Je connais le Maroc depuis 1989. Depuis, j’y suis retournée régulièrement, mais aujourd’hui, c’est la première fois que je m’y rends depuis la révolution.
Depuis mon premier voyage, j’ai toujours eu une certaine fierté par rapport aux marocaines (et d'ailleurs toutes les autres femmes arabes) qui étaient loin derrière les femmes tunisiennes au niveau des droits.
Déjà, lors de mon premier séjour, j’avais été étonnée d’apprendre que les marocaines avaient besoin de l’autorisation du père ou du mari pour demander l’octroi d’un passeport et pour voyager. Plus tard, j’avais aussi appris qu’elles avaient besoin de l’autorisation du mari pour travailler. Je trouvais cela inadmissible.
Il y a environ 5 ans, j’avais aussi été étonnée lorsqu’un marocain m’avait apprit qu’il avait acheté son appartement au nom de sa femme et de sa fille pour les protéger. En effet, en cas de décès et sans descendance masculine, les épouses et les filles pouvaient se retrouver dans la rue, l’oncle paternel étant l’héritier légal. Ce marocain m’avait expliqué que s’il décédait, son frère héritait de l’appartement et pouvait mettre sa femme et sa petite fille dehors. Pour moi, cela était inconcevable et totalement injuste.
Et toutes ces années, je répétais fièrement, là où j’allais, que nous tunisiennes pouvions travailler, voyager, étudier, nous marier… sans autorisations. Que nous étions majeures. Nous femmes tunisiennes étions des citoyennes capables pouvant exercer leurs droits.
Sans parler bien-sûr de la polygamie et de la répudiation dont nous nous étions débarrassées depuis 1956. Oui, quelle fierté. Nous étions bien en avance par rapport aux autres pays arabo-musulmans !
En 2004, le Maroc avec la promulgation de la moudawana avait fait une belle avancée en ce qui concerne les droits des femmes, mais il restait quand même à des années lumières de notre CSP.
Les années ont passées, et une révolution plus tard, voilà qu’aujourd’hui, les choses ont changé. Aujourd’hui la marocaine a l’espoir d’avancer vers l’égalité des sexes, alors que la Tunisienne non seulement risque de perdre tous les acquis des 50 dernières années, mais risque même de faire un bond dans le passé de 14 siècles.
Nous avons eu notre révolution en Janvier 2011. Le Maroc a aussi connu un mouvement populaire en Février 2011. Sauf que la Tunisie et le Maroc ont fait des choix diamétralement opposés pour l’avenir de leurs pays.
La Tunisie, sous la pression d’une minorité agissante a choisi la voie de la constituante. La Tunisie a choisi de faire table rase et de construire à nouveau. Mais sans n’avoir pris aucune précaution pour préserver les acquis. La nouvelle constitution sera donc écrite par une «majorité», qui n’est pas vraiment représentative de tout le peuple tunisien. Pire encore, cette constitution va être écrite par des gens qui ont passé des années et des années loin de la réalité tunisienne.
Le Maroc a choisi une voie contraire. Une commission d’experts, complètement indépendante, avait été chargée d’écrire cette nouvelle constitution. Les élections pour un parlement n’ont eu lieu que par la suite. Et de toute façon, un parlement et un gouvernement ne peuvent que se plier aux règles constitutionnelles.
Cette nouvelle constitution marocaine consacre l’égalité des droits entre hommes et femmes et la non-discrimination sur la base du sexe. C’est extraordinaire. Il est vrai qu’il n’y a pas eu un grand miracle et le quotidien des femmes n’a pas changé du jour au lendemain. La constitution a changé, mais pas la société. Les discriminations existent encore, mais les marocains sont sur la voie de l’égalité des sexes.
J’ai eu cette impression déjà dans l’avion après avoir lu dans un quotidien marocain, plusieurs articles consacrés à la femme et à ses droits à l’occasion de la Journée Internationale de la femme.
Mais en plus, en arrivant, j’ai posé plein de questions à des marocains qui m’ont en effet confirmé que le Maroc s’est engagé depuis quelques temps sur cette voie de l’égalité, et que cela est aujourd’hui bien renforcé par cette nouvelle constitution. En plus toujours d'après ces marocains, les islamistes qui sont actuellement au pouvoir n’ont pas l’intention de prendre une autre voie ni de remettre en cause ces droits, du moins pas à court et moyen terme.
En fin de compte, il ressort aujourd’hui que les marocaines sont pleines d’espoir et voient l’avenir d’une œil optimiste, contrairement à nous, femmes tunisiennes, qui craignons aujourd’hui pour nos acquis.
La vie est pleine de surprises, n’est-ce pas ?
Quand vous parlez d'héritier légal et que vous faites la comparaison avec le Maroc, vous vous trompez en Tunisie aussi la loi ne protège pas totalement la femme et sa belle famille hérite avec la femme qui n'hérite que d'1/8ème:
http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/csp/Csp1085.html
Beaucoup de cas existent en Tunisie. C'est comme vous dites "totalement injuste" mais c'est véridique.
Rédigé par : Raouf | 12/03/2012 à 17:40
Bonjour,
A l'occasion de la journée internationale des femmes, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme) lance une publication sur le rôle des femmes dans les mouvements de contestations, les révolutions et les transitions dans le monde arabe [lien vers le rapport] et propose 20 mesures pour consacrer l'égalité [lien vers les 20 mesures].
Si la situation des femmes varie selon les pays concernés, les menaces convergent. Les femmes sont aujourd'hui confrontées à des tentatives d'exclusion de la vie publique.
A travers ce rapport, la FIDH entend adresser un message aux gouvernements, aux opinions publiques et à la communauté internationale : les droits des femmes sont une priorité qui doit être au cœur des réformes politiques.
Nous espérons que vous aurez à cœur de relayer ce message, en présentant notre rapport, ou en réalisant une interview de représentant de la FIDH ou de militantes arabes qui œuvrent au quotidien pour le respect de leurs droits.
Nous sommes à votre disposition pour faciliter ces interviews et vous donner toute autre information dont vous pourriez avoir besoin.
D'avance, merci de votre intérêt pour ce travail.
Cordialement
Lien vers le rapport : http://arabwomenspring.fidh.net/index.php?title=Accueil
Rédigé par : FIDH | 12/03/2012 à 18:24
J'ai travaille pendant des annees au Maroc entre autres a soutenir les droits des femmes. Je pense que les mouvements des femmes arabes pourraient beaucoup apprendre de leur mutuels experiences. L'experience des associations marocianes durant la reforme de la Moudawana est tres interessantes pour voir quelles lecons peuvent etre retenues. De l'autre cote je crois que tous les mouvement de femmes doivent aussi se remettre en cause pour pouvoir établir des meilleures strategies pour ameliorer leur outreach. Ce qui se passe en Tunisie continue d'etre interessant meme si je reconnais le danger que represente les salafistes et leurs violences, face a un gouvernement incompetent et une opposition qui a du mal a se renouveler. N'empeche que je continue a croire fortement que cela peut aider a l'emergence de vraies alternatives.
Rédigé par : Sana Jelassi | 13/03/2012 à 18:33