Quand nos œuvres d’art tombent dans les oubliettes
Dans quelles conditions et ou sont stockées des milliers et des milliers d'œuvres acquises par l'administration de la culture?
Un ami cadre d'une entreprise financière me dit être tombé - au
hasard de ses recherches - sur un lot de quelques centaines d'œuvres
d'art (peinture) que la-dite entreprise aurait acquis, il y a de cela
trente à quarante ans.
Des œuvres qu'il imagine dignes d'un grand intérêt parce que
signées par les peintres de l'époque. Ces trésors sont jetés aux
oubliettes dans un "Makhzen" que l'entreprise utilisait, il y a de cela
des années, à "stoquer" les centaines de moutons de l'Aïd qui seront
offerts à ses fonctionnaires.
Car,
en ces temps-là les entreprises ne donnaient pas de l'argent pour que
ses membres achètent ou n'achètent pas le mouton de l'Aïd mais elles en
offraient un... vivant, en chair et en os.
On vous laisse donc la liberté d'imaginer dans quel état notre ami
a trouvé ces œuvres d'art. Ajoutons aux dégâts causés par les ovins,
une inondation qui rendit au néant une bonne centaine de ces pièces.
Ces "marchandises" (sûrement de valeur) ont été pourtant acquises par les responsables de l'époque au nom de l'entreprise.
Quelle est la cause d'un tel désastre ?
Une seule réponse : l'ignorance ! Car on ne peut parler d'analphabétisme, aujourd'hui.
De tels exemples ne sont pas légion, fort heureusement, mais ils sont de poids.
Et nous savons qu'à part le patrimoine artistique acquis par le
Ministère de la Culture (donc par l'État et qui demeure - on l'imagine
- le plus grand collectionneur du pays, deux ou trois autres
entreprises - généralement - banquières détiennent une bonne part de la
production plastique des premières décennies de l'Indépendance.
Où sont
ces œuvres, aujourd'hui ?
Sont-elles conservées dans des conditions adéquates ?
On aimerait ne pas en douter mais - malheureusement - vu notre
score lamentable en matière de conservation et de documentation, ne
soyons pas déçus ni demain on apprenait qu'une partie de ces œuvres
n'existe plus pour des raisons d'érosion ou pour une autre.
Et puis ces œuvres existent-elles vraiment ?
Et si elles
l'étaient, pourquoi ces entreprises n'organisent-elles pas des
expositions pour redorer le blason de ces prisonnières du peu d'intérêt
qu'on leur porte.
Le public et les jeunes artistes d'aujourd'hui n'ont presque jamais vu une exposition consacrée à leurs aînés.
Comment veut-on renforcer la valorisation de notre patrimoine
pictural s'il y a un fossé noir de quelques décennies entre ceux qui
ont commencé au début du siècle passé et ceux qui débutent aujourd'hui ?
C'est encore, là, une façon de châtrer notre histoire, et dans ce
domaine-là, la terre toute entière doit nous reconnaître comme étant
les plus grands maîtres.
On peut bien nous rétorquer que ces entreprises étant privées,
elles sont libres de disposer de leurs biens à leur guise. Nous
répondrons que ce qu'ils détiennent est - qu'on le veuille ou pas - une
part de notre patrimoine national et si nous n'avons aucun droit
"matériel" à leur réclamer, nous avons en tant que nation le droit et
le devoir de veiller à la bonne santé de ce qui "nous appartient".
Le fait d'exposer ces œuvres, serait le moindre des actes de
reconnaissance pour ceux qui les ont réalisées et qui sont, en grande
partie, partis vers l'autre monde, car les créateurs en matière d'art
ont besoin de l'Autre, du public, pour continuer à vivre.
Les priver de cela, est, à coup sûr, le meilleur moyen de les
faire mourir une seconde fois. Car par delà la mort des corps, on
commence à réellement mourir quand les autres commencent à nous oublier.
Point d'interrogation
Pour en venir - enfin - aux acquisitions de l'État, nous sommes
dans l'obligation de constater que l'administration de tutelle n'a pas
mieux fait que ses consœurs du privé.
Et qu'on ne nous parle pas de ce qui a été réalisé et de ce qui le
sera dans les temps à venir, nous savons qu'en lisant les principaux
rapports concernant l'activité culturelle et artistique dans le pays,
nous serons surpris de découvrir que tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes et que la Tunisie est, à coup sûr, une patrie dotée
d'une fulgurance inouïe en la matière.
Malheureusement, à force d'usure, nous avons fini par prendre la
mauvaise habitude de discerner ce que disent les rapports
administratifs de ce qui est la réalité des choses.
"Brefle" ! comme dirait Béru, arrêtons de "biler" et voyons voir ce qu'est justement la réalité des choses.
Dans quelles conditions et où sont stockées les milliers et les milliers d'œuvres acquises par l'Etat ?
Sont-elles triées par époque, par genre, par mouvement etc... ?
Un chercheur peut-il y avoir accès dans des conditions dignes de
ce genre d'investigations ? Pourquoi le ministère de tutelle
n'organise-t-il pas de rétrospectives, d'expositions personnelles ou de
groupes qui ponctueront les principales étapes de l'histoire des arts
plastiques tunisiens...
Pourquoi n'enseignons-nous pas nos Maîtres (et décimètres) aux
étudiants des Beaux-Arts à l'instar des grands Maîtres internationaux,
nos arts plastiques comme notre musique ou notre poésie ayant leur
propre saveur malgré les multiples ouvertures, flirts invasions et
soubresauts ?
Beaucoup de questions, n'est-ce pas ? En avons-nous les réponses ?
C'est tout d'abord à l'administration de nous éclairer sur l'état des
lieux et de ce qu'elle compte faire en la matière (à moins qu'elle ne
l'est déjà fait sans prendre la peine de nous en informer).
Ce que nous croyons savoir par contre c'est que la réalité des
choses n'est pas aussi rose que le silence ou l'indifférence ne nous
les font supposer.
Évitons d'entrer dans les détails pour le moment mais à part le
train-train ankylosé et ankylosant de la gestion du domaine depuis des
lustres, il n'y a rien de nouveau sous les cieux de notre imaginaire.
Qu'en est-il de la création du Musée d'Art Moderne qui n'est pas
seulement un espace d'exposition comme certains s'entêtent à le
définir, mais un comité de conseillers auprès de l'État pour mieux
préserver, promouvoir et valoriser ses acquisitions passées et à venir.
Car c'est avec des deniers publics que ces œuvres sont achetées et
-cela fait quelques siècles qu'on le répète - il ne faut plus que de
tels biens soient investis à perte.
Il faut - urgence - trancher entre le dicktat imposé par la
mentalité de handicapés qui a gangrené la scène artistique et la
création de la vraie valeur des choses. En l'occurrence les œuvres
d'art ? Que faut-il faire pour cela ?
Faut-il prendre exemple sur les pays phares en la matière ?
Les solutions existent mais - c'est très dur à dire - existe-t-il
une réelle envie et une réelle force pour faire avancer "le
schmilblick" chez les administrateurs ou bien se contenteraient-ils de
gérer la vieille machine comme l'ont fait ceux qui les ont précédés et
comme le feront ceux qui suivront... en catimini avec une extrême
prudence... Sans faire de bulle et - surtout ... surtout - sans causer
d'agitation.
"Cachez-moi ces biens qu'on ne saurait voir ! ".
C'est peut-être là, la seule façon de dormir tranquille, après tout, pour ceux qui décident du sort de nos arts plastiques.
Moi j'ai entendu dire que l'etat Tunisien a double le budget du ministere de la culture.
Mais c'est pour faire quoi avec?
Tourner plus d'emissions et de series a la con dans les studios de Cactus-Prod.
PS. Je n'ai pas retrouve ton dernier poste qui parle de l'infidelite!!
Rédigé par : Soufiene | 19/01/2010 à 18:18
@ Sofiène:
La note est à sa place, c'est une ancienne note que j'ai re-publiée dernièrement sur facebook. La voilà:
http://massir.blogs.psychologies.com/mon_massir/2007/03/bonjour_je_suis.html
Rédigé par : Massir | 19/01/2010 à 18:22