J’ai fait la connaissance il y a quelques semaine d’une jeune femme sur face book. Nous avons discuté ensemble, nous avons parlé de nos enfants… et c’est ainsi que j’ai appris qu’elle s’occupait d’enfants handicapés.
Je publie aujourd’hui un message qu’elle m’avait envoyé à l’époque, et qui témoigne de sa propre expérience.
«Pour comprendre et nous soutenir, il faut s’intéresser à ce que vit un parent d’handicapé et l’handicapé lui-même afin de déjouer tout priori ou cliché.
Vivre avec un enfant différent, une singularité de conditions physique qui rend soudain une famille incomparable aux autres. Une naissance dans quelque famille que ce soit, introduit des changements.
Chaque relation sera particulière. En ce qui me concerne, Leith mon fils, était attendu après un long combat contre la stérilité. Une fois ce combat gagné, ce fut la grande joie. Mais j’avais durant toute ma grossesse comme un pincement au cœur. Un suivi régulier chez le gynécologue et les échographies mensuelles n’ont rien vu venir de cette hémorragie spectaculaire qui allait être déclenchée au 6ème mois (30ème semaine de grossesse). Médicalement parlant c’était prévisible et j’aurais du être en principe alitée jusqu'à la fin de la grossesse, car je présentais un placenta post-supérieur recouvrant. Mais les médecins n’ont rien vu venir. Et le bonheur se transforma en cauchemar: une hémorragie spectaculaire s’est déclenchée au 6ème mois, hospitalisée en urgence dans une clinique de la place, un appel au don de sang est lancé, une césarienne est ordonnée immédiatement, je risquais à tout moment de perdre la vie: 6 litres de sang, un arrêt cardiaque au bloc. Leith est né. Mis en couveuse pour 45 jours, le 3ème jour, il fait une détresse respiratoire, il est tout de suite emmené au 4ème étage de la clinique Tawfiq (réanimation) alors qu’en principe le pédiatre aurait dû passer la main au service de néonatologie.
Sortie de couveuse. Leith se préparait à rentrer à la maison. Chose faite. Il continuait à évoluer «bien», selon le pédiatre qui le suivait. Pourtant, il constate une hypotonie des membres inférieurs au 8ème mois, mais cela ne l’inquiété pas tellement.
Par contre moi: JE M’INQUIÉTAIS. A l’âge ou les enfants valides font des acquisitions qui se remarquent (se tenir assis, marcher, compréhension du langage...), Leith était loin de tous cela. A un an il ne se tenait toujours pas assis, le langage était assez pauvre, etc... De plus en plus, Leith se différenciait de sa sœur Linda et la différence devient socialement visible. Par la suite à chacune des différentes étapes d’acquisition d’un enfant normal, en ce qui me concerne, je devais faire le deuil de ces acquisitions et me heurter à une réalité que j’aurais tant aimé effacer.
Promener mon fils dans une poussette alors qu’il n’en a plus l’âge était une épreuve redoutée. Je ne pouvais être que difficilement indifférente aux regards des autres. Que ces regards soient réels ou imaginés!
De plus en plus, alors que Leith grandissait je craignais en plus du problème physique, une atteinte mentale. Je me disais qu’il ne restait alors plus rien.
Aucun médecin ne nous aiguillait en tant que parents sur l’avenir et ce que nous devrions envisager pour Leith: c’était un autre combat, le compte à rebours a commencé.
Je commençais à me documenter et à établir un programme à domicile pour Leith: kinésithérapie (04 fois par semaine), orthophonie (04 fois/semaine), piscine (02 fois/semaine), équitation (02 fois/semaine) tout est payant sans aucune prise en charge par la sécurité sociale. Je ne travaillais pas. J’avais cessé toute activité pour m’occuper exclusivement de Leith. L’entreprise de mon mari battait de l’aile, il avait d’autres préoccupations que celles de son fils. Mes parents sont en Algérie donc aucun soutien moral ni même matériel.
J’avais établi pour Leith tout un programme au prix de multiples sacrifices financiers et personnels, difficilement je l’avais fait.
Lorsque Lieth a atteint ses 06 ans, mon inquiétude grandit. La nécessité de l’inscrire dans une institution à caractère pluridisciplinaire s’imposait. J’ai visité une association pour les IMC, la plus importante de la place qui éventuellement pourrait prendre en charge le type d’handicap de mon fils.
C’est alors que je pris contact avec son directeur: il m’informa du programme de cette dernière. Et il me demanda si nous bénéficions d’une quelconque prise en charge. Je répondis par la négative.
Il m’avait dit que les frais seraient aux alentours de 1000dt, payables en espèce non par cheque
J’ai accepté. Mon mari trouvait l’attitude du directeur suspecte. Moi aussi, mais avais-je le choix?
Au moment où je m’apprêtais à inscrire mon fils, ma mère qui était en visite chez moi à Tunis depuis quelques mois a fait un infarctus. Elle a été hospitalisée. Le directeur de cette association, ne cessa pas de me téléphoner d’une façon régulière afin que je vienne payer. Bref, une fois ma mère rétablie, je suis allée à cette institution avec l’argent à l’improviste. J’y suis entrée avant de faire prévenir le directeur. J’ai commencé à visiter les salles, quel ne fut mon désarroi en voyant un agent des ménages lavant un enfant qui avait fais ses selles avec une serpillière. Je fut vraiment horrifiée. Je rentrais dans les salles lugubres, un tas d’enfants probablement une trentaine, assis tout autour d’une table à ne rien faire. Je commençais déjà à larmoyer. Quand arriva le directeur, il me reprocha mon attitude: «vous auriez dû me prévenir, veuillez passer à mon bureau». Je me suis esquivée d’une façon polie. Il me parlait. C’est à peine si je l’écoutais. J’ai cru entendre: «mais madame vous pleurez». A partir de ce jour-là, l’idée de créer une institution spécialisée a commencé à germer dans mon esprit.
J’ai contacté mon père et mon frère, médecins en Algérie, qui m’ont envoyé toutes leurs économies à peu-prés 10 milles euros. J’ai fait une demande de crédit à la Banque de Solidarité Tunisienne pour l’achat du matériel, à peu près 20 milles euros, que je suis entrain de rembourser.
C’est ainsi que «Le pari de l’enfance» a démarré.
Après quelques années au pari de l’enfance, le but pour l’enfant handicapé est l’acquisition de certaines bases de scolarité.
Pour Leith, lorsqu’il a acquis ces bases, le STAF en réunion a proposé son intégration dans une école ordinaire avec une auxiliaire comme aide.
J’ai trouvé une école qui a bien voulu l’accueillir. On m’a proposé une période d’essai d’une semaine.
Après avoir passé une semaine, on m’informa que l’institutrice ne souhaitait pas avoir mon fils dans la classe. Selon l’avis de cette dernière, cela demande du temps, du travail, un suivi...
J’ai proposé d’engager une auxiliaire à mes frais: refusé.
Re-belote: cela fait 02 ans en fonction de l’évolution de mon fils.
J’ai crée deux classes spécialisées. Avec un programme établi par mes soins, minuté à la minute prés.
Ce n’est pas gagné. Le personnel et les moyens financiers font largement défaut.
Nous ne sommes en effet pas dans le domaine de droit mais dans celui de la bonne volonté, quand ce n’est pas de la charité.
Je comprends parfaitement l’attitude du corps enseignant et je leur accorde des circonstances atténuantes et non des moindres pour réagir de cette manière.
Ils rencontrent des parents meurtris par des humiliations et les refus déjà subis, et qui n’ont plus envies d’arrondir les ongles. Et certainement, j’en fais partie.
Je me rends compte par ailleurs que le combat vient de commencer en ce qui concerne l’intégration de l’handicapé dans la vie sociale. Et ce n’est pas aisé: en 2006 nous avons fait une demande d’adhésion de nos enfants dans une piscine, ce qui a été refusé sans aucun éclaircissement. Nous nous sommes battues pour avoir droit à l’accès de cette piscine en passant un communiqué de presse de protestation, pour obtenir enfin gain de cause avec les excuses du ministère.
Dernièrement c’est l’accès à un restaurant. Même scénario.
Depuis 2003, date de fonctionnalité du «Pari de l’enfance», un chemin important à été parcouru. Nous pouvons aller plus loin. Nous pouvons faire encore mieux. Et je compte bien continuer à agir.
MADAME AMAN MERABET EPOUSE CHEBBI
NOTE : là j’écris un livre sur l’handicap en Tunisie.
Cette jeune femme a crée un groupe sur face book: Le Pari de l’enfance. En le consultant, vous pourrez avoir une idée de l’activité de cette institution, comment elle fonctionne, qui sont les enfants concernés….
Par ailleurs, un appel aux dons vient d’être lancé. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé l’autorisation de publier ce message, qui est un témoignage poignant de ce que peut ressentir le parent d‘un enfant handicapé.
Voici les coordonnées et référence bancaires du Pari de l’Enfance:
LE PARI DE L’ENFANCE
13, RUE SAFIA BENT ABD EL MOTALEB
2091 EL MENZEH 6 - TUNIS
TELEPHONE : 71230250
EMAIL : [email protected]
Numéro de compte bancaire : BANQUE UIB
NUMERO DU RIB : 12206000540000268316
SWIFT UIB
UIB K TN TT XXX
CODE IBAN
TN 5912
Matricule fiscal : 880222j
J’ai demandé à Aman si les personnes physiques ou morales pouvaient bénéficier d’un avantage fiscal quelconque si elles les aidaient. Elle pense que oui.
Je publie cette note aujourd’hui pour vous demander votre aide. Toute l’aide que vous pourrez lui donner. Vous pourriez le faire soit sur place, soit même par virement, aussi petit qu’il soit. L’avantage des virements est que même les personnes habitant à l’étranger peuvent aider.
N’oublions pas, avec des gouttes d’eau, on peut faire des océans. Ou comme on dit chez nous, flaïss ma3a flaiss, iwalliow gdaïss.
«Évalue ta richesse à l'importance de ce que tu donnes» - Georges Duhamel
bravo massir pour cet unique post excellent sur ton blog.
ayant quelqu'un de trop proche lourdement handicapé,je sais qu'il faut cracher sur la tunisie si on veut aider son proche.
à l'époque(durant les années 90), le gouvernement refusait à des tunisiens associés la création d'une association pour l'aide d'handicapés lourds,comme quoi ce n'est pas au nom de l'état
mon proche sa vie a été détruite,faute de possibilité de le sortir hors de la tunisie pour le soigner,une vie détruite pour la vie: sans éducation,sans rien de rien...
je pourrais écrire un journal avec les refus,les refus,l'arrogance,surtout des médecins tunisiens qui refusent de soigner d'aider...
allah latbarek fi trabek ya touness !!
j'espére ne jamais retourner dans ce pays de merde !!!!!!!!!! heureusement que je suis sorti !
merci pour ce poste,une piqure de rappel pour ma haine envers ce pays de merde de j3ebb et superficiels
Rédigé par : esperons | 30/10/2008 à 12:02
C'est dur de lire ça !! Mais dieu merci ça a bcp changé depuis... Je suis moi même IMC et ça fait 36 ans que cela dure; J'ai eu plein de mauvais diagnostics :(( Certains toubibs ne proposaient pas les bonnes solutions juste pour gagner de l'argent en rééducatio, balnéo, botox...
Maintenant, notre statut a changé et possédons bcp de "privilèges" mais c'était surtout pour suivre les autres...
Rédigé par : Hager | 30/10/2008 à 13:15
Ce temoignage est poignant Massir et ayant fait partie du Lion's Club, je me suis rendue compte à quel point il est difficile de trouver les moyens necessaires pour mettre en place un projet...En Tunisie, on n'a pas la culture des associations!
je pense que pour recolter de l'argent, il ne faut pas compter sur la generosité spontanée des tunisiens...il faut la provoquer et c'est là qu'on obtient de tres bons resultats!
c'est malheureux, mais c'est comme ça!
Rédigé par : Selima | 30/10/2008 à 14:05