à part le
train-train ankylosé et ankylosant de la gestion du domaine depuis des
lustres, il n'y a rien de nouveau sous les cieux de notre imaginaire.
Qu'en est-il de la création du Musée d'Art Moderne qui n'est pas
seulement un espace d'exposition comme certains s'entêtent à le
définir, mais un comité de conseillers auprès de l'État pour mieux
préserver, promouvoir et valoriser ses acquisitions passées et à venir.
Car c'est avec des deniers publics que ces œuvres sont achetées et
-cela fait quelques siècles qu'on le répète - il ne faut plus que de
tels biens soient investis à perte.
Il faut - urgence - trancher entre le dicktat imposé par la
mentalité de handicapés qui a gangrené la scène artistique et la
création de la vraie valeur des choses. En l'occurrence les œuvres
d'art ? Que faut-il faire pour cela ?
Faut-il prendre exemple sur les pays phares en la matière ?
Les solutions existent mais - c'est très dur à dire - existe-t-il
une réelle envie et une réelle force pour faire avancer "le
schmilblick" chez les administrateurs ou bien se contenteraient-ils de
gérer la vieille machine comme l'ont fait ceux qui les ont précédés et
comme le feront ceux qui suivront... en catimini avec une extrême
prudence... Sans faire de bulle et - surtout ... surtout - sans causer
d'agitation.
"Cachez-moi ces biens qu'on ne saurait voir ! ".
C'est peut-être là, la seule façon de dormir tranquille, après tout, pour ceux qui décident du sort de nos arts plastiques.
Il y a un peu plus de deux ans, j'ai remplacé l'assistante malade d'une personne qui faisait un travail de recherche sur le patrimoine judaïque tunisien.
En fait, je m'étais portée volontaire pour accomplir ce travail. J'étais sure que cela me permettrait de voir des choses et de rencontrer des gens que je n'aurais pas l'occasion de voir autrement.
J'avais été très contente de vivre ces deux journées. Cela m'avait effectivement permis de voir des gens différents et des lieux différents.
Nous avions donc visité 3 synagogues: 2 à Sfax et 1 à Mahdia.
Ces 3 synagogues sont dans un mauvais état, surtout celles de Sfax.
La grande synagogue de Sfax date des années 1930. A l'époque, la communauté juive sfaxienne comptait 5600 personnes. En 2007, ils n'étaient plus que 14. Combien sont-ils aujourd'hui? Je ne sais pas.
En fait, il ne s'agit pas seulement d'une synagogue, il s'agit de tout un complexe comprenant une école, un pensionnat, une grande salle, des annexes pour les grandes occasions...
Aujourd'hui, les bâtiments semblent à l'abandon. En plus, il parait qu'en 2000, lors de la deuxième Intifada, des émeutiers avaient attaqué les bâtiments.
Les vitres ont été cassées. Cela a permit aux pigeons d'entrer et de tout salir.
Le gardien tente, tant bien que mal, de nettoyer, mais que peut faire cet homme tout seul?
Pas grand chose malheureusement.
A l'intérieur, les carreaux de faïence se décollent, la poussière s'installe, les mauvaises herbes s'incrustent dans les moindres interstices....
De la désolation...
C'est dommage de voir tout un pan de notre histoire sombrer de cette manière.
A part les bâtiments, à l'intérieur, les objets du culte sont entassés un peu n'importe comment, les livres sont à l'abandon, les meubles cassées...
La synagogue Edmond Azria est plus petite. Je ne sais pas à quelle époque elle a été construite. Elle est fermée depuis 2000 après qu'elle ait été attaquée par des émeutiers. Il nous a d'ailleurs été très difficile d'ouvrir les cadenas qui étaient plutôt rouillés et n'avaient pas été ouvert depuis.
La synagogue est dans un état pire que celui de la grande synagogue. Indescriptible.
Les pigeons se sont engouffrés par les trous: les vitres ont été cassées par les émeutiers. Les pigeons ont depuis élus domicile à l'intérieur de la synagogue.
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
Cela fait mal au cœur. Tout bâtiment abandonné fait mal au cœur.
Tout livre, objet, souvenir, chanson... perdu fait mal au coeur.
(Sur cette photos, les deux sont célèbres, même la petite fille)
Qui est cette actrice? Quel est ce film?
Qui sont-elles? Qu'ont-elles fait?
Vous avez deviné???
Réponses:
A - Mohamed Abdelwahab et Faten Hamama.
B - Dalida
C - Faïrouz
D - Magda, dans son rôle inoubliable de Djamila Bouhired
E - Raya et Skina - Je suppose que vous connaissez tous leur histoire, reprise des centaines de fois dans des films, feuilletons... Elles ont été Égypte, les premières femmes à avoir été condamnées à mort et exécutées.
Elle nous en parle à chaque occasion, et nous a donné l'envie de le connaitre.
La semaine dernière, j'ai acheté mon premier livre de cet auteur: "L'attente".
Je l'ai commencé hier soir.... et je l'ai fini le matin.
J'ai beaucoup aimé ce livre.
Le style. La narration. Les observations de l'auteur.
Toute l'histoire se déroule entre une autoroute menant vers l'aéroport de Tunis-Carthage, jusqu'à l'arrivée à l'aéroport de Paris (probablement Orly, vu que la compagnie est tunisienne!!!).
L'attente.
Le personnage principal va d'une attente à l'autre. D'une queue à l'autre. D'une salle d'attente à l'autre....
L'attente. Les contre-temps.
De longues heures d'attente... alors que la vie par ailleurs continue.
L'auteur part de l'individu pour arriver au collectif.
Un homme qui attend. Des gens qui attendent. Une nation qui attend.
Un homme dont la vie passe, qui se pose des questions. Et qui attend. Quoi? Qui?
Un homme désabusé, dont la vie s'enchevêtre dans le quotidien, dans la routine.
Et qui attend.
Un homme qui attend une autre vie. Un nouvel amour. De la sensualité. De l'amour.
Il observe les autres passagers et imagine leurs vies. Il imagine leurs pensées.
Le livre traite surtout de l'identité des arabes, de leurs attentes, de leurs retards, de leurs comportements... de la vie qui passe, et qui ne les attend pas. Du retard qu'ils ont pris alors que le monde avance.
Depuis quand les arabes sont-ils en attente?
Depuis quand sont-ils en retard?
Et en retard par rapport à qui? A quoi?
Par rapport à un monde qui ne les attends plus?
Par rapport à un monde qui veut leur donner des leçons mais qui leur ment?
Le monde qui avance, impose sa façon de vivre.
Le monde des occidentaux, des découvertes, des inventions... impose sa façon d'être, de penser... à des gens qui ont oublié d'avancer. Qui se sont arrêtés? Qui sont loin derrière?
Pourquoi sont-ils loin derrière?
Parce qu'ils ont oublié d'avancer?
Parce qu'ils se sont perdus en cours de route?
Parce qu'ils attendent? Mais qu'attendent-ils?
Pourquoi tous ces contre-temps?
Qui en est responsable?
Les arabes?
Les occidentaux?
Que sommes-nous donc devenus?
Ce livre est plein de questions, d'observations, de constats, d'espoirs, de désillusions...
Ce livre n'est pas une histoire, je ne pourrais donc vous le raconter. Mais au fur et à mesure, j'ai marqué des pages. Des extraits que j'aurais aimé partager avec vous. Ensuite, je me suis aperçue que j'ai marqué presque tout le livre. Il est donc impossible de vous recopier tous ces extraits. Je ne peux que vous conseiller de le lire.
Au hasard, j'ai choisi quand même cet extrait, où l'auteur s'interroge sur la modernité:
Si peu qu'il s'élève, le regard s'égare dans le pullulement de la ville. Lego de cubes, de parallélépipèdes s'étageant, se jouxtant, formant des angles d'ombre et de lumières. Ici une tour émerge. Là-bas la boite à chaussures bleue c'est l'hôtel Africa. Au fond une barre, dont le cloisonnement des vitrages réfracte une clarté plus tranchante maintenant. Le soleil s'est hissé au-dessus de la coupole du marabout. A l'ouest, par-delà le miroitement du chenal, un gratte-ciel cuirassé de diamants, siège de quelque banque ou compagnie d'assurances. C'est pas Manhattan, non plus, faut pas croire. Nos buildings, c'est à peine s'ils effleurent la cheville des nuages. Encore aura-t-il fallu que le ciel fût très bas.
C'est juste pour faire moderne. La modernité, voilà notre grande affaire. Comme on ne sait pas par quel bout la prendre, on s'épuise à lui courir après. Dès qu'il nous semble l'avoir rattrapée, enfin, elle s'envole. Loin devant. On l'a en point de mire, mais elle détale. Minuscule, là-bas, à l'horizon. Inaccessible. Nous narguant. Nous abandonnant à la croisée des chemins. Entre les sourates qui assourdissent les coins de rues et les portables qui stridulent à tout bout de champ. L'ordinateur, le numérique, internet. Les icônes du contemporain. Écartelés entre la parole révélée et les multimédia.
Comment relier notre passé à notre futur? La quadrature du cercle. Étonne-toi alors qu'on soit un peu paumés. Immergés dans l'ère de l'apparence. Mais alors jusqu'au cou. Submergés. Du faux semblant. Du triomphe de la télé-réalité. Des paraboles. Des centaines de chaînes qui passent les mêmes séries. Chantent les mêmes chansons. Racontent les mêmes sornettes. Concoctent les mêmes manipulations. Empêtrés que nous sommes dans l'infini diversité de l'Un. De la pensée unique. De la langue de bois. De la Communauté Internationale. Appelle-la comme tu veux, c'est du pareil au même.
Et nous, traînant toujours en queue de peloton. Il y a déjà beau temps que le maillot jaune a franchi la ligne d'arrivée que, loin derrière, nous suons sang et eau pour tâcher de rentrer dans les délais. On s'évertue pourtant à nous seriner de leçons de modernité, matin et soir. A nous en tartiner à l'heure du déjeuner, du dîner. Rien à faire. On est pas doués pour, faut croire.
L'Occident ne cesse de nous mitrailler de modernité à travers les ondes cathodiques. Des siècles que nous avons désappris de l'inventer, la modernité. Depuis Haroun Er-Rachid, ou peu s'en faut. C'est un produit d'importation, la modernité. C'est ainsi que s'édifièrent les empires coloniaux. A coup de modernité. A coup de machines, de bateaux, de trains, d'avions. Et aujourd'hui d'ordinateurs, de téléphones mobiles, d'internet... Les armes viennent en appoint. Quand tu n'inventes plus ta modernité, ce sont les autres qui l'écrivent pour toi. Ne reste plus qu'à la copier. Bêtement. Servilement. L'inventeur de la modernité est le maître de ton avenir. Et alors il t'impose le sien. Deux mondes. Celui où on invente l'avenir, celui où on le subit. C'est affaire d'espace, pas de temps.
Question. Pourquoi un jour a-t-on cessé d'inventer notre avenir? Peut-être parce qu'on s'est fatigué à inventer Allah. L'algèbre. La nomenclature des autres. Fatigués à inscrire le paradis d'Allah sur une terre ingrate. A ciseler dans le stuc des stalactites au milieu de jardins de roses, de miroirs d'eau cernés de cyprès. Et maintenant c’est trop tard. Trop de retard accumulé. Maintenant on
est largués. Et c’est pas d’hier. On l’a laissée derrière nous, notre
modernité, un âge d’or, brocards et damas, bassins réfléchissant des
dentelles de pierre, vasques où pleuvent des jets d’eau, jardins de
délices... Tous ces cache-misère de la nostalgie millénaire.
J'espère que cet extrait vous a plu.
Le seul point qui m'a "embêté" dans ce livre, sont les répétitions. Quelques répétitions parfois. Dommage.
Paru en avril 2007, "L'attente" est le
sixième roman de Ali Bécheur. Il a obtenu le grand prix du roman tunisien de langue
française, décerné par Fouq Essour.
Ali Bécheur, deux fois lauréat du prestigieux prix Comar d’or, n’a
cessé au fil des années et des œuvres de confirmer une vocation
première, devenue aujourd’hui la voix la plus originale de la
littérature tunisienne d’expression française.
J'ai hâte de lire d'autres livres de ce même auteur.
Grasse matinée aujourd'hui pour prendre un repos bien mérité après la soirée du nzoul.
Très belle soirée hier. En fait, j'apprécie beaucoup plus cette ambiance "tunisienne' que celle orientale que nous imposent les mariages actuels.
Hier, l'orchestre venait de Sfax. Chez nous, on appelle cela "bnèdir", ce qui serait un peu l'équivalent de la "hadhra" tunisoise.
En 20 ans de mariage avec un tunisois, j'ai assisté à des fêtes tunisoises, à des mezwid..., mais rien n'équivaut notre bnèdir.
Pour nous les sfaxiens, dès que retentit la première note de musique, nous sommes tous en piste pour danser. J'adore il bnèdir!
Et puis, c'est une ambiance sans chichis, sans contraintes... les gens sont naturels, ils sont là pour s'amuser.
Et cela nous permet de garder nos traditions, nos usages... Cela se fait dans plusieurs villes tunisiennes, comme à Mahdia, Djerba... Je trouve dommage qu'à Tunis cela ne soit plus le cas.
Comme le veut la tradition, les deux mariés ont "sauté" sur le poisson. Je suppose qu'à l'origine cela était censé éloigner le mauvais œil et porter bonheur aux futurs mariés.
En début de soirée, ma sœur portait un costume traditionnel. D'après elle, il s'agit d'un costume de Mahdia. Ce n'est que par la suite qu'elle a mis le costume sfaxien.
Hier, très belle soirée. Cela m'a ramenée à des années lumières en arrière, lorsque ,j'étais gosse. Cela se passait ainsi depuis toujours. Tous les mariages de mes cousins et cousines, de mon oncle..., il y a toujours eu des nzouls, chez mes grands-parents, chez mes tantes... Nous-même, les 4 sœurs, avons eu chacune son nzoul.
Par contre, ce qui est dommage par rapport à avant, c'est la tenue vestimentaire des femmes. Avant, les femmes portaient des fouta et blouza, notre costume tunisien. Aujourd'hui, toutes les femmes portent un caftan ou une djellaba marocains.
Pourquoi?
A cause de ce regain de religiosité.
La fouta et blouza est quand même assez décolletée, et elle laisse la taille presque nue.
Mais dites-moi, comment cela se fait-il que notre costume traditionnel, qui était considéré décent pendant des décennies et des décennies, qui était portée par toutes nos grand-mères et arrières grandes mères (du moins les citadines) soit aujourd'hui, en 2009, considéré indécent?
Il y a quelques années, la fouta et blouza a même été à la mode et a été portée par toutes les tunisiennes, vieilles et jeunes. Aujourd'hui, toutes ces femmes portent des caftans. Dommage.
Tant mieux pour le Maroc qui a pu imposer sa tenue traditionnelle aux autres pays.
Mais dans quelques années, les nouvelles générations de tunisiens sauront-elles ce qu'est une fouta et blouza?
P.S.: Cette note me parait un tantinet régionaliste. Désolée. Je crois que je baigne encore dans l'ambiance sfaxienne. Cela ira, je reprendrais rapidement mes esprits et mon objectivité!
Remarque: A tous ceux qui me parlent de séparation entre les hommes et les femmes dans leurs commentaires, je parle dans ma note des années 1960, 1970, 1980 et 1990. Pendant ces années-là, les mariages étaient mixtes, et les femmes portaient des fouta et blouza.
Je viens de m'apercevoir que plusieurs d'entre vous ne savent pas ce qu'est le nzoul sfaxien.
C'est la jilwa de chez nous.
Normalement, la mariée arrive portant un costume doré, et la tête couverte.
Elle est accompagnée de bendarats (des femmes qui jouent au bendir et chantent). Elles chantent les louanges de la mariée. A l'origine, la mariée et le marié ne se connaissaient pas, et les bendarat la décrivaient au marié.
La mariée se trouve sur un podium. Elle va monter et descendre le podium, tourner sur elle-même...
Ensuite, on enlève le "foulard" qui recouvre sa tête et son visage.
Voici donc le costume traditionnel sfaxien du nzoul:
Mon amie Emma en a tellement parlé que j'avais envie de le voir.
En plus, ma curiosité était aiguisée: voici un artiste qui est réveillé un matin, raccompagné illico presto à l'aéroport et mis dans le premier avion alors qu'il état sensé se produire au théâtre!!!!
Il faut dire que cela n'arrive pas tous les jours.
Alors, quelle surprise d'apprendre qu'il était de retour à Tunis!
J'y suis donc allée.
Magnifique spectacle. Vraiment.
En quoi consiste donc ce spectacle?
Je n'en avais aucune idée avant d'y aller.
J'avais cru comprendre qu'il s'agissait d'un humoriste, mais par ailleurs, on parlait de musiciens. Donc chanteur?
En fait, je crois qu'il est humoriste, chanteur, imitateur... Il est tout cela à la fois. Mais surtout, surtout, il s'agit d'un artiste qui sait mettre son public à l'aise et rendre son spectacle "interactif".
Beaucoup d'algériens étaient là. Et je pense que cela a contribué à la réussite du spectacle. Ils connaissaient les chansons, chantaient avec Baaziz, plaisantaient avec lui. Et cela a mis une super ambiance qui a entrainé tous les spectateurs.
Et puis, il y avait des youyous!
Dès le début du spectacle, Baaziz a plaisanté sur le fait que la dernière fois il avait été obligé de partir en catastrophe, et qu'il n'avait donc pas assuré tous ses spectacles. Il a dit qu'il avait compris la leçon, et que maintenant, il avait promis, et que 9lib il vista.
Mais on comprend assez tôt que ce n'était pas vraiment le cas. Il a, à plusieurs reprises, plaisanté sur ce sujet et en disant que cette fois-ci il ne dirait rien qui fâche. Mais il a quand même lancé quelques vannes, et riant il disait à chaque fois qu'il n'était pas sur d'assurer les prochains spectacles.
Comme je l'ai dit, le spectacle comprend de l'humour, de la musique , des imitations..
Il y avait avec lui un musicien, Mohamed, qui avait un instrument que je ne connaissais pas du tout: le (ou la?) mandole. C'est une sorte de luth (3oud), mais plat.
Ce qui est étonnant, c'est qu'il joue avec cet instrument, soit comme un luth, soit avec un archet comme un violon.
Baaziz nous a chanté une chanson algérienne "chaabi" comme il a dit lui-même. J'ai beaucoup aimé cette chanson.
Ensuite, il a voulu faire une vanne pour dire que leurs chansons algériennes étaient plus belles que les nôtres. Il a commencé à rire de "ritik ma na3rif win", et le public a suivi, et Mohamed (le musicien) a enchainé. Le public chantait en musique.
Était-ce une improvisation?
Je ne sais pas vraiment, mais cela en avait l'air!
A la fin de la chanson, une autre vanne pour taquiner les tunisiens, Baaziz enchaine, comme s'il chantait en disant "boulici wra kol sojra". Ensuite, il annonce qu'à ce rythme, les représentations de vendredi et samedi seraient surement annulées!!!!
:-))) :-))) :-)))
(Certains sur la blogo pourraient rire jaune..; mais tant pis , nous au téatro avons ri de bon cœur!)
Comme je vous l'ai dit, il y a eu des imitations de chanteurs, notamment Elvis Presley et Laurent Voulzy. La chanson Rock-Collection de ce dernier était plutôt le prétexte pour imiter d'autres chanteurs et changer les paroles de leurs chansons, grâce au refrain modifié pour l'occasion "Un truc qui nous colle encore au corps et écœure".
Bien-sûr, tout au long du spectacle, des plaisanteries au détriment des Égyptiens, mais à la limite, il fallait s'y attendre de la part d'un algérien vu les circonstances. Ce que j'ai apprécié, c'est qu'il est resté très soft. De la plaisanterie, sans dérapage, sans aller ni dans la vulgarité, ni dans la méchanceté.
Le clou du spectacle je pense a été la prestation de Si Taoufik Jebali.
J'avais remarqué la présence de Taoufik Jebali dans le public. Il était derrière moi. Je l'ai vu sourire et apprécier le spectacle.
A un moment, Baaziz l'appelle sur scène. Il jure que c'est une improvisation, et qu'en aucun cas cela n'était "prémédité". Il nous dit qu'il venait d'apprendre que Si Taoufik est un excellent percussionniste. Il lui demande donc de nous "montrer" son talent.
Pour moi, la surprise totale. Pas pour moi seulement vu la réaction du public.
Si Taoufik Jebali est monté sur scène et nous a étonné. Vraiment. Quel talent!
En plus, une fois dans le "bain", il a commencé à faire des "grimaces", des gestes... Du pur Taoufik Jebali. C'était génial. Personnellement, j'étais impressionnée.
Bravo Si Taoufik.
Je me dis qu'ayant été "expulsé", Baaziz a du cette fois-ci faire attention à tout ce qu'il disait. Pourtant, il n'avait pas la langue dans la poche. Par exemple, à un moment, des spectateurs ont dit "chut", et le voila qui réplique immédiatement :"Pourquoi chut? Ici, même pour écouter vous avez peur?"
Et bien-sûr, il n'a apparemment pas pu résister et nous a sortit une remarque sur le 99%... et le président qui est à nouveau président... Bien qu'il avait pris la précaution de nous dire, qu'à l'instar des films américains "toutes ressemblance avec des personnes existantes..."
Comment était donc son spectacle avant?
Bravo l'artiste.
2h15 de rire, de joie, de musique... bref de très très bonne humeur.
Je connais le centre de Tunis depuis toujours, et c'est normal, je suis tunisienne.
Lorsque j'étais gosse, j'allais au centre ville de Tunis très souvent. A l'époque, c'était normal. Les Menzah, Manars, Berges du lac... n'existaient pas.
Tout se trouvait au centre ville, et celui qui avait besoin d'acheter quelque chose devait aller au centre ville, de même que celui qui avait besoin d'aller au cinéma, ou d'aller chez un médecin...
Donc j'allais au centre ville. Et j'avais l'impression que le centre ville était immuable. Il était toujours là. Toujours pareil.
De temps en temps, un nouvel immeuble était construit, ou ré-aménagé...
Mais je n'avais jamais pensé au fait que tout nouvel immeuble prenait la place d'un immeuble ancien.
De toute façon, je l'aurais réalisé que cela n'aurait rien changé pour moi.
C'était ainsi, et c'était normal.
Pire, parfois j'étais fière des beaux immeubles modernes qui se construisaient. J'avais l'impression que nous avancions dans la modernité.
Et puis, petit à petit, beaucoup de gens, dont moi, avons cessé d'aller souvent au centre ville. C'est tellement plus pratique d'aller aux nouveaux centres commerciaux.
Et nous n'y pensions plus...
Et puis, un jour, il y a eu une grande polémique à Tunis. Un grand projet immobilier allait être construit. Mais voila, ce projet nécessitait la destruction du théâtre municipal et du Palmarium.
C'était le début des années 1980.
Il y a eu un grand mouvement de solidarité pour sauver le Théâtre Municipal de Tunis de la destruction.
Vous imaginez Tunis sans son théâtre municipal?
Vous imaginez un théâtre moderne à sa place?
Vous vous rendez compte, on voulait détruire un trésor pareil!
Le TNT n'est pas seulement un immeuble, c'est aussi tout un pan de l'histoire culturelle de Tunis. Il est le cœur de notre ville, son joyau architectural et sa mémoire.
Le théâtre fut sauvé.
Mais la crainte de sa disparition éveilla l'intérêt des gens, dont moi, pour ces vieux immeubles. Ces vieux immeubles auxquels nous n'accordions pas d'importance. Or ces immeubles font partie de notre patrimoine architectural, de notre mémoire, de notre histoire, et même de notre identité.
Par ailleurs, j'avais eu un livre sur ces anciens immeubles tunisois. Je ne sais pas où est ce livre. Hier je l'ai cherché partout dans la maison sans le trouver.
Mais, grâce à ce livre, j'avais découvert nos trésors architecturaux. J'avais découvert nos beaux immeubles. Je les avais vu pour la première fois.
Pendant des années, je ne faisais que les regarder sans les voir, sans même m'apercevoir de leur existence.
Depuis ce livre, j'ai enfin levé la tête. Depuis, lorsque je me promène à Tunis, je lève la tête et regarde les vieux immeubles. Je les vois d'un nouvel œil, et je m'aperçois de leur beauté.
Et j'ai peur pour eux.
Malheureusement, ils sont entrain de disparaître.
Nous n'avons pas encore la culture de la préservation de notre patrimoine. Du moins, pas le patrimoine relativement récent. Nous essayons de préserver les antiquités, et parfois la vieille médina, mais nous oublions que les immeubles du centre ville, même s'ils n'ont que 150 à 100 ans d'âge, font aussi partie de notre patrimoine historique désormais.
Mercredi dernier, je suis allée voir le film "Poupées d'argile" de Nouri Bouzid (excellent film). J'étais arrivée 15mn avant l'heure, ce qui m'a permis de prendre quelques photos.
Tout d'abord, cet immeuble. Je suis passée devant des millions de fois, et vous aussi je suppose, mais je n'y avais jamais accordé d'importance.
Quelle ne fut ma surprise hier en découvrant que cet immeuble est l'ancien Théâtre Rossini.
En fait, en feuilletant mes livres hier, je suis tombée par hasard sur une photo de ce bâtiment. Une photo datant du début du XXème siècle (mon scanner est HS, dès que possible je la publierais).
Ce bâtiment est l'ancien théâtre Politeama Rossini, inauguré en mars 1903.
A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècles, plusieurs théâtres furent construits dans plusieurs quartiers de Tunis, dont par exemple le Théâtre Tanugi (1875), le Théâtre Brûlat (1883), l'Arena (1884), le Paradiso (1885) et plusieurs autres salles qui étaient généralement construites en bois et qui furent victimes d'incendies.
Le Théâtre municipal de Tunis et le Théâtre Rossini sont les deux seules salles de spectacle qui existent encore de nos jours.
J'ai pris aussi ces photos à la rue Ibn Khaldoun et à l'avenue Farhat Hached. Là par contre, je ne sais pas si ces immeubles ont une histoire particulière, à part d'être des immeubles à usage d'habitation:
J'ai pris plusieurs photos pour les détails. Les moulures, les sculptures, les fenêtres, les balcons...
De quelle époque date cet immeuble?
Quel style?
Art nouveau?
J'ai aussi pris des photos d'autres immeubles de la même rue, mais moins beaux:
Cet immeuble fait l'angle de la rue Ibn Khaldoun et l'avenue Farhat Hached.
Celui-ci se trouve sur l'avenue Farhad Hached. Style Art Déco. J'adore les colonnes avec du granite
J'aime beaucoup ce style.
En plus, mon oncle habitait dans un immeuble Art Déco, et donc cela me rappelle beaucoup de souvenirs...
Un jour, lors d'un cours de "listening", j'ai voulu expliquer à mes élèves le sens de la chanson de John Lennon, Imagine. L'idée que le paradis, l'enfer, ou la religion puissent ne pas exister les choquait. Ils avaient peur de ces mots perçus comme autant de blasphèmes. Je les ai amenés à "imaginer", juste "imaginer", un monde sans haine, sans violence, plus besoin de punitions ni de récompenses, pas de lois ni de règles. Je leur ai expliqué qu'on avait le droit de rêver et surtout le droit de l'exprimer avec des mots. Que s'ils parvenaient à penser le monde selon Lennon, ils comprendraient mieux le sens profond de l'islam, et des autres religions: le paradis, c'est un peu ça aussi.Nos silences - Wahiba Khiari.
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