Hier soir, mon mari et moi étions au bar du Boeuf sur le Toit. Je me suis surprise à observer les gens et à me demander si l'un d'entre vous était là.
C'est vrai, il est possible que l'un d'entre vous soit assis juste à mes côtés, ou même que l'un d'entre vous m'ait parlé... alors que nous ne nous connaissons pas, et que nous ne pourrions pas nous reconnaître.
Grâce à Héliodore qui a eu la gentille de penser à nous, mon mari, un ami et moi sommes allés hier soir au Théâtre Municipal pour le one-man-show de Kamel Touati.
Le Rotary Club Tunis El Menzah organise, au Théâtre municipal de Tunis, le mardi 13 mars 2007 à partir de 19h30, une représentation de la pièce “Ahna Haka” avec Kamel Touati et ce au profit de l’action “Aidez un enfant à trouver le sourire”. Kamel Touati jouera donc le rôle d’un homme de 40 ans. Invité à une fête, il s’aperçoit, dès son arrivée, qu’il y avait dans ce festin beaucoup de gens avec qui il ne s’entend pas. Il refuse donc de se joindre à eux et se met à l’écart pour imaginer et pour interpréter à sa guise tout ce qui se passe dans la fête et entre ces gens «antipathiques».
Pendant une heure et demi, nous avons ris. Bien ris. Mais moi, j'ai ris un peu jaune. Non pas que je n'ai aucun sens de l'humour, ou que je sois coincée, mais c'est parce que j'ai eu un peu honte.
C'est vrai, c'est une caricature de notre société tunisienne, et certains de nos travers sont un peu innocents, mais certains autres de nos défauts sont ridicules. Nous le savons. Nous essayons d'en rire, mais que faisons-nous pour y pallier???
Kamel Touati a abordé plusieurs sujets, je ne pourrais les énumérer tous. Certains sont "universels", comme le voyeurisme dont nous faisons preuve face aux "catastrophes" montrées à la TV (morts, guerres, massacres, catastrophes naturelles...).
D'autres sont un peu plus particuliers à la Tunisie (comme d'autres pays en voie de développement ou sous-developpés), tels le favoristisme, les pistons, la dégradation des moeurs...
Kamel Touati a été extra-ordinaire. Beaucoup de talent. Si vous en avez l'occasion, je vous conseille vraiment d'aller le voir.
Il y a trois semaines, je suis allée voir le film «Making of» de Nouri Bouzid. Je l’ai trouvé excellent. A tous les points de vues. Aussi bien par le sujet abordé, que par la manière d’aborder ce sujet.
Avant de parler du film, je voudrais juste dire un petit mot concernant l’acteur principal Lotfi Abdelli: je l’ai trouvé lui aussi excellent. C’est la première fois que je le vois, mais je trouve qu’il a été parfait. Il joue aussi bien le rôle de Bahta, que celui de Lotfi, l’acteur qui se pose des questions sur le rôle qu’on lui fait jouer. Le prix d’interprétation qu’il a eu pour ce rôle est tout à fait mérité.
Ce film «Making of» aborde le sujet de l’islamisme. Plus précisément, il met en évidence l’intolérance des intégristes.
Il montre le malaise des jeunes tunisiens, complètement paumés, sans espoir et sans avenir, incompris par leur entourage, sans travail, ni encadrement.
Ces jeunes se retrouvent facilement embobinés.
Au début du film, on voit ces jeunes s’adonner à leur passion: la danse. En occident, ils auraient pu avoir de l’aide pour canaliser leur énergie dans une telle passion pacifique plutôt que d’avoir à faire les durs dans la rue. Chez nous, ils sont pourchassés par la police.
En fait, ce film montre que dans une société intolérante, il n’y a pas un grand choix d’avenir: on est soit bandit, soit intégriste.
Or les intégristes ne sont pas progressistes, ils sont au contraire conservateurs ou même rétrogrades. Ils veulent une société sans changements, une société statique, sur laquelle le temps n’a pas d’effets. Les privilèges restent les mêmes. Pas de débats, pas d’échange d’idées, pas de remises en causes….
Tout est tabou: on n’en parle pas, on refuse d’en parler. Donc, rien ne changera.
Selon l’intégriste: la femme est l’origine du mal.
Pourtant lui-même est hypocrite. Je trouve que la différence d’âge entre l’époux intégriste et sa jeune femme est en elle-même un signe d’hypocrisie.
La femme est voilée, et elle a envers Bahta des sourires et des regards équivoques, qui pourraient laisser penser qu’elle a envie de le draguer.
Un reproche a été fait à Nouri Bouzid: la majorité des spectateurs n’a pas aimé la fin du film.
J’ai moi-même cette impression de film inachevé. Une impression de fin en queue de poisson.
Mais par ailleurs, quelle autre alternative?
Qu’aurait pu être une fin différente?
Bahta pouvait-il échapper au suicide? Qu’aurait-il pu être? Quel avenir lui restait-il? Quelles perspectives s’offraient à lui?
Bahta était tiraillé entre l’endoctrinement dont il a été victime et ses propres valeurs. Il s’est tué, mais sans porter préjudice à autrui. Il a été programmé pour s’exploser en faisant des victimes. Ses propres valeurs lui interdisaient de faire du mal à autrui. Le compromis a été de se tuer, seul.
Il paraît que le choix de l’endroit du suicide, en l’occurrence, le port et les containeurs, est un clin d’œil au fait qu’il aspirait à partir, à émigrer en Europe.
Je trouve qu’avec ce film Nouri Bouzid a su tirer son épingle du jeu: il a bien transmis son message, sans tomber dans le stéréotype. Même son acteur ne voulait pas jouer certaines scènes. Il lui a expliqué qu’il n’est pas contre l’islam, mais contre le fait d’instrumentaliser l’islam.
Bravo Nouri Bouzid. Je le trouve courageux d’aborder le sujet. De toute façon, ce n’est pas la première fois qu’il est courageux. Je rappelle qu’il y a de très longues années, dans son film «l’homme de cendres», il avait parlé de deux autres tabous de notre société: la pédophilie et l’homosexualité.
L’autre soir, j’ai rencontré un ami cinéaste. Il reproche au film l’absence de contre discours. Il trouve qu’il n’y a pas un autre son de cloche à l’intégriste. D’après lui, en première lecture, on pourrait comprendre le film comme pro-islamiste. Il pense que les gens «moyens», pourraient faire abstraction des interventions de Nouri Bouzid et comprendre le film comme pro-islamiste. L’islam serait l’unique moyen de sauver Bahta de sa vie de dépravé. Il paraît que c’est cette absence d’un autre son de cloche qui a fait que ce film n’a pas été retenu pour être présenté à Cannes.
Je ne suis pas très convaincue par ce raisonnement.
Cet ami cinéaste reproche aussi au film son dénouement. Pourquoi le suicide?
J’ai rencontré à une soirée privée, Lotfi Dziri, l’acteur qui joue l’intégriste dans le film, pour lequel, sans l’intervention de Nouri Bouzid, la lecture du film aurait été complètement différente.
En fait, bien qu’il semble dire la même chose que mon ami cinéaste, je pense qu’il y a une différence.
Mon ami, parle du film tel quel, et pense que ce film risque d’être mal compris, et que les spectateurs non «avisés» pourraient ne pas le comprendre. Par contre Lotfi Dziri dit que les interventions de Nouri Bouzid sont l’essence même du film, et je suis tout à fait d’accord avec lui.
Vendredi à Sousse, lors du débat qui a suivi le film, un homme accompagné de sa femme voilée est intervenu pour critiquer le film et son message. Il disait être là pour défendre l’islam contre les attaques du film. Et a voulu agresser verbalement Nouri Bouzid.
On dit que l’occident a rejeté ce film. D’après Lotfi Dziri ce film ne plait pas aux occidentaux parce qu’il fait une distinction entre islam et islamisme, alors que l’occident voudrait faire l’amalgame entre les deux. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je ne pense pas que l’occident veuille faire cet amalgame, et même si c’était le cas, je pense que nous musulmans sommes responsables de cela.
C’est mon avis (ou mon impression personnelle), ce n’est bien-sûr basé sur aucune étude. Mais j’essaie de me placer du coté occidental. Quelle image l’islam ou les musulmans offrent-ils?
Je prends un exemple tout simple. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu des caricatures de Jésus ou de Moïse. Il y a eu parfois certaines polémiques à ce sujet, mais je ne me rappelle pas que le monde ait jamais été embrasé pour cette raison. Lors de la parution des caricatures danoises, le monde a brûlé. Je trouve cela disproportionné et cela donne à l’occident une image d’intolérance des musulmans.
Samedi soir, mes deux hommes et moi sommes allés voir Michel Boujenah
au Théâtre Municipal.
Ne me demandez pas si c’était bien, je ne peux être objective lorsqu’il s’agit de Michel Boujenah. J’aiiiiiime.
C’est la troisième fois que je le vois.
La première fois, c’était lorsque j’étais étudiante à Paris (je sais, c’était le siècle dernier).
La deuxième fois, c’était à Tunis. Michel était venu pour le tournage du film "Le nombril du monde"
d’Ariel Zeitoun.
Une amie, technicienne du cinéma, qui travaillait sur ce film, m’avait emmenée avec elle sur le plateau de tournage. Michel y était magnifique, un grand professionnel.
Lors de sa présence à Tunis, Michel avait joué son spectacle « Les Magnifiques ». C’était admirable. Bien que je voyais ce même spectacle pour la deuxième fois, j’avais adoré.
Surtout que Michel me replonge dans l’ambiance juive tunisienne que j’avais beaucoup fréquenté à Paris. J’ai connu les Simone Boutboul, les Guigui, les Mimouni…
Samedi, j’ai revu son spectacle « Les Magnifiques-20 ans après ». J’avais déjà vu ce spectacle en DVD. Mais j’ai adoré la présence de Michel, son sens de l’humour, ses réparties, ses improvisations….
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