J'étais en pleine réunion de Lam Echaml lorsque j'ai appris qu'un report des élections au 16 octobre allait être proposé.
Depuis quelques jours, il devenait de plus en plus évident que certains voulaient reporter les élections. Chacun pour ses raisons et ses petits calculs, mais cela devenait quand même de plus en plus probable.
Je pense d'ailleurs que plusieurs partis et le gouvernement voulaient ce report, mais aucun d'entre eux ne voulait prendre la responsabilté de le dire. Chacun, hypocritement attendait que l'"autre" parle en premier.
Bien-sûr, ce n'est qu'une impression, j'ai peut-être tort.
Personnellement, je craignais ce report. Les élections doivent avoir lieu le plus tôt possible, et cela pour plusieurs raisons. La première est qu'il faut que nous ayons enfin des institutions légitimes pour gouverner notre pays. Personne n'a aujourd'hui cette légitimité, même pas la Haute Instance.
Et puis, il faut que cette situation "provisoire" s'arrête. Il faut que nous puissions enfin avancer.
Mais par ailleurs, sommes-nous prêts pour des élections le 24 juillet?
Les divers partis sont-ils prêts?
La logistique peut-elle être mise en place en deux mois?
J'ai suivi la semaine dernière une formation pendant laquelle j'ai eu une journée consacrée aux élections, et j'ai pu remarquer que c'est un énorme travail d'organiser des élections. Un long travail. Cela peut sembler facile, mais ce n'est vraiment pas le cas. Il va falloir former des milliers de personnes rien que pour tenir un bureau de vote et pour observer des élections. Avons-nous ces personnes? Qui va les former? On nous a montré diverses manières de tricher lors des élections. Comment apprendre à y faire face?
En plus, il y a un grand problème concernant les cartes d'identité nationales. Ils sont des dizaines de milliers à ne pas en avoir, des dizaines de milliers à en avoir avec une adresse qui n'est plus valable... En plus, on dit que la base de données du Ministère de l'Intérieur est inexploitable...
Personnellement, il me semble impossible d'organiser actuellement des élections dans de bonnes conditions, à moins de vouloir des élections qui risqueraient d'être manipulées.
Lors de mon travail associatif, j'ai pu remarquer que très très nombreux sont ceux qui ne connaissent pas encore les divers partis tunisiens, très nombreux ausssi sont ceux qui n'ont pas l'intention d'aller voter. Ne vaudrait-il pas mieux avoir plus de temps pour permettre aux partis de se faire connaitre, aux gens de les choisir? Ne vaudrait-il pas mieux profiter de ce délai supplémentaire pour permettre aux associations de travailler sur l'éveil politique et expliquer aux gens l'importance du vote?
Et puis, que doivent faire les tunisiens résidents à l'étrangers? Rester chez eux le 24 juillet pour pouvoir voter dans leurs circonscriptions ou venir en Tunisie voir leurs familles et s'abstenir de voter? D'ailleurs, tous ces tunisiens émigrés ont-ils des cartes d'identités nationales?
Mercredi dernier, j'ai participé à une assemblée de quartier à la cité Ettadhamen. Il s'agissait d'un évènement organisé par quelques associations. Nous devions expliquer aux habitants de la cité Ettadhamen ce qu'est l'assemblée constitutive et son importance et leur donner un aperçu sur la loi électorale.
L'évènement avait été organisé dans la mo3tamdia. Quel ne fut notre étonnement à notre arrivée de constater que nous étions invités dans un bâtiment incendié! Il y avait une certaine symbolique à cela, mais c'était quand même "émouvant" de se trouver dans un tel endroit.
Que de dossiers brulés!!! D'un coté, c'est tant mieux, une partie sombre disparait, mais d'un autre coté, c'est dommage, il faut quand même garder des preuves de notre histoire et de tous les évènements passés.
Bayène 7 Novembre!!! L'incendie l'a épargné, mais deux jeunes femmes en ont décidé autrement et y ont mis le feu!! Beaucoup de hargne dans leur geste.
Je ne sais pas si vous pouvez lire ce qui est écrit. C'est effrayant. Il s'agit d'un rapport d'"espionnage". C'est incroyable. Les moindres faits et gestes surveillés et consignés. Même le nombre de cigarettes fumées par la personne surveillée est consigné!
La "conférence" a eu lieu au milieu des décombres.
Vendredi 06 mai 2011, a eu lieu à l’AfricArt, une conférence de presse pour la présentation de Lam Echaml.
Meriem Zeghidi, membre du secrétariat, a pris la parole et a présenté cette initiative. Elle a expliqué qu’à l’origine, des amis s’étaient groupés, ils avaient remarqué que plusieurs associations existent dans le pays, qu’elles travaillent et font de belles choses, qu’elles vont dans le même sens et ont les mêmes valeurs et principes.
Pourquoi alors ne pas grouper toutes ces initiatives et associations pour que leur travail soit plus efficace et leur voix porte plus loin?
En ce qui me concerne, voici comment j’ai rejoins Lam Echaml. En Mars, un ami m’avait appelée. Il m’avait fait part d’une idée. Il pensait que cela serait bien de créer une sorte de front démocratique qui grouperait des associations et des indépendants pour travailler ensemble.
J’avais d’ailleurs organisé une réunion le 26 mars en appelant tous mes amis qui étaient impliqués dans la transition démocratique et dans le travail associatif. Nous avions discuté du projet et nous devions nous rencontrer la semaine d’après pour développer un peu plus le projet.
Entre temps, le 02 avril 2011, j’avais participé au forum des associations organisé par l’ATUGE à la Cité des sciences.
Et là, j’avais appris qu’un autre groupe de personnes travaillait sur le même projet. Pourquoi alors ne pas fusionner ?
Cela fut fait.
Après plusieurs réunions, des assises nationales avaient été organisées pendant une journée entière le 29/04/2011. 54 associations et environ une cinquantaine de personnes indépendantes y avaient participé.
Ce jour-là, une plate forme de travail et une feuille de route ont été établies.
Après cette présentation, la parole a été donnée à la salle.
Un journaliste d’Echourouk a salué cette initiative, mais a remarqué que plusieurs initiatives ont eu lieu à Tunis. Qu’en est-il des autres villes?
Réponse : Nous avons une commission qui s’occupera des régions. Par ailleurs, plusieurs des associations partenaires viennent d’autres villes. Et nous sommes en pourparlers avec des initiatives similaires dans d’autres villes pour nous grouper tous sous le nom de Lam Echamel. Par exemple, dans quelques jours, nous allons à Gafsa. Et Lam Echaml reste ouvert à toutes les associations de tout le pays.
Et puis, il va y avoir un calendrier qui regroupe toutes les activités de toutes les associations et Lam Echamel encouragera toutes ces activités de part la Tunisie. Lam Echalm est aussi un réseau. Et nous participerons à toutes ces activités.
Lam Echaml comprend des associations des villes suivantes:
- Nabeul
- Hammamet
- Djerba
- Sfax
- Siliana
Par ailleurs, 2 associations de Thala vont normalement se joindre à nous très prochainement.
Une journaliste de Akhbar Al joumhouria :
-Quelle est votre carte de route?
- Avez-vous des partis avec vous?
-Avec le mode de scrutin choisi, à la proportionnelle, ne vaut-il pas mieux plusieurs initiatives?
Réponse : Les tunisiens ont été privés de leurs citoyenneté pendant très longtemps. Aujourd’hui, nous sommes devenus des citoyens et nous voulons travailler pour promouvoir notre citoyenneté. Nous sentons que nos valeurs modernistes sont menacées et nous voulons travailler pour les préserver. Avant le 14 janvier 2011, nos libertés n'étaient pas respectées, ni les libertés individuelles, ni les libertés publiques. Aujourd'hui, nous devons nous battre pour toutes ces libertés.
Nous n’avons encore aucun parti politique avec nous. Lam Echaml s’est faite conjointement avec toutes ses associations membres. Et reste un appel à toutes les associations, initiatives et indépendants qui partagent nos valeurs à se joindre à nous.
Nous ne sommes pas une force électorale, dans le sens que nous n’avons pas pour but d’aller aux élections.
Notre but est que d’ici quelques jours, nous puissions devenir une force qui agit ensemble et avec la même voix. Dans l'espace publique et dans la vie politique il y aura une seule voix qui parlera de la Tunisie moderne, Tunisie la république démocratique, Tunisie qui avance. Les tunisiens doivent voir qu'il y a une force qui œuvre pour cette Tunisie démocratique.
Ensuite, nous allons fait appel aux partis qui partagent notre point de vue à nous rejoindre s’ils le veulent mais notre premier but est de montrer que nous sommes une force unie.
Nous sommes prêts à participer à toute initiative. Nous participons déjà et encourageons certaines initiatives, comme par exemple Assez de divisions ! Allons de l’avant. Nous sommes positifs. Nous voulons être positifs pour l’avenir de notre pays et pour la réalisation de notre rêve commun.
Aymen du Ettariq el jadid :
Est-ce qu’il y a une commission qui sera chargée du suivi avec les partis ?
Y a-t-il aussi coordination avec les syndicats ?
Réponse : Notre commission chargée des relations avec les partis politiques existe. Elle va commencer à travailler, mais en plus, elle veut aider. Par exemple pour Assez de divisions! Allons de l’avant, nous participons, nous aidons et nous assistons avec eux et les aiderons avec tous nos moyens. Certains partis ont accepté de participer à cette initiative, d'autres pas.
Nous n’avons pas de contact avec les syndicats, mais nous avons des indépendants, et parmi nous, il y a des indépendants qui sont syndicalistes par ailleurs.
El joumhouria : Qui vous finance?
Réponse: le jour des assises nous avons constitué, entre autres, une commission chargée du financement et de la logistique qui aura justement pour but de trouver des financements. Nous espérons aussi trouver des gens qui nous y aideront. Par ailleurs, beaucoup d’amis, qui croient en cette initiative, sont entrain d’aider en fournissant le local pour les réunions, l’impression de documents…
Ex : aujourd’hui la salle nous a été prêtée gratuitement et les dossiers de presse distribués sont aussi gratuits.
Dans l’avenir, nous essayons de trouver des bailleurs de fonds, aussi bien internationaux (tel l’Union Européenne) que tunisiens, comme le font toutes les associations.
El maw9ef : Allez-vous participer aux élections?
Réponse: Pour ce qui est des élections, nous espérons pouvoir examiner la question avec les partis. Il y a eu des discussions lors des assises pour savoir si nous choisirons de nous allier aux partis ou si nous constituerons des listes indépendantes, mais jusqu’à maintenant, nous insistons surtout sur l’appel à constituer un front démocratique.
Un représentant de l’Association des Cinéastes Tunisiens a pris la parole, il a dit que son association faisait partie de Lam Echamel depuis le début et qu’il espérait que plusieurs associations feront de même. Il a lancé un appel à toutes les autres associations culturelles, ou autres, pour qu’elles les rejoignent et pour qu'elles se prononcent sur ce qu'il se passe. Aujourd’hui, il y a un grand danger pour les artistes, un danger de mort même. Les artistes n’ont plus le droit de s’exprimer, même ce qu’ils ont dit par le passé peut ressortir. Ils n’ont aucune protection, ni officielle ni autre. Le Ministère de la Culture n'a pas pris position. Il a annoncé que son association a porté plainte contre Psycho M et ennahdha. Il a parlé de l'artiste Nadia El Fani qui subit actuellement une campagne de takfir. Il s'est posé la question de savoir pourquoi alors qu'avant les tunisiens vivaient tous ensemble, pourquoi aujourd’hui, y a-t-il des divisions et des agressions au sein de notre société, et même avec menaces ?
Mme Fethia Saidi a dit que pour elle il y a une différence entre Lam Echaml et les autres initiatives. Lam Echaml est un collectif d’associations. C’est un réseau qui va durer même après le 24 juillet, puisque sa raison d’être va durer dans le temps, et tant que les acquis de la modernité sont menacés, contrairement à d'autres initiatives qui s'arrêteront juste après les élections. Lam Echaml continuera autant qu'il le faudra pour défendre et préserver les valeurs de notre société moderne.
M. Larguèche Abdelhamid a pris la parole pour dire: «J’ai une petite remarque concernant le texte. Nous, Initiative Citoyenne, avons eu un problème avec Kamel Morjane. Il a volé notre texte qui avait recueilli plus de 120000 signatures, l’a mis sur le site de son parti qui s'appelle l'Initiative et a voulu faire croire que cette initiative émane de lui en profitant justement de cette ressemblance de nom. Comment allez-vous faire, à Lam Echaml, pour personnaliser votre action pour qu’elle ne soit pas volée par d’autres?». Il a continué en disant: «notre rôle est la défense de la société, par exemple, contre les excès des partis. Nous devons être des structures de veille, il faut que nous puissions dénoncer, surveiller, et même s'il le faut acheter des espaces dans les journaux pour dénoncer à chaque fois que nécessaire et en même temps aller vers la société profonde. La dictature nous a fait détester la politique et même les partis. Aujourd’hui, nous devons faire venir les citoyens vers la politique, nous devons faire sentir au citoyen qu’il est un vrai citoyen. Il faut offrir une alternative politique. Il faut faire participer les tunisiens, par exemple, leur expliquer comment essayer de gagner la bataille de la constitution avant même la constituante? Il faut faire signer un maximum de citoyens qui avant même la constituante sauront vers quelle société ils vont aller».
Mme Faouzia Charfi a aussi pris la parole. Elle a insisté sur l'importance du rôle de Lam Echaml. Elle a rappelé que du temps de ZABA, les associations ne pouvaient pas travailler normalement, qu'elles étaient en permanence sous surveillance. Même les associations scientifiques ou les colloques étaient contrôlés. Aujourd'hui, la société civile peut enfin s’exprimer, tisser des liens... Ces associations devraient enfin pouvoir travailler. La plateforme de valeurs est fondamentale et nous réuni. A travers ce socle de valeurs, il est important de donner un signal aux tunisiens pour leur faire prendre conscience du fait qu’ils ont un rôle dans l’exercice de la démocratie. Les partis doivent aussi apprendre à se rencontrer, à discuter, même si ce n’est pas pour s’associer, mais au moins pour un renforcement de la démocratie. Elle a ajouté qu'il y a un point sur lequel on doit être vigilants et qu'il faut défendre: la durée de vie de la constituante. Cette situation qui doit être provisoire doit avoir une durée de vie aussi limitée que possible. La constituante ne doit pas non plus se donner une légitimité qui la fera durer des années, et nous avons donc aussi un rôle à jouer après les élections. Notre but n’est pas seulement des élections, notre but c’est un projet de société et la société civile doit absolument jouer son rôle.
Une intervenante a remarqué que la plate forme fait référence aux Droits de l'Homme, et ces droits sont universels. Il est normal que tout être humain doit pouvoir jouir de ces droits, bien-sur en respectant l'identité et la culture de chaque pays.
M. Moncef Ben Slimane, un des fondateurs de Lam Achaml, a conclu:
Dans une quinzaine de jours, il y aura, j’en suis sur, un front démocratique avec les partis. Je suis optimiste, nous constituerons ce front.
Génération Tunisie Libre vous invite à assister à la projection du film PERSEPOLIS le vendredi 06 mai 2011 à 19h, à la salle de cinéma Alhambra, centre commercial El Zephyr à La Marsa (entrée gratuite).
Cette projection sera suivie d'un débat animé par le docteur Hechmi Dhaoui, médecin psychanalyste.
Samedi dernier, ce film avait été projeté à la maison de la culture Ibn Khaldoun, ce qui m'avait donné l'occasion de le revoir encore une fois.
Je l'avais déjà vu il y a environ 3 ans, mais aujourd'hui, revoir ce film dans nos circonstances d'après révolution, permet une lecture complètement différente du film. Aujourd'hui, pour moi, tunisienne, ce film n'est plus seulement un film, il est aussi espoir, craintes, émotions, détermination...
Ce film est un regard retrospectif de Marjane Satrapi, une jeune iranienne, sur sa vie. Au début du film, elle parle de la chute du shah, et ensuite de la révolution iranienne et de la montée de l'islamisme, et plus particulièrement comment les islamistes ont confisqué la révolution. L'erreur des mouvements de gauche à l'époque étant qu'ils n'avaient pas compris le danger islamiste. D'ailleurs l'oncle de Marjane incarne cette confiance des gauchistes qui n'avaient pas vu le danger et ont fini par etre broyés par la machine islamiste.
Sur le plan graphique, ce film est d'une très grande richesse. Il y a une parfaite adéquation entre la forme et le fond. Il y a aussi un équilibre et une grande sincérité à travers tout le film. Marjane aurait pu surfer sur la vague de l'anti-islamisme, mais elle ne l'a pas fait. Elle a inroduit dans ce film une dimension plus humaine et plus personnelle.
On y découvre une Marjane qui, à cause des évènements survenus dans son pays, devient étrangère dans son propre pays, étrangère à elle-même et étrangère à l'étranger.
Elle qui était habituée à un certain mode de vie, qui vient d'un milieu social cultivé et libre, n'arrive pas à s'intégrer dans cette nouvelle société. Cette nouvelle société répressive, sans intimité, où règnent l'hypocrisie, la délation et les gardiens de la morale publique. Bien-sûr, avec le temps, les gens ont adopté une certaine stratégie de contournement de ces contraintes, ils vivent une double vie: austérité dans la rue, alors que dans les maisons, ce sont les fêtes et la mixité.
La composante politique est intéressante, mais le film ne se limite pas à cela. Il a plusieurs autres aspects intéressants. Il y a par exemple l'aspect de la transmission d'une certaine culture politique, de la part de l'oncle, mais aussi et surtout de la part de la grand-mère qui inculque à Marjane les valeurs féministes d'une femme très émancipée par rapport à son époque.
Il y a aussi une touche d'humour dans tout le film, par exemple, lorsque Marjane se transforme et devient adulte ou lorsque son ami la quitte. Cet humour fait mieux passer la sensibilté et le désarroi de la jeune femme.
Pareil lorsque Marjane est à Vienne, chez les religieuses. Elle fait passer un message, sous couvert d'humour. On y voit une grosse croix et les visages austères des nonnes: à chaque fois qu'une autorité est basée sur la religion, elle devient oppression, alors que la religion devrait être amour, beauté, tolérance...
Lorsque j'avais vu le film la première fois, je n'aurais jamais cru qu'un jour, en Tunisie nous aurions peur de subir le même sort que les iraniens.
Et en revoyant le film aujourd'hui, cette crainte est encore plus présente. La première demi-heure, on a l'impression d'être en Tunisie. Les dialogues sont exactement les dialogues que nous entendons de nos jours en Tunisie: "à partir de maintenant tout ira pour le mieux", "plus rien ne pourra arrêter le peuple nous aurons une société faite de justice et de liberté", "nous aurons des élections pour bientôt", "Il faut faire confiance aux gens qui après toutes ces années de dictature feront tout pour conserver leur liberté", "De toute façon ça ne pourra jamais être pire que sous le Shah"...
Même le fhimtkom est là. Le Shah est passé à la TV, juste avant de partir, il a fait un discours, et il a dit "je vous ai compris".
L'horreur. L'Histoire pourrait se répéter...
Persepolis
Réalisé par Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud Avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux Durée : 01h35min - Année de production : 2007 Ce film a obtenu 11 prix et 23 nominations
Synopsis : Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l'avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l'instauration de la République islamique débute le temps des "commissaires de la révolution" qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l'Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l'envoyer en Autriche pour la protéger. A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l'adolescence, la liberté, les vertiges de l'amour mais aussi l'exil, la solitude et la différence.
Le Parisien Renaud Baronian (...) un film capable de nous faire rêver, voyager, pleurer et hurler de rire dans la même séquence. Exaltant.
Paris Match Alain Spira Persepolis mêle le rire aux larmes, sans faire l'impasse sur les ravages de la dictature islamiste avec son lot d'intolérances et d'arrestations. Drôle et poignante, éducative et captivante (...)
Le Nouvel Observateur Pascal Mérigeau On sourit et on rit, on s'émeut gentiment souvent, on a un peu peur parfois mais pas trop, juste ce qu'il faut, on bat des mains comme à Guignol, et c'est très bien.
Libération Eric Loret C'est l'autobiographie tragicomique de Marji, jeune Iranienne, sur l'enfance de laquelle tombe le régime des barbus avec ses brimades pour elle et ses horreurs pour les autres (tortures, exécution d'un oncle, mort d'un ami fuyant la police des moeurs, etc.)
Hechmi Dhaoui est médecin psychiatre-psychanalyste. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont:
L'amour en islam Sur la base de recherches menées sur les différentes formes de la mémoire, ce travail expose une psychanalyse de l'amoureux, en se posant les questions suivantes : est-ce que l'amoureux choisit de l'être ? Est-ce qu'il choisit l'objet de son amour ? En faisant une comparaison entre l'amour profane et sacré, l'auteur tente d'expliquer la psychologie individuelle et collective de l'intégrisme.
Pour une psychanalyse maghrebine la personnalité A partir de l'histoire pluri-culturelle du Maghreb, qui a été Africain d'abord, puis Méditerranéen et Européen, avant que l'on essaye de le présenter exclusivement comme Arabe ; l'auteur s'est donné comme objectif de relativiser plusieurs fausses affirmations concernant l'Afrique du Nord. Cet ouvrage essaie d'étudier le rôle social de l'individu particulièrement et de la communauté en général, à partir des rites et des émergences spécifiques et archétypiques de la mémoire épisodique et collective.
Musulmans contre Islam? Rouvrir les portes de l'Ijtihad(Je l'ai lu, et j'en parle dans mon blog) Par Hechmi Dhaoui - Gérard Haddad Deux psychanalystes, Gérard Haddad, juif tunisien vivant en France, et Hechmi Dhaoui, musulman vivant en Tunisie, s'interrogent sur la situation du monde arabo-musulman dans ses rapports avec l'Occident. C'est l'occasion pour eux de pourfendre quelques lieux communs et de mettre au jour certains paradoxes douloureux.
Le 15 Avril 2011, 4 associations, Touensa, Fhimt.com, ACT "Khammem ou karrer" et "Génération Tunisie Libre" avaient co-organisé une conférence sur le rôle de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.
M. Ghazi Ghrairi, porte parole de la haute commission, nous avait expliqué les tenants et aboutissants de cette haute commission.
J’ai essayé autant que possible de prendre des notes, que je vous retranscris ici, pour essayer de faire profiter un maximum de gens de ces explications.
Je vous prie d’être un peu indulgents quant au style. J’écrivais aussi rapidement que possible.
Conférence de M. Ghazi GHRAIRI
Le 14 Janvier, et plus particulièrement le 15 janvier, M. Mohamed Ghannouchi a annoncé la constitution de 3 commissions, dont la Commission de la Réforme Politique, avec l’idée de poursuivre avec l’ancienne constitution, préparer des élections présidentielles, et faire une réforme de la constitution et du code électoral.
Aujourd’hui, cela a changé. La direction prise est autre.
Avant, la direction était de faire un toilettage de l’ancienne constitution et la réforme des lois. Donc, on avait juste besoin d’un groupe d’experts.
En bref, c’était le même scénario qui est aujourd’hui adopté par l’Egypte.
Seul M. Ben Achour avait été nommé par le gouvernement. Les autres experts avaient été choisis par M. Ben Achour lui-même.
Il a été prévu d’écouter tous les partis, les citoyens et les régions pour tirer l’information de ce que veulent les citoyens pour préparer ces réformes.
Mais la résistance de certains, qui ont refusé cette commission et son gouvernement, a changé la donne.
M. Mohamed Ghannouchi a essayé de résister au maximum jusqu’au jour de sa démission. Par la suite, M.Béji Caïd Essebsi a annoncé la constitution de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique
L’instance d’aujourd’hui est donc une réponse à une pression de la rue et à la pression de certains juristes experts qui composaient cette commission.
Donc, puisque l’objectif a changé, il fallait tout changer car cette commission n’avait pas mandat pour représenter les tunisiens.
Ce nom de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique est le fruit d’un certain nombre de compromis. Le gouvernement était sous la pression du Conseil de Protection de la Révolution et était faible car il avait commis des erreurs.
Le gouvernement a essayé d’absorber ce Conseil de la Protection de la Révolution, il était impossible de lui conférer tous les pouvoirs qu’il réclamait, mais il a fallut trouver un compromis. En fait, c’était une opération politique et l’idée de départ a changé.
Aujourd’hui la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, de la Réforme Politique et de la Transition Démocratique est constituée de deux commissions :
- le comité d’experts
- l’assemblé de l’instance
Les premières réunions ont eu lieu à l’avenue Med V, aujourd’hui, elles ont lieu au Bardo.
Le problème est comment trouver une représentation du peuple.
Il a été convenu de former cette haute instance comme suit, pour se rapprocher au maximum d’une représentation.
1/ On ne connaît pas le poids des partis et il était impossible de nommer tous les partis parce que très nombreux, ce qui a obligé à ne nommer que certains d’entre eux (au début seulement 12)
2/ Des personnalités patriotiques (ce qui a donné lieu à beaucoup de critiques)
3/ Des représentants de la société civile: ceux qui ont milités pendant la période Ben Ali, l’UGTT, certains représentants de professionnels.
Nonobstant la forme, il y avait des problèmes. Même si la Haute Instance était composée de 71 personnes, il y avait pourtant beaucoup d’absences : pas de représentant des régions et pas de représentants du peuple…
Certains ont dit qu’il y avait aussi un déséquilibre dans l’idéologie.
Aujourd’hui, il y a 155 membres, les partis ayant 3 représentants chacun: un homme, une femme, un jeune (sauf le PDP).
La question s’est posée de savoir comment nommer un représentant d’une région alors que dans chaque région, il y a des dissensions.
En fin de compte, il a été décidé que l’UGTT, les avocats et la F.T.D.H nommeront ces personnes.
Grosso modo, sur la composition de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, il y a un assentiment: c’est un microcosme qui représenterait la société tunisienne.
Donc après une dizaine de jours d’incertitude, il y a eu un certain accord.
Un décret-loi a été publié le 01/03/2011, daté au 18/02/2011, donc antidaté, pour créer cette instance.
Quelles sont les prérogatives de cette Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ?
Elle n’a aucun pouvoir décisionnel elle a juste une autorité de proposition. Elle ne peut que proposer
L’article 2 du décret-loi dispose que la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique étudie les projets de loi qui concernent la révolution et la transition et les propose au gouvernement, donne son avis sur la politique du gouvernement en accord avec le Premier Ministre et étude les propositions des textes.
Le 24 juillet est une date fixée par le gouvernement et la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique doit mettre en place le minimum de règles pour la constitution.
Deux textes ont été proposés au gouvernement :
1/ Un texte concernant l’instance de surveillance des élections, ce qui constitue
une rupture avec le passé et l’éviction du Ministère de l’Intérieur des élections.
Cette commission est composée de 15 membres que la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique va coopter.
2/Le projet de la loi électorale : c’est juste un projet qui a été donné au gouvernement. Ce texte a été voté (les experts ne votent pas). Trois points ont particulièrement chauds :
- Scrutin de liste ou uninominal? Ce qui a été retenu : liste de 4 à 10 noms
- La parité. C’était la proposition des experts. Il y avait au début une certaine résistance, mais ensuite, elle a été acceptée. La presse internationale a d’ailleurs reporté cette nouvelle. En effet, si ce projet est adopté, nous serions le premier pays au monde à adopter la parité avec alternance des noms et annulation de la liste en cas de non respect de cette condition.
- L’exclusion des membres du RCD : les experts avaient proposé d’exclure les gens qui étaient soit jugées, soit en cours de poursuites judiciaires, soit dont les biens ont été gelés. Les membres ont refusé, parce que d’après eux, il y a eu révolution et donc qu’un renouvellement est nécessaire. La tendance était de limiter l’exclusion à 10 ans, pourtant ensuite, les membres ont voté pour l’exclusion pendant 23 ans. Le texte parle de responsables du RCD. Quels responsables ? Où s’arrêter ? Le texte a quitté la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique sans précisions. Qu’est-ce qui sera décidé ?
Aujourd’hui, quelle est donc la mission de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ?
- Quid du financement des partis ?
- Et les médias ?
Il faut donc mettre un minimum de règles pour tout cela.
Il faut par ailleurs penser à une ambiance générale à préparer pour la transition démocratique.
Aujourd’hui, il y a des discussions autour d’un pacte républicain. Il serait en effet important de signer un pacte qui regrouperait nos acquis, et c’est un plancher à partir duquel l’assemblée constituante devrait démarrer.
Il y a des discussions à ce sujet, certains n’ont pas envie de la faire, mais mercredi prochain le débat reprend.
Questions et commentaires de certains présents:
1) La constitution aura-t-elle une durée ?
L’assemblée constituante sera une autorité initiale, donc elle ne peut être limitée. Toute limite qu’on lui fixerait peut être supprimée puisqu’elle a tous les pouvoirs. L’assemblée va s’auto-régir.
Moralement, on pourrait essayer de la limiter dans le temps.
2) Les mosquées continueront-elles à être utilisées à des fins politiques ?
Le texte existant a prévu de pénaliser les gens qui utiliseraient les mosquées pour les élections. De même que les lieux de travail, les écoles et les lycées.
3) La parité est-elle une garantie de la présence des femmes dans l’assemblée constituante ?
La parité ne peut garantir la présence des femmes. C’est variable, on ne sait pas du tout ce que cela va donner. La parité est un saut dans le vide, mais nous souhaiterions que tous soient représentés puisqu’il s’agit d’une assemblée existentielle.
4) Si le pacte n’a pas force obligatoire, à quoi sert-il ? Donne-t-il des garanties ?
Ce pacte est purement politique, il aura une certaine force morale, mais juridiquement non. Sa force est morale parce qu’un parti qui aura signé, pourra t-il se désister?
5) Le caractère confidentiel de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique doit être levé pour permettre aux citoyens de tout savoir.
Le décret-loi dit que les travaux doivent être confidentiels, d’ailleurs Gilbert Naccache a démissionné à cause de cette confidentialité.
Aujourd’hui, contrairement au texte, les médias sont présents en permanence.
6) Y aura-t-il vote par procuration?
Non. Mais il y a certains cas d’assistance aux personnes handicapées.
7) Y a-t-il obligation de vote ?
C’est très rare en droit comparé.
C’est quelque chose qui n’a même pas été débattue au sein de l’instance.
D’après mon avis personnel, voter est un acte politique, ne pas voter aussi. Chacun est libre.
8) Pourquoi BCE n’a-t-il pas répondu à la question à propos de la nomination du Ministre de l’Intérieur ?
Cela concerne le rapport entre l’instance et le gouvernement. La question s’est posée lors de la nomination MI, d’où la séance du 05/04/2011.
BCE a dit que probablement les membres de la Haute Instance avaient raison, qu’il allait enquêter, et ensuite si la culpabilité du MI est prouvée, il sera changé.
9) Ne trouvez-vous pas qu’il est injuste de favoriser certaines régions en leur attribuant des sièges en plus ?
Cela est du à un déséquilibre démographique en Tunisie. Et puis, la révolution a quand même démarré des régions, donc c’est aussi une sorte d’hommage.
10) Qui êtes-vous pour préparer un pacte national ou tout autre texte ?
La Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique est un consensus, un compromis. Cette instance est celle qui représente le plus le peuple, ce n’est sûrement pas la meilleure, mais c’est la moins mauvaise.
11) Quid des tunisien à l’étranger ?
Ils vont voter, et auront même des représentants, donc 1 ou 2 circonscriptions à l’étranger.
Sur la Tunisie, il y aurait en principe 27 circonscriptions
12) Quelle est la coloration politique actuelle de l’instance?
Le POCT a refusé de participer.
Au départ, le centre gauche avait la meilleure présence (hommes de culture…..). Aujourd’hui, au delà des 3 membres du parti il y a plusieurs personnes qui représentent d’autres formations et sont aussi des nahdhaouis.
13) Etes-vous encore à l’écoute de la rue ?
Des télégrammes, des lettres, des pétitions, des familles arrivent tous les jours, il faut les voir, lire….
14) Quand donc le gouvernement va-t-il promulguer les lois ?
Aucune idée
Par contre en ce qui concerne l’instance des élections, le texte sera promulgué une dizaine de jours après le code électoral.
La campagne électorale commencera 3 semaines +1 jour avant la date des élections.
Il y aura un financement publique, cela est certain. Concernant le financement privé : il est prévu une interdiction mais le gouvernement changera peut-être cela. Par ailleurs, l’instance des élections va surveiller l’origine des financements et les dépenses des partis.
Dans les bureaux de vote, les partis peuvent avoir leurs propres observateurs. Le contrôleur et l’observateur ne peuvent voter que dans un autre bureau que là ou ils exercent leur contrôle ou observation.
Les observateurs seront tunisiens et étrangers, mais seulement des ONG sérieuses et connues.
15) Y aura-t-il vote par Internet ?
Non, pas de vote par Internet parce que cela pourrait poser énormément de problèmes. Mais Internet est un outil d’accompagnement des élections. Les médias sur Internet sont considérés comme la presse écrite et doivent répondre aux mêmes règles.
16) Les binationaux auront-ils le droit de voter ?
Il n’y a pas de citoyenneté à deux vitesses. Dans le projet, il n’y a aucune différence entre les binationaux et autres.
17) Quand est-ce que la mission de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique prend-elle fin ?
Sa mission prendra fin lors de la déclaration des résultats des élections.
Il y a eu d’autres questions, mais je n’avais plus la force de tout écrire. L’essentiel est là quand même.
M.Ghazi Ghrairi a conclu son intervention par cette citation d’Alain :
« Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté ».
Dimanche après-midi, «Assez de divisions, allons de l’avant» avait invité une douzaine de partis politiques tunisiens pour leur demander de s’unir et de créer un Front Démocratique des Forces de la Modernité et du Progrès.
Étaient invités, entre autres partis, le Mouvement Ettajdid, le PDP, l’Union Populaire Républicaine, l’Alliance Républicaine, Afek Tounes, le FDTL, le PSG…
La séance a commencé par la présentation d’un sondage d’opinions, que l’on peut trouver sur ce site : istis-tunisie.com
Ensuite, M.Riadh Ben Fadhel a pris la parole. D’après lui ce sondage montre qu’il existe en Tunisie une soif de connaissance de la vie politique, mais que seul le parti Ennahda est vraiment connu. En effet, 54% des personnes interrogées le connaissent, bien que seulement 23% d’entre elles pourraient éventuellement voter pour ce parti.
Les autres partis ne sont, soit pas connus, soit pas aimés.
D’après lui, il y a des expériences de part le monde qui montrent que des pays sont allés droit dans le mur juste parce qu’ils n’ont pas su faire face.
Par exemple, en Algérie, les partis de gauche n’ont pas voulu faire une alliance, ce qui a permit au FIS de gagner d’abord les élections municipales et ensuite le premier tour des élections législatives, et on sait ce qu’il s’est passé, surtout avec une guerre civile qui a duré 12 ans et a fait des milliers de morts. Il est impératif d’éviter de reproduire le même schéma pour ne pas subir le même sort que l’Algérie.
Idem en Allemagne en 1933 : Hitler a pu démocratiquement gagner parce que les autres partis n’avaient pas voulu créer un front démocratique.
Aujourd’hui, il y a une obligation de construire un front pour garantir une majorité en juillet, et permettre à nos valeurs républicaines de perdurer.
Les partis sont donc aujourd’hui invités à discuter pour voir s’il y a possibilité de constituer ce front.
Dans un premier temps, il y a eu des discussions.
Les partis sont en majorité d’accord sur le fait que ce foisonnement de partis ne peut que nuire aux élections. Les électeurs seraient en effet dans l’incapacité de choisir parmi eux.
Certains partis, tel le Mouvement Ettajdid, ont été d’accord de suite pour la constitution de ce front. Ils ont insisté sur le fait que l’important aujourd’hui est de penser à l’avenir de la Tunisie, de préserver ses acquis, de répondre aux demandes du peuple qui était sorti le 14 janvier dans la rue pour demander la liberté et la dignité.
Un parti a même proposé que les partis crées après le 14 janvier se fondent dans ce front et ne réapparaissent qu’après le 24 juillet.
D’autres ont dit qu’ils étaient en principe d’accord pour ce front, mais avaient quand même émis des réserves. Certains, juste en ce qui concerne les modalités d’une telle union, d’autres en disant que l’important est de trouver des moyens rapides de répondre aux besoins actuels des citoyens, aussi bien sur le plan économique, social que sécuritaire.
L’un d’entre eux a même dit que ce front démocratique doit exister, et n’est pas si difficile à réaliser. Le 24 juillet n’est pas une obligation de moyens mais une obligation de résultats : nous, Tunisiens, devons avoir une constitution républicaine démocratique.
D’autres partis ont par contre refusé. Ils pourraient éventuellement conclure un certain pacte d’entre-aide, ou même une campagne commune, mais escomptent de se présenter seuls aux élections.
En réalité, dans un premier temps, ces partis ont cru être venus à cette réunion pour se faire connaitre et faire de la politique politicienne. Mais lorsqu’ils ont compris que les discussions étaient sérieuses, et que les présents réclamaient haut et fort ce front et le plus rapidement possible, des réserves ont été émises d’une façon plus vigoureuse et on a compris qu’on faisait face à un discours plus creux que réaliste.
Face à cela, ces représentants de partis ont été acculés à répondre clairement à une question claire et précise :
- Acceptez-vous d’entrer dans ce front ?
- Si oui, dans quelles conditions ?
Brouhaha. Protestations….
Mme Sana Ben Achour a pris la parole. Elle a rappelé que des artistes, des intellectuels, des syndicalistes, des indépendants... avaient fait un appel pour créer un front démocratique progressiste. Ce projet est présenté comme le ciment pouvant rapprocher les partis, pour être au service d’un projet culturel, progressiste et démocratique. «Vous n’avez pas le droit, vous partis, de laisser le citoyen hésiter à qui donner sa voix. Pourquoi nous laisser dans l’inquiétude ? Chaque parti seul pourrait peut-être gagner un siège, alors qu’ensemble nous pourrions garantir ensemble des sièges pour un projet qui nous uni. Il faut éviter l’émiettement. Arrêtons de discuter. Aujourd’hui, il faut agir» leur a-t-elle dit.
Certains indépendants ont présenté leurs initiatives, telles l’Initiative Citoyenne, Le Manifeste du 20 Mars, et Lam Echaml (dont je fais partie et dont j’aurais l’occasion de vous parler plus longuement après la conférence de presse prévue au courant de la semaine).
Ensuite, la parole a été donnée au public. Et là, les accusations ont commencées. Je pense que sans exceptions, tous les présents réclamaient à corps et à cris cette union. Tous, y compris moi. Certains d’entre vous ont pu voir la vidéo de l’intervention d’Emna Ben Jemaa qui a insisté sur le fait que les partis ont aujourd’hui une chance historique de montrer qu’ils aiment leur pays plus qu’eux-mêmes.
Ce front est nécessaire. Et les partis ont été accusés, critiqués, acculés à accepter de s’unir…
Personnellement, j’étais intervenue pour raconter mon expérience de vendredi dernier, et insister sur le fait que nombreux sont les tunisiens qui ne veulent pas voter parce qu’ils disent ne pas connaitre les partis.
Face à la réticence de certains partis qui invoquaient la difficulté de cette union, une intervenante a affirmé que travailler ensemble est tout à fait possible, la preuve est qu’il a été par exemple possible d’unir des associations et des indépendants divers pour créer Lam Echaml, pourquoi est-ce que les partis ne pourraient faire de même ?
Salah Zeghidi a ajouté que si des associations sont aujourd’hui capables de parler et de réunir des milliers de personnes, comment est-ce que des partis n’arrivent pas à parler entre eux ?
M.Ahmed Ben Chaabane, représentant de l’Initiative Citoyenne s’est adressé aux partis et leur a aussi dit qu’il n’acceptait pas de dire à ses membres que les partis s’étaient réunis mais n’étaient pas arrivés à se mettre d’accord. « Nous, société civile, avons des demandes et des droits, et les partis doivent obéir aux désirs des citoyens » a-t-il précisé.
Un reproche a été fait par plusieurs personnes aux partis, accusés d’être déconnectés de la réalité et de ne pas être à l’écoute des citoyens.
Mme Sophie Ferchiou, sociologue, a estimé que la révolution tunisienne a été une chance. L’explosion des partis en a été un aspect positif, mais actuellement, il faut amorcer une deuxième phase, et il est étonnant de constater que les partis bloquent ou même retardent ce travail d’union.
Après d’âpres discussions, de critiques, d’accusations… les partis ont accepté d’envisager très sérieusement cette possibilité d’union. Ils ont promis de se réunir au cours de cette semaine pour que chacun d’entre eux puisse faire des propositions concrètes de travail.
Cette réunion a donc été, malgré les discussions animées, un moment historique. Et ce Front Démocratique des Forces de la Modernité et du Progrès ne sera plus un rêve, mais une réalité.
Il y aura d’ailleurs un communiqué dans ce sens.
Mon rêve personnel : Une Tunisie tunisienne, avec ses traditions, sa culture, son histoire, et conforme à son image de tolérance et d’union de tous ses citoyens.
Vendredi dernier, j'étais à un séminaire à l’hôtel International. Vers 13h, 13h30, nous, les participants à ce séminaire avons entendu une clameur venant de la rue. Nous sommes allés rapidement aux fenêtres. Il y avait une manifestation de barbus à l'avenue Habib Bourguiba. Quelques hommes sont descendus pour voir cela de plus près. Ils sont remontés et nous ont dit qu'en effet, des barbus manifestaient contre le professeur, qui d'après eux, aurait insulté le prophète. Je dis "aurait", parce que bien-sûr, rien n'est prouvé.
J’ai lu plusieurs articles à ce sujet.
Le premier disait que le professeur avait parlé des versets 11 à 26 de la sourate XXIV qui sont consacrés à innocenter Aïcha d'une accusation d'adultère. J’ai même lu un article qui disait que ces versets sont étudiés depuis des années dans nos écoles sans avoir jamais causé aucun problème particulier. Il s'agit d'un fait historique, attesté d'ailleurs par ces versets.
Ensuite, j'ai lu deux articles, pratiquement identiques (l’un a copié l’autre ?), mais dans deux magazines différents, accusant le professeur d'avoir dit que le prophète était pédophile et que s'il avait vécu à notre époque, il aurait été poursuivi en justice.
J'ai aussi lu un article innocentant le dit professeur, et racontant que les camarades des deux petites filles accusatrices, avaient témoigné en faveur du professeur.
Bref, désinformation totale. Des médias qui ne savent pas faire leur travail. Infos et intox sont devenues notre pain quotidien.
Personnellement, je vois très mal un professeur portant de telles accusations contre notre prophète, cela serait un grave manquement à son rôle d’éducateur. Un professeur doit enseigner une vérité historique et non pas porter des jugements personnels et manquer de respect aux religions.
Je pense plutôt que la première hypothèse est la plus plausible. Le professeur aurait parlé de cet incident de l'accusation d'adultère, et de l'issue de cette histoire. Et je pense que les deux élèves qui ont porté leurs accusations auraient mal interprété ses propos. De toute façon, une enquête objective devrait nous éclairer à ce sujet. Du moins, je l'espère.
Vers 15h, nous étions toujours en séminaire, et nous avions entendu des tirs. Ensuite, nous avons sentis les lacrymogènes.
Plus tard, je suis moi-même descendue dans l'avenue. Il y avait énormément de policiers. J'ai posé des questions aux gens. On m'a raconté que des barbus s'étaient attaqués aux femmes non voilées et à celles qui étaient attablées aux cafés. Il parait qu'ils étaient très agressifs. Certains auraient utilisé des bâtons. On m’a dit qu'il y a eu un moment de panique dans l'avenue, que des femmes pleuraient, que des gens fuyaient... On m'a raconté que lorsque la police a été obligée d'intervenir et a dispersé la manif, les gens applaudissaient.
Des tunisiens applaudissant la police ! C'est un spectacle inhabituel, mais significatif quand même. Les gens ont en marre de ces barbus qui squattent l'avenue Habib Bourguiba et y sèment la terreur.
J’ai fait quelques pas dans l'avenue. J'ai parlé avec des gens, et ensuite, j'ai trouvé un groupe de policiers, en uniforme et en civil. Je suis aussi allée leur parler. Ils m'ont raconté la même version que les badauds. Ils étaient eux-aussi très heureux d'avoir été applaudis. Ils m'ont fait des reproches en disant que nous, les autres (entendez par là, les non-barbus) avions tort de ne pas agir et de laisser ces gens accaparer la rue et les médias.
Que pouvais-je répondre?
Nous ne laissons pas faire, mais nous agissons différemment. Et c'est vrai, nous agissons différemment. Nous essayons de nous grouper, de former des associations.... Est-ce la bonne solution? Je ne sais pas vraiment. Je l'espère. Mais occuper la rue est-elle aussi une bonne solution?
La solution est les urnes. Allons tous voter en masse le 24 juillet.
Le problème qui se pose: est-ce que les tunisiens sont tous conscients des enjeux de cette constituante?
Ce n'est pas sur.
Avant-hier, toujours dans l'avenue (certains m'ont prise pour une journaliste en me voyant parler aux uns et aux autres), des gens m'ont affirmé qu'ils n'iront pas voter. Lorsque j'en ai demandé la raison, ils ont répondu qu'ils ne sauraient pas pour qui voter. Ils ne veulent pas de la Nahdha, mais ne connaissent pratiquement pas les autres partis.
C'est grave.
Certains m’ont dit qu’ils ne savaient pas en qui avoir confiance. Ils ne savent pas, et me paraissent avoir jeté l’éponge. Ce que j'ai trouvé émouvant, c’est que ces gens me demandaient mon avis. Ils me demandaient conseil. On voit vraiment le désarroi. Ils veulent savoir, mais ne savent pas comment ou quoi faire. Je n’avais pas voulu les influencer. D’autant plus que je n’ai moi-même pas fait mon choix.
Après insistance, j’ai fini par leur conseiller de voter en leur âme et conscience, mais de voter utile, c’est-à-dire de voter pour des partis qui pourraient gagner, pas pour de partis minuscules, ce qui ne servirait à rien.
Ce qui me rassure, c’est qu’il est fort probable que les petits partis finiront par s’unir, d’une façon ou d’une autre. Et nous y travaillons.
Je l’avoue, j’ai adoré me promener dans l’avenue et parler ainsi avec les gens, mais je n’étais pas très rassurée.
J’adore ce contact avec les gens. J’adore les écouter. J’adore avoir d’autres points de vues, de personnes qui n’ont malheureusement pas souvent l’occasion de s’exprimer.
Ma plus belle expérience, je crois, a été une grande discussion improvisée devant le Théâtre municipal de Tunis le 20 mars 2011. J’en garde un excellent souvenir, et ces deux photos, qui, pour moi, représentent la Tunisie Plurielle:
Pour arriver à ma voiture, qui était garée un peu loin, je devais passer par une rue un peu sombre et j’avoue que j’ai eu un peu peur. Peut-être l’ambiance particulière de l’avenue. J’ai donc demandé à un policier qui était là à écouter mes bavardages avec les gens, s’il voulait bien m’accompagner jusqu’à ma voiture. Ce qu’il a fait.
Ce qui m’a permit de discuter avec lui pendant quelques minutes. Il paraissait désespéré et sincère. Il ne comprenait pourquoi les tunisiens ne les aiment pas, eux les policiers. Il demandait ce qu’il fallait faire pour que le peuple les aime. Il dénonçait ses supérieurs, leur incompétence, leur corruption.
J’ai essayé de lui expliquer que les abus de certains avaient conduit à cette situation. Qu’il est normal que les gens n’aiment pas ceux qui les répriment, ou les rackettent...
Il a essayé de me raconter leurs conditions de travail. Je crois qu’il pensait vraiment que j’étais journaliste, et il me suppliait presque de leur envoyer un journaliste intègre qui passerait une nuit avec eux dans un quartier chaud de la ville pour comprendre leurs conditions de travail.
Ah si seulement il était possible d’avoir une baguette magique qui permettrait de résoudre tous les problèmes de la Tunisie d’un coup !
Bon, je sais, faut pas rêver !!!!
Ensuite, j’avais été chez mes parents, mon père m’a aussi raconté qu’il avait entendu parler du grabuge qu’il y avait eu à l’Avenue Habib Bourguiba et les rues avoisinantes. Il m’a dit que des bars avaient été attaqués.
Samedi, j’avais été voir le film Persepolis à la maison de la culture Ibn Khaldoun. J’avais acheté un sandwich et j’en avais profité pour poser des questions aux gens qui faisaient la queue et au type à la caisse. On m’a raconté qu’en effet, vendredi, des barbus s’étaient attaqués à des bars et qu’ils avaient cassé des vitrines.
Rabbi yoster.
C’est vraiment dommage tout cela.
Où est donc passée la solidarité des tunisiens du 14 janvier ?
Hier, par hasard, je passais devant la plus belle de la Marsa, la villa de mes rêves. Je me suis aperçue qu'on avait coupé les arbres et qu'on avait une meilleure vue de la façade. Je n'ai pu m’empêcher de prendre une nouvelle photo.
J'ai entendu dire qu'une personne avait acheté cette maison et qu'elle serait transformée en restaurant. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir ou en avoir peur. S'en réjouir parce qu'elle sera probablement restaurée, et elle en a drôlement besoin. En avoir peur, parce que je ne sais pas ce que son nouveau propriétaire a l’intention de faire. J'espère qu'il saura la "respecter", et lui garder son charme.
Les commentaires récents