Ces derniers mois, j’ai lu 3 beaux livres sur l’Afghanistan (Les cerfs-volants de Kaboul et Milles soleils splendides de Khaled Hosseini et les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra).
Les 3 livres racontent le destin d’un peuple dont la vie bascule dans l’horreur suite aux guerres et surtout suite à un régime extrémiste qui va bouleverser leurs vies.
Les 3 livres parlent du passé comme de quelque chose de merveilleux. Les personnages ont tous en mémoire des souvenirs de bonheur, de liberté, d’un beau pays, d’une certaine joie de vivre…
Hier j’ai lu «Les hirondelles de Kaboul». Ce dernier livre décrit plus particulièrement le désarroi qui ronge certains afghans qui ne se retrouvent plus dans la «société» nouvelle de leur pays. Ce dernier livre met surtout l’accent sur le désarroi des hommes, qui assez bizarrement sont aidés par leurs femmes, femmes qui sont reléguées au rang d’objet dans cette nouvelle société extrémiste et rétrograde.
Si vous voulez en savoir plus sur ces livres, je vous invite à lire les divers commentaires écrits par les internautes sur le site Amazone.
Quant à moi, j’ai envie de publier ci-dessus un extrait qui m’a paru assez émouvant. Il s’agit d’une ancienne avocate qui se retrouve enfermée chez elle à cause des règles imposées par les talibans. Son mari lui propose de sortir avec lui en promenade. Elle commence par refuser.
« - Parce que c’est la vérité. Nous ne sommes plus rien. Nous n’avons pas su préserver nos acquis, alors les apprentis mollahs les ont réquisitionnés. J’aimerais sortir avec toi, tous les jours, tous les soirs, glisser ma main sous ton bras et me laisser emporter par ta foulée. Ce serait merveilleux, toi et moi, debout l’un contre l’autre, devant une vitrine ou bien autour d’une table, à bavarder et à bâtir d’invraisemblables projets. Mais ce n’est plus possible, maintenant. Il y aura constamment un épouvantail malodorant, armé jusqu’aux dents, pour nous rappeler à l’ordre et nous interdire de parler à l’air libre. Plutôt que de subir un tel affront, je préfère m’emmurer chez moi. Ici au moins, lorsque le miroir me renvoie mon reflet, je ne m’abrite pas derrière mes bras.
(….)
- Je ne tiens pas à rentrer avec un cœur gros comme ça, Mohsen. Les choses de la rue gâcheront ma journée inutilement. Je suis incapable de passer devant une horreur et de faire comme si de rien n’était. D’un autre coté, je refuse de porter le tchadri. De tous les bâts, il est le plus avilissant. Une tunique de Nessus ne causerait pas autant de dégâts à ma dignité que cet accoutrement funeste qui me chosifie en effaçant mon visage et en confisquant mon identité. Ici, au moins, je suis moi, Zunaira, épouse de Mohsen Ramat, trente-deux ans, magistrat licencié par l’obscurantisme, sans procès et sans indemnités, mais avec suffisamment de présence d’esprit pour me peigner tous les jours et veiller sur mes toilettes comme sur la prunelle de mes yeux. Avec ce voile maudit, je ne suis ni un être humain ni une bête, juste un affront ou une opprobre que l’on doit cacher telle une infirmité. C’est trop dur à assumer. Surtout pour une ancienne avocate, militante de la cause féminine. Je t’en prie, ne pense aucunement que je fais du chichi. J’aimerais bien en faire d’ailleurs, hélas! le cœur n’y est plus. Ne me demande pas de renoncer à mon prénom, à mes traits, à la couleur de mes yeux et à la forme de mes lèvres pour une promenade à travers la misère et la désolation; ne me demande pas d’être moins qu’une ombre, un froufrou anonyme lâché dans une galerie hostile. Tu sais combien je suis susceptible, Mohsen; je m’en voudrais de t’en vouloir lorsque tu essayes seulement de me faire plaisir.»
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