Il y a environ 3 jours, je suis tombée sur cette note, complètement par hasard, publiée sur facebook. Du coup, je suis allée lire plusieurs notes écrites par la même personne. Et j'avoue avoir beaucoup apprécié ce que j'ai lu.
Je lui ai écris un message lui demandant s'il avait un blog, et lui demandant l'autorisation de publier sa note sur le mien.
Malheureusement, il n'a pas de blog, mais il m'a permit de publier sa note, à la condition que je ne dévoile pas son identité.
Ses amis facebookeurs reconnaitront quand même cette note puisqu'ils l'ont peut-être déjà lue sur facebook.
Et j'espère qu'il viendra répondre à vos éventuels commentaires et/ou questions.
Religions, idéologies, conscience et humilité
Pourquoi est-il si difficile de dialoguer avec les religieux et les idéologues ?
(je précise que religieux ici ne veut pas dire croyants mais ceux-beaucoup plus nombreux que l'on pense- dont la religion est un capital social et/ou un fond de commerce duquel ils tirent statut et/ou pouvoir : les "je sais mieux que toi", les "khayra ommatin" et autres "peuple élu" , de la même façon qu'idéologues ne veut pas dire personnes ayant des idées ;) ).
Le religieux et l'idéologue n'aiment pas dialoguer en dehors de leurs propres référentiels et certitudes ... Leur croyance n'est pas matière à réflexion et à débat et parce qu'ils sont imbus de leur supériorité et de la supériorité de leur version de vérité.
Alors comment contenir les tentations extrémistes et totalitaires ?
Certains croient que la seule façon de modérer ou de faire évoluer les choses est de faire évoluer les systèmes de l'intérieur sans heurter les pensées dominantes. Pour eux, c'est acquis, on ne peut parler au religieux d'égal à égal que lorsqu'on est dans le même référentiel de croyances et d'idéologies... Autrement dit avant de négocier il faut signer une reddition ... Est ce bien raisonnable ? Est ce bien acceptable ? N'est ce pas là une forme de lâcheté et de paresse intellectuelle ? N'est ce pas surtout un encouragement qui conforte encore plus le croyant ou l'idéologue dans leur manque d'ouverture, de conscience critique et d'humilité ?
Accepter le principe qu'on ne peut discuter et faire évoluer une religion ou une idéologie qu'en étant à l'intérieur de ses lignes rouges (encore faut-il bien les définir dans la pensée du moment) c'est accepter le fait que les vérités des autres ne sont pas équivalentes en valeur puisque celui là même qui réclame à cors et à cris le respect de ses lignes rouges et de ses croyances est incapable de regarder la pensée différente autrement que comme une pensée inférieure ou impure. Accepter les lignes rouges d'en face sans réciprocité, c'est le champ libre à ce que les dominants ou aspirant à dominer rêvent toujours d'imposer aux autres : la capitulation. C'est un champ ouvert vers le totalitarisme, le sectarisme et l'inquisition ...
Toutes ces vérités qui se veulent absolues et qui se valent au moins dans ce désir sont la braise de tous les feux qui consument le monde.
Le monde a besoin d'un contre-pouvoir et de gardes-fous (au vrai sens du terme).
C'est un besoin collectif et c'est l'intérêt de tout le monde croyants ou pas.
Ces gardes-fous ne peuvent être qu'à l'extérieur des dogmes, ces derniers devant avoir leurs propres soupapes de sécurité pour éviter l'aveuglement, l'enfermement et l'intolérance.
Le jour où j'ai mis les pieds en France, j'ai compris ce que croyance veut dire parce que j'ai été au contact d'autres croyances que j'ai toujours ignoré et à la limite vaguement considéré auparavant comme inférieures à la mienne (c'est ce qu'on nous apprend) et j'ai tout de suite compris que les personnes d'en face croient dur comme fer qu'il n'y a de Dieu que leur Dieu et que seule leur croyance est la vraie vérité ... J'ai appris depuis en m'intéressant à l'Histoire que les religions d'hier n'étaient guère différentes et que leurs tenants étaient aussi sûrs d'eux que nous puissions l'être de nous mêmes aujourd'hui ...
Quoiqu'on prétende, un musulman ne peut pas encore accepter que sa vérité soit toute aussi imparfaite et relative que celle du bouddhiste, de l'hindouiste, de l'animiste ou du laïc. De même un sunnite considérera sa religion plus vraie que le shiite et un wahabite verra un sunnite classique comme un mauvais musulman qu'il faut mettre en camp de rééducation ... Ce qui est dit ici de l'islam est aussi vrai du judaïsme ou du christianisme, voire même des petites sectes nées d'hier ou même du capitalisme, du libéralisme, du communisme ...
L'Islam étant ma religion, c'est lui qui m'interpelle et me concerne le plus et c'est lui qui me peine de se trouver aujourd'hui en prise avec des courants extrémistes, totalitaires, abrutissants et brutaux et c'est lui qui me peine de se trouver dans la tentation de l'isolationnisme et du repli.
On peut toujours attendre un Ibnou Khaldoun ou un Ghazali pour faire émerger un Islam des lumières et de l'ouverture mais c'est vaine attente lorsqu'on considère l'histoire et les forces actuelles en présence. Car si Ibn Khaldoun ou Ibnou Rochd étaient nés de notre époque, ils auraient une fatwa de takfir et de mort sur de dos depuis longtemps et seraient probablement enseignants à Berkley ou à La Sorbonne sous protection policière ...
La chape de plomb de 14 siècles est trop lourde pour être soulevée par un individu aussi brillant et pertinent soit-il. Le salut ne peut être que collectif ... et le collectif commence par l'individuel et sa massification ... La masse chez nous, ce sont des individus encore sous tutelle ... Une masse qui a appris à lire et écrire ces dernières années et qui est encore loin de pouvoir penser sa réalité ou prendre son destin et son avenir en main. Aujourd'hui encore, pour beaucoup de nos coreligionnaires, décider avec son cerveau de comment s'habiller semble encore une bid3a, une audace inadmissible ... Alors ????
On est très loin. On l'est parce qu'on vient d'encore plus loin ... et on l'est parce que nous sommes enchaînés et constamment tirés en arrière par les évènements politiques et géostratégiques que nous subissons comme une malédiction.
Ma vision personnelle est que le salut collectif est d'abord dans la prise de conscience individuelle et immédiate de la nécessité de nous réveiller et de nous éveiller pour devenir des êtres pensants, conscients et ouverts sur notre monde ... il faut oser vouloir l'être ... oui je dis bien oser vouloir.
Ce que chacun de nous doit chercher c'est l'éveil à la conscience de soi, de son histoire, des autres et du monde pour renouer les fils et trouver une cohérence entre ses croyances, sa réalité et ses aspirations, entre soi et les autres, entre ici et ailleurs, entre aujourd'hui et hier.
Encore faut-il avoir la volonté, le courage, le temps, la capacité et l'énergie pour creuser au delà des apparences et remonter le fil de l'histoire, de la sienne propre et de celle de ses semblables. Un long voyage mais qui en vaut certainement la peine et les peines ...
Le problème c'est que le voyage dans l'autre pente est beaucoup plus facile. La pente est glissante, nos pieds savonnés depuis tout petits, et les mouvements de foule aveugles nous poussent dans le mauvais sens ...
Malgré tout ça, il me semble dans l'ordre naturel des choses que l'humain évolue et que la conscience prenne le dessus sur les réflexes, à la longue.
Peut-être est ce une déformation de mon background de biologiste ...
Mais non ... Car lorsque je regarde l'intelligence des enfants d'aujourd'hui, mon espoir grandit ... A six ans ils commencent à parler plusieurs langues, s'éveillent à la diversité du monde, de ses paysages, de ses créatures, et de ses populations, connaissent les dinosaures par leurs noms, connaissent l'histoire des chevaliers et des pirates, connaissent les planètes, ...
Le mouvement de l'esprit humain est irrépressible sur le long terme.
Dieu a bien fait la nature et le vivant. Le langage avec lequel il a écrit les atomes, les molécules et les gênes est de loin plus puissant et plus juste que les langages humains imparfaits dans lesquels nous tentons de dire nos vérités et nos croyances que nous voudrions pourtant parfaites, ou du moins plus parfaites que celles des autres ...
Pas simple tout ça .... mais qui sait ????
La conscience de la complexité est probablement le début du grand voyage de l'humilité.
Notre nnemi s'est infiltré dans la majorité des cerveaux tunisiens, si tu le traites d'ennemi il se braque, on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre. Je suis animatrice sur le forum Kaftéji depuis un boût de temps tu n'a pas idée du nombre d'insultes et d'impolitesses que j'ai subie avant de me faire accepter en tant qu'athée et avant de leur faire accepter que je puisse discuter leur religions. Maintenant ce sont ces mêmes gens qui me défendent quand quelqu'un tente de m'agresser sur le forum. Tout est une question de manière. Ce que je veux dire c'est que le ver est déjà dans la pomme (si j'ose dire) et tu prêches une minorité de déjà convertis , la majorité se braquera en croyant au mieux à une attaque envers leur propre comportement intolérant (mais qu'ils me voient comme étant juste) au pire comme une attaque envers l'islam.
Rédigé par : trainspotting | 16/10/2008 à 12:11
"Car lorsque je regarde l'intelligence des enfants d'aujourd'hui, mon espoir grandit..."
c'est vrai.Mais lorsque je regarde toutes ces chaines TV dites "chaines pour enfants" telle que ,par exemple, Al majd ,les oiseaux du paradis,MBC3,...qui sont des vrais machines de guerre contre les enfants et contre un développement naturel de l'intelligence de nos enfants, je deviens trés pessimiste et malheureux. Et ceux qui,parmi ces enfants,échappent à ces machines seront sous l'emprise des instituteurs qui confondent programmes officiels et leurs propres opinions et approches ,en général islamiste.
Rédigé par : citoyen | 16/10/2008 à 12:30
depuis quand Ghazali est-il pour un islam des lumières... Et que fait Ibn Khaldoun en lieu et place d'Ibn Rochd....
Samahny fih... Et les religieux, ne sont-ils pas des idéologues... Par ailleurs, les idéologues aiment dicuter ou "discutailler" si on veut...
Alors!
Rédigé par : khayati | 16/10/2008 à 13:25
Je crois qu'on est à peu près tous d'accord au niveau du constat, c'est avec les solutions que ça coince, je pense qu'il faut repenser les fondements de notre société, reformuler la morale, étudier les pouvoirs (visibles et cachés), et attaquer le tout avec un marteau comme disait Nietzsche. Un musulman en est incapable.
Rédigé par : 3ayech | 16/10/2008 à 19:13
Merci Massir d'avoir publié mon article et merci à vous qui avez bien voulu y réagir :)
@ Khayati :
Les références à Ghazali, Ibn Rochd ou Ibn Khaldoun ne sont pas le fond de l'article et il ne faut trop s'y attarder :)
Mais puisqu'il en est question, j'en profite pour parler de ce qui m'a probablement fait penser à ces noms.
Ce sont trois esprit brillants du monde musulman qui m'inspirent d'autant plus qu'ils sont différents. Ils ont chacun abordé la réalité du monde musulman et de la religion sous des angles différents:
Ghazali par la dialectique et le mysticisme, Averroès par la philisophie et les sciences juridiques, et Ibn Khaldoun par la sociologie, la science politique et l'histoire.
Ces trois approches qui ne sont pas hermétiquement dissociées les unes des autres sont pertinentes pour faire bouger les lignes, et comprendre les tenants et aboutissants de nos certitudes et de nos doutes d'aujourd'hui et d'hier ...
Prenons l'histoire et la science sociale d'un Ibn Khaldoun : elle nous montre que les idées et la religion sont instrumentalisées pour la prise du pouvoir et le contrôle des populations et des territoires ... Nos certitudes acquises et admises d'aujourd'hui ne se sont pas toujours imposées par leur justesse, ni par l'aide de Dieu ... mais souvent par la raison du plus fort ou la raison d'état ... La version absolue et unique d'aujourd'hui n'était pas unique hier ni même dominante ... Tel arbre imposant qu'on voit aujourd'hui était une minuscule graine parmi tant d'autres avant ... Lorsqu'on saisit cela on redevient humble et tout redevient petit :)
Rédigé par : Clan Destin | 18/10/2008 à 14:59