Pour notre 2ème et dernière journée en Côte d’Azur, nous avions été invités à Saint Paul.
Je ne connaissais pas du tout ce village, je n’en avais même jamais entendu parler. Mais vu le nombre d’autobus touristiques, je devais être la seule personne à n’en avoir pas entendu parler!
Que dire de Saint Paul?
Et ben, on pourrait dire que c’est l’équivalent en France de notre Sidi Bou Saïd national.
Il paraît que ce village est très connu pour les artistes qui y ont séjourné, et cela particulièrement depuis les années 1920, les conditions climatiques et une luminosité exceptionnelle ayant été une source d’inspiration pour un grand nombre d’entre eux.
Plusieurs de ces artistes, généralement fauchés, séjournaient ou mangeaient à l’hôtel «Le Robinson», aujourd’hui nommé «La Colombe d’or». Ils étaient donc dans l’obligation de payer en «nature»: dessins, croquis, tableaux… et ainsi s’est constituée la collection privée de l’ancienne propriétaire (grand-mère de l’actuel propriétaire), qui comporte aujourd’hui des œuvres de Picasso, Matisse, Miro, Modigliani, Fernand Léger et Chagall.
Plus tard, des artistes, du cinéma ou autre, sont aussi arrivés à Saint Paul. Nous avons d’ailleurs pu consulter un livre qui justement parle de tous ces artistes qui avaient pris l’habitude de séjourner la-bas. Parmi eux, Jacques Prévert, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Lino Ventura, Yves Montand et Simone de Signoret, ces derniers y ont d’ailleurs célébré leur mariage.
Nous n’avons pas mangé à La Colombe d’Or. Il paraît qu’il faut réserver pratiquement des mois à l’avance. Inch’allah une prochaine fois pour pouvoir admirer tous les chefs d’œuvres.
Nous avons mangé dans un petit restaurant «Le Café de la Place». Il paraît que c’est face à ce restaurant que se réunissaient souvent les habitants, même les plus illustres d’entre eux, pour jouer à la pétanque.
Après le déjeuner, nous nous sommes promenés dans les ruelles du village. J’ai pris celle-ci en photo, parce que je l’avoue, j’ai trouvé son nom assez original «Rue du Casse-Cou». Il paraît que son nom vient du fait que lorsqu’une personne boit et emprunte cette ruelle, elle risque un peu de se casser le cou. Je ne sais pas si l’anecdote est vraie, mais c’est mignon.
Nous avons pu admirer les remparts, les beaux paysages et surtout les diverses galeries d’art.
J’ai été particulièrement attirée par l’une d’elles: La Galerie du Vieux Saint-Paul. En fait, de l’extérieur, j’avais été attirée par les sculptures très originales qui y étaient exposées. J’ai pris quelques photos, mais malheureusement, elles sont très très loin de rendre justice à la beauté e ces œuvres.
En faisant une petite recherche sur Internet, j’ai pu trouver les noms de ces sculpteurs:
Ce n’est que par la suite que j’ai remarqué les tableaux, et un tableau en particulier dont je suis aussi tombée amoureuse. En vrai, il est vraiment magnifique, et les diverses nuances du bleu sont époustouflantes. J'ai aussi retrouvé le nom de l'artiste qui l'a peint, il s'agit de Stéphane Braud, qui a la particularité de peindre ses tableaux directement sous la mer. Malheureusement, ni ma photo, ni les diverses photos que j'ai trouvé sur le net ne peuvent rendre justice à la beauté des couleurs.
Un autre des tableaux exposés était tellement réaliste qu’on aurait dit une photo, on pouvait même voir les poils des bras. Tous les détails étaient là, et puis bien qu’il s’agisse d’une peinture sur toile, l’artiste, Pascal Chove, donne l’impression de peindre sur de la pierre, ce n’est qu’au toucher qu’on peut faire la différence.
J’ai aussi remarqué une sculpture de Paul Beckrich intitulée «Dieu Amon». Pourtant, bien qu’égyptien, cet Amon avait des yeux bridés, on aurait dit un asiatique. Étonnant. Pourquoi l’artiste voit-il Amon, Dieu égyptien, avec des yeux bridés tel un samouraï?
Malheureusement le manque de temps ne m’a pas permis de visiter toutes les galeries, il est vrai qu’il y en avait tellement que de toute façon il aurait été difficile de les visiter toutes!
Hier soir, Emma, Stupeur et moi étions invités à une réception donnée à Dar Hammouda Pacha à la médina de Tunis. Pour moi, cela a été une découverte, je ne connaissais pas du tout cette maison, vraiment belle. J'en ai profité pour faire des photos, un peu de tourisme en fait. Et l'occasion de déplorer que des tels trésors patrimoniaux soient entrain de se perdre.
Détail d'un plafond peint.
Collection de seaux. Ma mère en avait un à l'époque, qu"elle a ensuite transformé en pot à fleurs.
Détail du plafond du couloir du 1er étage.
Magnifique maison, non?
Pas aussi belle que Dar El Jeld, c'est vrai, mais magnifique quand même!
Le reproche que je pourrais faire, c'est que la restauration est moins bien faite que chez Dar El Jeld. Les peintures semblent récentes, j'aurais préféré qu'elles soient un peu vieillies.
Après la reception, nous sommes allés prendre un thé à la medina. Ce n'est vraiment pas la première fois que j'y vais, il fut un temps où j'étais tout le temps fourrée, mais c'est la première fois que je remarque ce genre d'enseigne:
et ce genre de vitrines, scellées dans le mur:
L'état de dégradation et d'abandon est vraiment déplorable. Dommage.
Depuis quelques temps, j'ai découvert ce site par hasard: Goodreads. J'adore. J'y ai adhéré de suite, et je suis déjà presque addicted.
Ce site permet de se constituer une bibliothèque virtuelle, en plus, il met les divers lecteurs en relation. On peut donc commenter des livres, discuter avec d'autres lecteurs et même certains écrivains. On peut aussi former des groupes de lectures, on peut publier des citations, et même publier ses propres écrits... Bref, un super monde de livres.
Je conseille ce site à tous les amoureux de la lecture. Venez nombreux que nous puissions comparer nos gouts, échanger nos points de vue...
Je suppose que certains d'entre vous ont remarqué l'apparition du widget sur mon blog sous la rubrique "Ma bibliothèque". Il suffit de cliquer sur la partie supérieure pour voir quelques livres que j'ai lu. En cliquant sur la partie inférieure du widget, on accède à toute ma bibliothèque, à mon profil, à mes amis...
J’ai lu, dernièrement, le livre d’Albert Memmi ((1) (2)), «Le Pharaon». En couverture il est dit que ce livre «relate la rencontre avec l’Histoire, l’émergence stupéfiante de la nation tunisienne. S’y insère une aventure amoureuse qui, malgré ses emportements du cœur et de la chair, ne pâlit pas devant la violence de l’Histoire…».
Pour moi, ce n’est pas vraiment cela que relate le livre. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’amour, d’une histoire d’amour essentiellement, et qui accidentellement se passe en Tunisie lors de la lutte pour l’indépendance.
Il est vrai qu’on y parle un peu des mouvements patriotiques, des fellaghas, de Bourguiba, de Mendés France… D’ailleurs, on remarque à quel point l’auteur admire Bourguiba, et je ne lui donnerais pas tort sur ce plan.
Mais pour moi, comme je l’ai dis plus haut, il s’agit surtout d’une histoire d’amour. Une banale histoire d’amour entre le mari, la femme et la maîtresse. L’éternel trio infernal en fait.
Lorsque je dis «banale», je ne veux pas dire que cette histoire est banale, je veux simplement dire que de nos jours, de telles histoires sont tellement nombreuses qu’elles en deviendraient banales.
Armand est un homme d’un âge certain. Il mène une vie routinière, réglée comme du papier à musique, entouré de sa femme, de son associé, de ses enfants… Lorsqu’un jour, entre dans sa vie une jeune femme.
Nous assistons dans ce livre aux bouleversements, bonheurs, souffrances… que cette rencontre va occasionner à Armand. Armand pour qui cette rencontre est une occasion de tout recommencer, une renaissance en fait.
Armand se remet donc en question. Il remet tout en question, sa vie, ses attentes, ses relations avec ses amis, sa famille, son travail… Tout en fait. Tout est chamboulé par cette rencontre.
Cette jeune femme va tomber amoureuse d’Armand. Est-ce pour elle une façon de remplacer son père absent?
Quoi qu’il en soit, elle deviendra vite exigeante, elle voudra plus, toujours plus d’Armand.
En ce qui me concerne, je n’ai pu avoir aucune sympathie pour cette jeune femme. Pour moi, elle est l’intruse, la pièce rapportée, l’empêcheuse de tourner en rond… Celle par qui les souffrances arrivent…
Je ne peux avoir aucune empathie ni sympathie pour une personne si égoïste: elle arrive, elle veut, elle exige… A-t-elle même pendant quelques secondes pensé à l’épouse et aux enfants de son amant? Pas du tout. Elle veut Armand, point à la ligne. Elle n’a pensé qu’à elle-même, à ses désirs, à l’amour qu’elle pense porter à Armand… Peu importent les conséquences. Et c’est cela qui me révolte dans ce genre d’histoires. Les maîtresses ne pensent qu’à elles-mêmes, jamais aux autres.
L’auteur essaye de nous dire qu’elle n’est peut-être elle-même que la «conséquence» de son enfance: une mère infidèle qui un jour l’a abandonnée, un père qui souffre de cet abandon et qui sera stricte et absent…
Pour moi, les deux personnages les plus importants sont Armand et son épouse, Allégra. En fait, Le personnage le plus important est Armand, c’est à travers lui que nous verrons les autres personnages. Le livre relate les questionnements d’Armand, les pensées d’Armand, les souffrances d’Armand…
Armand est déchiré entre ses deux femmes. L’une, la jeune maîtresse, lui donne une nouvelle jeunesse, une impression de revivre à nouveau, une occasion de sortir de sa routine… mais au prix de grands déchirements et de sacrifices. L’autre représente un passé commun, un foyer, une famille, des enfants, des racines…
A la découverte de l’infidélité de son mari, la souffrance de l’épouse est intolérable. Je trouve que l’auteur a trouvé les mots justes pour la décrire. Cette souffrance immonde qui irradie dans le corps de l’épouse trompée. Cette souffrance sourde qui tort le ventre, qui arrête le cœur, qui fait mal, vraiment mal, un mal indescriptible. Cette souffrance oppressante, qui ne quitte plus le trompé, qui l’écrase, qui l’étouffe, qui le plie en deux, qui le fait hurler.
«Pour Allegra, la trahison d’Armand fut un coup de tonnerre; jamais auparavant, elle ne l’aurait crue possible; certes, tout parle d’infidélité, les livres, les films, les discussions avec ses amis, mais cela ne pouvait concerner que les autres.»
«C’était Allegra qui parcourait le couloir, montait et descendait l’escalier. Le somnifère n’avait pas agi; elle en avait pris un autre, en vain. Elle se tordait les mains de désespoir. - C’est affreux! Je ne sais que faire! J’ai la tête pleine de scènes horribles, toi avec cette putain…(…) - … cette salope! Cette voleuse! Je la tuerais! Tu verras que je la tuerai!…».
«L’état d’Allegra avait empiré. Elle maigrissait de façon alarmante… Elle dormait à peine; son somnifère habituel n’agissait presque plus, elle en doubla la dose sans effet notable. Entre deux crises de violence, comme un enfant qui a besoin d’être rassuré, elle implorait Armand. - Prends-moi dans tes bras! Tu m’aimes, n’est-ce pas? Il n’avait pas besoin de répondre, elle répondait à elle-même: «je sais que tu m’aimes.» Il la prenait dans ses bras avec un embarras où il ne savait distinguer entre l’évocation émue de leur amour enfui, le remords, la pitié et le sentiment d’une odieuse comédie. Elle s’assoupissait, mais cela ne durait guère, elle se réveillait en hurlant: «je vous vois! Je vous vois entrain de faire vos cochonneries! Elle est sur toi, l’ordure! La salope! La putain!». Même dans la journée elle n’arrivait plus à chasser de son esprit les images qui la torturaient…
«Elle ne voulait plus sortir de la Villa… mais ne supportant pas d’y être enfermée, elle faisait le tour du jardin, longeant la clôture comme un fauve, une aliénée prisonnière de ses angoisses.»
«N’ayant plus la force d’affronter la trahison d’Armand, Allegra entra dans le cycle médicamenteux des malades de la vie: tranquillisants, somnifères, euphorisants, excitants, calmants, etc. Elle exigeait qu’Armand restât avec elle à la Villa, où elle le soumettait à d’épuisants interrogatoires, le coinçait par des questions croisées, lui tendant des pièges où il finissait toujours par tomber, furieux de s’être laissé prendre en se jurant de ne plus lui répondre. Dès qu’il mettait un pied dehors, elle le traquait, le suivait à la trace. Sous des prétextes enfantins, elle téléphonait à la boutique, elle qui naguère n’en connaissait même pas le numéro par cœur. (…) Faisait-il mine de résister, marquer une pause, sur un mot, une phrase, souvent innocents, qui pussent se rapporter à leur drame, le visage d’Allegra se vidait de son sang, ses mains tremblaient et elle reprenait son air hagard, comme si elle fixait à l’intérieur d’elle-même quelque monstre horrible. Elle ne sortait de cette fascination muette que pour éclater en reproches, en accusations insensées….»
«La souffrance d’Allegra déborda, se répandit autour d’eux, se révéla à tous. Elle qui au début, avait si peur du ridicule ne cachait plus son malheur. Elle en parlait en public, avec cette ironie complaisante des romantiques qui affectent de mépriser la douleur pour mieux la braver. Elle décrivait son mal comme un abcès monstrueux, un mal pernicieux dont elle se trouvait affligée, et dont son époux était la cause persistante. Armand, honteux de ce rôle qu’il jouait malgré lui, ne savait comment mettre un terme à cette indécence.»
Allégra n’était pas la seule à souffrir de cette «tragédie» qu’est l’infidélité de son mari. Ses enfants aussi en souffraient. Et le plus étonnant, Armand aussi. Il en souffrait beaucoup. D’un coté, il se sentait fol amoureux de sa jeune maîtresse qui le sortait de sa routine, qui lui faisait oublier son âge, d’un autre coté, il ne pouvait se résoudre à quitter Allegra. Il s’en voulait aussi de la faire souffrir.
«… comment éviter la souffrance destructrice de l’autre? Comment affronter l’insupportable, l’incontournable souffrance d’Allegra? Fallait-il quitter Allegra, rester avec Allegra? Quelle serait la meilleure solution pour elle comme pour lui? Quitter Allegra la transformerait en une créature hagarde, aux gestes saccadés, à la bouche tordue. Comment prétendre aimer toute l’abstraite humanité si l’on accepte d’être le bourreau d’un être de chair et de sang? Comment repousser une femme qui nous tend les bras? N’est-ce pas l’enfant qui crie en elle?»
«… la souffrance la rendait folle. La fragilité intérieure d’Allegra fut la grande révélation de cette terrible période; elle fut aussi son arme et sa sauvegarde. Armand se demandait parfois si elle n’allait pas, dans l’une de ses crises, se livrer à quelque acte insensé, se fracasser la tête contre un mur ou se saisir d’un couteau. Il lui aurait pardonné, il lui pardonnait tout à cause de cette souffrance qu’il sentait en elle, et pour laquelle il se détestait et la détestait. «Comment puis-je la mettre dans cet état? ». «C’est la dernière fois, je ne recommencerais plus.» Mais il recommençait, il le savait, il ne pourrait pas s’en empêcher, et il serait encore rempli d’horreur contre lui-même et de colère contre elle d’avoir encore utilisé ce chantage si vulgaire.»
Il doutait de tout, il doutait de lui-même. Il ne s’occupait plus de ses enfants, il ne pouvait plus travailler…
Et le doute. Le doute pernicieux concernant sa maîtresse si jeune. Un jour, elle le quitterait. Un jour, lorsqu’il sera vieux, où lorsqu’elle ne l’aimera plus. Un jour… Peut-il même être sur de sa fidélité? Non. Elle le lui a même dit.
Alors qu’Allégra… «… moi, je ne te quitterais jamais, parce que moi, je t’aime. Je t’ai aimé depuis que je t’ai vu à Paris, je n’ai jamais cessé de t’aimer même lorsque je te détestais.
Armand du convenir qu’il n’en avait jamais douté, même s’il n’y prêtait guère attention, comme on est certain de posséder un bien sans avoir besoin de le vérifier sur l’acte notarié. Il eut presque envie d’exprimer sa gratitude à Allegra.»
Et si Allégra avait, elle aussi, trompé son mari?
« -Si je l’avais fait, tu ne l’aurais pas supporté, ajouta Allegra comme si elle avait deviné sa pensée.
Il dut convenir qu’elle avait raison; il en aurait souffert. Il ne se permettait de telles audaces que parce qu’il les savaient gratuites. Allegra supportait tout ce qu’il lui faisait endurer, parce qu’elle l’aimait. Il n’en avait jamais vraiment douté. (…) Armand incarnait son destin; il lui aurait paru inconcevable de vivre sans lui. (…) Mais curieusement, cette ténacité d’Allégra n’effrayait pas tant Armand; au contraire, elle le rassurait.»
Pourquoi Armand ne quittait-il donc pas sa femme puisqu’il pensait tant aimer sa maîtresse?
«… en effet, pourquoi ne partait-il pas? A-t-il besoin, pour la quitter, de la permission de sa femme? Et soudain, avec une évidence très forte, il comprend que oui, il a besoin de son accord; il sait même pourquoi: s’il partait avec l’accord d’Allegra, il pourrait un jour, si besoin en était, revenir, réintégrer la Villa. La vérité est qu’il veut, de cette manière, garder Allégra; la vérité, presque comique, est qu’il veut garder toutes les deux, l’âge mûr et la jeunesse, le calme et l’agitation, le rêve et la sécurité. »
Malheureusement, tel est le choix que voudraient pouvoir faire tant d’hommes. Ils veulent les deux. Pourtant, cette situation ne fait que des malheureux. Mais ils sont ainsi: égoïstes. Ils veulent les deux tout en sachant que cela est impossible.
«Même Allegra, que l’idée de perdre Armand plongeait dans un désespoir morbide, ne comprenait pas davantage pourquoi il ne la quittait pas. Au cours de ces scènes innombrables où la fatigue les transformait en somnambules, en machines à paroles, Armand avait fini par convaincre sa femme qu’elle n’avait pas su le rendre heureux. Force avait été à Allegra de l’admettre avec une insupportable douleur; elle en demeurait abasourdi, comme lorsqu’on apprend que l’on n’a pas su aimer un enfant qui, un jour, vous le crie à la figure. On a beau s’en étonner, se le reprocher, essayer de se souvenir de ses erreurs, il est déjà trop tard. Elle continuait à pratiquer les rites sur l’autel conjugal, sans la foi mais avec plus de minutie encore qu’autrefois, dans l’espoir insensé que, de la braise qui couvait sous la cendre, surgisse quelque flammèche. Et parce que, dans cette symbiose très mystérieuse qui se forme entre un homme et une femme, les racines communes deviennent plus énormes que les troncs respectifs, de sorte que l’arrachement de l’un risque de déchirer l’autre; parce que, de toute manière, elle n’aurait pu survivre autrement. »
Armand a essayé de rompre avec sa jeune maîtresse à plusieurs reprises. En vain. Dès qu’elle l’appelle ou se manifeste, il court auprès d’elle.
Mais Armand n’est pas heureux. Il est déchiré. Il n’est plus lui-même. Il est double. Il est tricheur. Il est menteur. Il vit en se cachant… Est-ce à cela qu’il aspirait?
Et puis, aucune des deux femmes n’est heureuse. Chacune voulant plus, chacune exigeant d’occuper la meilleure place dans sa tête, dans son cœur. Chacune voulant plus et même tout. Où est le repos d’Armand?
Et sa jeune maîtresse, si elle devenait la seule dans sa vie, s’il vivait avec elle, s’il partageait sa vie, ne se transformerait-elle pas en épouse? «Fallait-il bouleverser sa vie et celles de tous pour se retrouver dans une nouvelle prison, derrière d’autres barreaux et dans d’autres renoncements certainement plus pesants?»
Armand ne sait plus quoi faire ni que penser. Il ne se sent pas bien dans sa peau. Il va rompre. Il ne peut que rompre d’avec sa maîtresse. Comme elle lui a si bien dit, il veut se retrouver lui-même.
La vie et les circonstances se chargeront de les séparer. La jeune maîtresse fera sa vie avec un jeune homme.
Reste Armand.
Armand qui comprend finalement que son salut dépend de sa tranquillité d’esprit, dans son travail, dans sa famille, de cette routine qu’il croyait détester mais qui est quand même salutaire.
Armand ne veut plus de cette vie double, de ces mensonges. Il veut retrouver sa vie d’avant, celle qu’il menait au grand jour. Et surtout, suite à un cauchemar, Armand va comprendre que sa femme, Allégra, fait partie de lui-même. Elle est son port d’attache, qui s’il venait à disparaître, le laisserait dériver à l’aveuglette.
«…il se mit à appeler: Allegra!, curieusement certain qu’elle ne pouvait être loin et qu’elle seule pourrait lui apporter apaisement et sécurité. Allegra avec ses manies, son organisation domestique, ses préjugés, son sacro-saint bridge, était l’image réfléchie de cette cohésion, qu’il avait toujours recherché, patiemment construite, sans se l’avouer, sans l’avouer à personne. (…) Oui, Allegra fait partie de ma coquille; si je devenais infirme, aveugle ou paralytique, mieux vaudrait que je continue à vivre au milieu de cet espace familier dont je connais le volume, le nombre de pas et les moindres aspérités agaçantes et rassurantes; sans Allegra, trop vieux prisonnier libéré, je me heurterais, me blesserais au monde, je serais amnésique et nu.».
Je trouve que l’auteur a su trouver les mots justes pour traduire les pensées d’Armand et décrire l’état des autres personnages.
Très beau livre sur les questionnements que l’on peut avoir à une certaine période de sa vie, lorsque l’on prend soudain conscience que les années ont passées. Crise de la quarantaine pour certains, crise de la cinquantaine pour d’autres, ou crise existentielle tout court.
Finalement, comme le dis aussi bien Voltaire dans «Candide», que Paolo Coelho dans «L’Alchimiste», et d’une façon beaucoup plus accrue ici, plus réfléchie et mieux décrite, on ne trouve son vrai bonheur qu’en cultivant son jardin. Bonheur et sérénité que l’on cherche parfois très loin, et qui pourtant sont juste à coté parfois.
"Je suis sceptique. Car le lien entre la religion et la société est ancré dans les mentalités et l'inconscient arabes. C'est une philosophie dans laquelle le religieux et le profane coïncident, ce qui s'oppose à l'exercice de l'esprit critique. Sans esprit critique, vous ne pouvez pas avoir devant la nature la liberté de pensée indispensable pour pouvoir la maîtriser. Or la critique est interdite dans la plupart des pays arabes, sous peine de prison ou d'exil. Le grand acquis de l'Europe est d'avoir libéré l'esprit critique. Ainsi a pu se produire le développement des sciences et de la philosophie. Dans les systèmes arabo-musulmans, la discussion consiste encore à savoir comment concilier la raison et la foi. Il n'y a plus aucun savant occidental sérieux pour concevoir les choses de cette manière. Certes, il existe de grands scientifiques qui s'affirment fondamentalement catholiques. Mais ils ne mélangent pas les deux. Vous connaissez la fameuse phrase de Pasteur, grand catholique: «Quand j'entre dans mon laboratoire, je laisse mes convictions au vestiaire.» Rien de tel n'existe dans l'islam, en dehors de quelques rares individualités. C'est pourquoi il faut défendre la laïcité avec ferveur. Non pas parce qu'elle représente une valeur en soi, mais parce qu'elle est la seule manière de séparer les activités politiques, intellectuelles et scientifiques des croyances religieuses."
Extrait d'une interview d'Albert Memmi publiée en 2004.
"Si l'on creuse assez, on découvre un tel fouillis qu'on ne sait plus quelles sont nos racines et quelles sont celles des autres. (...) - ... je crois pouvoir démontrer que presque personne ici n'est ce qu'il croit qu'il est; si les Arabes sont originairement les habitants de l'Arabie, alors il n'y a jamais eu ici que très peu d'Arabes, même avec la deuxième vague des nomades Béni-Hillel; juste un saupoudrage, pas tellement plus dense que le saupoudrage phénicien, goth, wisigoth ou français. En fait, nous sommes presque tous des Berbères convertis, soit à l'Islam, soit au judaïsme, et quelquefois même convertis et reconvertis. Nous en avons perdu la mémoire, de sorte qu'une partie d'entre nous, se croyant arabo-musulmane, n'aime pas l'autre partie qui se croit arabo-juive et inversement; j'essaye de ramener l'affaire à de plus humbles proportions. Personne ne sait exactement qui il est; l'Histoire est un chaudron où bout une soupe confuse. - Une putain, tu veux dire, qui a reçu sur son ventre indistinctement tous les conquérants, et dont les enfants sont des bâtards de père inconnu. - Oui, si tu veux, on peut le dire comme ça." Albert Memmi - LE PHARAON.
"Je veux prouver que les chercheurs de paradis font leur enfer, le préparent, le creusent avec un succès dont la prévision les épouvanterait peut-être."
Je m’attendais à un moment de bonheur, et je n’ai eu que déception. J’étais une fan de la série. Je l’aimais pour sa fraîcheur, pour son humour, pour les sujets abordés, pour le grain de folie de ces dames…
Dans le film, rien de tout cela. Le scénariste devait être vraiment à court d’idées à ce moment-là. A moins que les contraintes publicitaires l’aient dérangé dans son travail!
En effet, on a l’impression que ce film a été fait juste pour la pub. Disons que c’est un spot publicitaire de plus de 2h. Un spot commun à Louis Vuiton, Prada, Vivienne Wedgwood, Dior, Christian Lacroix, Chanel….
On nous met ces marques sous le nez à chaque séquence. Bien en évidence. On sent que le film est une vrai arnaque, juste un moyen d’exploiter un gros filon, et de se mettre plein d’argent dans les poches.
Et puis le film lui-même n’a rien de la fraîcheur et de la spontanéité de la série. En parlant de fraîcheur, les actrices (à part Kristin Davis) en manquaient drôlement! Malgré le maquillage, on voyait leurs rides. En 10 ans, elles ont pris un sacré coup de vieux!
L’histoire elle-même est vraiment tirée par les cheveux. On veut nous faire croire en l’Amour, avec un grand A. Pas de problème, personnellement, j’y crois encore à 44 ans (et tout mon entourage se moque de moi à ce sujet!), mais la façon dont le sujet est traité laisse à désirer.
Bref, personnellement, je ne conseille à personne d’aller voir ce film. Il vaut mieux rester sur la bonne impression de la série.
Ce matin, je suis allée acheter les livres scolaires (la rentrée approche à grands pas!!!!). J'ai refusé obstinément de jeter un coup d'œil aux diverses étagères de livres. Je me connais, si je regarde, j'achète.
Malheureusement, en rentrant à la maison, je me suis aperçue que j'avais acheté un livre d'histoire/géo en double, je suis donc retournée à la librairie pour le rendre.
Bien-sur, bien que 1 heure ne s'était même pas écoulée, impossible de se faire rembourser. On me propose un avoir. J'accepte, mais en attendant que la vendeuse puisse s'occuper de préparer le papier, je jette un coup d'œil sur les livres. Et bien-sûr, la tentation a été trop forte, et je suis partie avec ces livres:
- Son Excellence de Naguib Mahfouz. Je ne connaissais pas du tout ces livres. J'ai été étonnée de les trouver. Je pensais avoir lu presque tous les livres de Mahfouz, à moins que ceux-là n'aient été traduits en français que dernièrement.
- La Porte du Soleil de Elias Khoury. J'avais vu le film au printemps derniers à l'AfricArt. Je l'avais trouvé génial. On dit que le livre est meilleur.
Finalement, je n'ai pas eu mon avoir, mais en plus, j'ai du payer un gros supplément!!!!
Il ne faut jamais me laisser entrer dans une librairie!
Samia y raconte les mauvais traitements que lui faisait subir sa mère pour la punir d’être une fille.
Elle y raconte aussi tout ce que ses parents, et ensuite son mari, lui faisaient subir pour qu’elle devienne une bonne musulmane.
A l’âge de 16 ans, elle est mariée contre son gré à un homme qu’elle n’aime pas et qui va abuser d’elle pendant des années, et la maltraiter.
Elle y raconte son divorce, les mauvais traitements, sa crainte des intégristes, les menaces de morts, les sévices….
Et enfin, sa fuite avec 5 de ses 6 enfants, d’abord en France, ensuite au Canada.
Ce livre m’a mise mal à l’aise. Je ne saurais dire pourquoi.
Parfois, ce que Samia Sharif décrit est tellement horrible, que j’ai l’impression que cela ne peut être vrai. J’ai l’impression qu’elle exagère l’horreur de sa situation, des mauvais traitements, des sévices subis….
Mais ensuite, je me rappelle que dans certains milieux et certaines familles, la situation de certaines femmes est un peu similaire. Alors, je me dis qu’elle ne ment pas, mais que j’ai eu énormément de chance, ainsi que mes concitoyennes, d’être nées en Tunisie.
Merci mon Dieu. Merci Tahar Haddad. Merci Bourguiba. Merci à tous ceux qui ont contribué à améliorer la situation de la femme tunisienne.
Dans une première partie du livre, Samia raconte son enfance et son adolescence. Elle se rend compte qu’elle n’a pas été désirée. Elle se rend compte de l’inégalité de traitement entre ses frères et elle. Sa mère lui fait payer le fait d’être une fille. Pour la mère, avoir une fille est une malédiction. Une malédiction dont il faut se débarrasser au plus vite.
Une fille est source de problèmes. Une fille est une honte.
Il est vrai que jusqu’à il n’y a pas très longtemps, la naissance d’une fille était aussi une sorte de malédiction chez les familles tunisiennes. Et il ne faut pas se voiler la face, mais même aujourd’hui, la naissance d’un garçon est une grande fierté pour les familles et un plus grand bonheur que la naissance d’une fille, et cela particulièrement lorsqu’il s’agit d’un premier né!
Samia va être retirée de l’école, surveillée, épiée… Lorsqu’elle sera adolescente, sa mère lui bandera les seins pour que l’on ne remarque pas ses signes de féminité.
A 16 ans, elle sera vendue. En fait, son père va payer un «prétendant» pour être débarrassé de sa responsabilité envers elle.
Il pense avoir accompli son devoir en élevant sa fille et en la livrant vierge à son mari.
Samia va être mariée de force à un homme qu’elle ne connaît même pas. Et pour son malheur, cet homme va se révéler être une véritable brute et un obsédé sexuel.
Pendant de longues années, elle devra subir son mari et ses mauvais traitements sans que sa famille lève le petit doigt: une bonne musulmane doit obéissance à son mari, qui a sur elle tous les pouvoirs.
Cela aussi existait il y a quelques années en Tunisie. Je me rappelle ma grand-mère et mes tantes, elles avaient toujours ce refrain à la bouche: le devoir d’une bonne épouse est d’obéir à son mari, de veiller à son confort et de satisfaire tous ses désirs.
Samia a fini par être répudiée par son mari. Sa famille lui en a voulu. Ils ont tout fait pour qu’elle retrouve son mari. Ils ont été jusqu’à la séquestrer dans des conditions lamentables pendant un mois en compagnie de ses 2 filles.
Le plus injuste la-dedans, est que bien que répudiée, Samia n’est pas vraiment «divorcée» aux yeux de la loi. Elle doit attendre que son ex-mari entame la procédure judiciaire. Elle de son coté ne peut rien faire. Elle ne peut qu’attendre son bon vouloir et se plier à ses divers chantages!
Et c’est là que l’on peut se rendre compte à quel point, nous tunisiennes avons de la chance. En droit (je sais que dans les faits, parfois c’est différent), aucune tunisienne ne peut rester mariée contre son gré.
Pareil aussi pour les diverses autorisations nécessaires pour accomplir plusieurs actes administratifs, ou pour quitter le territoire tunisien…
En fait, pour nous tunisiennes, ce sont des situations tellement ordinaires, que nous ne pensons jamais que c’est une chance que nous avons par rapport aux autres femmes arabe-musulmanes.
A 20 ans, nous devenons majeures, et nous le restons jusqu’à la fin de notre vie.
Nous pouvons par nous-même décider de travailler ou de ne pas travailler, demander un papier quelconque, obtenir un passeport, un visa, un permis de conduire… Nous pouvons par nous-même nous marier, divorcer…
C’est pour nous l’évidence même, or pour d’autres, comme nos voisines algériennes ou marocaines, cela est impossible.
Il est vrai que nous considérons qu’il existe toujours une inégalité successorale, que diraient alors nos voisines?
Samia vivait en France et s’habillait à l’occidentale. En Algérie, elle se trouve contrainte de se voiler, et de subir des pressions, des remarques et des agressions pour la moindre mèche de cheveux qui dépasse de son voile.
Samia ne peut parler à un homme à moins qu’il ne soit un moharrem.
Samia est agressée, violée, séquestrée… mais même la loi ne peut la protéger….
Samia n’est plus un humain. Elle n’est même pas un animal de compagnie. Elle est juste un objet encombrant, embarrassant, honteux que l’on doit caser, cacher…
C’est pour fuir tout cela que Samia a décidé de partir loin, loin de ces injustices, loin de cette barbarie. Elle voulait être libre. Elle voulait que ses filles soient libres.
Elle y réussira.
Ce qui m’étonne aussi, ce sont les services sociaux des pays occidentaux. En l’occurrence, dans ce livre, Samia parle de la France et du Canada. Je suis étonnée que ces pays offrent autant d’aide à des étrangers.
Par rapport à la France, Samia n’est pas étrangère. Elle est née en France et a la nationalité française. Mais par rapport au Canada?
Ce livre m’a aussi fait très peur. Il me confirme dans mon incompréhension des femmes tunisiennes qui me semblent faire le choix d’un retour en arrière. Ce choix est-il conscient?
Je ne sais pas.
Ces femmes sont-elles conscientes que par leurs agissements, et leurs revendications «islamisantes» ou «islamistes», elles risquent très gros?
Ont-elles conscience qu’elles pourraient perdre leurs acquis?
Ont-elles conscience que l’islamisme wahhabite importé de l’Arabie Saoudite et qui se propage dans notre société pourrait les renvoyer du statut d’être humain à celui d’objet encombrant?
Parfois, j’ai l’impression que ce n’est vraiment pas le cas.
Update (15h12): Je viens de me rappeler une chose qui m'a aussi étonnée. A longueur du livre, Samia a une peur affreuse d'être tuée. Elle affirme qu'en Algérie, le crime d'honneur garantit le paradis à son exécuteur. Cela la térrorisait. Cela est-il vrai? Je ne sais pas. D'autant plus que la définition du crime d'honneur qu'elle donne est assez large.
J'aimerais bien avoir l'avis de lecteurs algériens sur ce sujet.
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