Dimanche après-midi, «Assez de divisions, allons de l’avant» avait invité une douzaine de partis politiques tunisiens pour leur demander de s’unir et de créer un Front Démocratique des Forces de la Modernité et du Progrès.
Étaient invités, entre autres partis, le Mouvement Ettajdid, le PDP, l’Union Populaire Républicaine, l’Alliance Républicaine, Afek Tounes, le FDTL, le PSG…
Parmi l’assistance, il y avait des artistes, tels Nouri Bouzid, Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, des représentants de certaines associations, telles Fihmt.com, Génération Tunisie Libre, Touensa.org, ACT Khammem w 9arrir, Egalité et Parité.
La séance a commencé par la présentation d’un sondage d’opinions, que l’on peut trouver sur ce site : istis-tunisie.com
Ensuite, M.Riadh Ben Fadhel a pris la parole. D’après lui ce sondage montre qu’il existe en Tunisie une soif de connaissance de la vie politique, mais que seul le parti Ennahda est vraiment connu. En effet, 54% des personnes interrogées le connaissent, bien que seulement 23% d’entre elles pourraient éventuellement voter pour ce parti.
Les autres partis ne sont, soit pas connus, soit pas aimés.
D’après lui, il y a des expériences de part le monde qui montrent que des pays sont allés droit dans le mur juste parce qu’ils n’ont pas su faire face.
Par exemple, en Algérie, les partis de gauche n’ont pas voulu faire une alliance, ce qui a permit au FIS de gagner d’abord les élections municipales et ensuite le premier tour des élections législatives, et on sait ce qu’il s’est passé, surtout avec une guerre civile qui a duré 12 ans et a fait des milliers de morts. Il est impératif d’éviter de reproduire le même schéma pour ne pas subir le même sort que l’Algérie.
Idem en Allemagne en 1933 : Hitler a pu démocratiquement gagner parce que les autres partis n’avaient pas voulu créer un front démocratique.
Aujourd’hui, il y a une obligation de construire un front pour garantir une majorité en juillet, et permettre à nos valeurs républicaines de perdurer.
Les partis sont donc aujourd’hui invités à discuter pour voir s’il y a possibilité de constituer ce front.
Dans un premier temps, il y a eu des discussions.
Les partis sont en majorité d’accord sur le fait que ce foisonnement de partis ne peut que nuire aux élections. Les électeurs seraient en effet dans l’incapacité de choisir parmi eux.
Certains partis, tel le Mouvement Ettajdid, ont été d’accord de suite pour la constitution de ce front. Ils ont insisté sur le fait que l’important aujourd’hui est de penser à l’avenir de la Tunisie, de préserver ses acquis, de répondre aux demandes du peuple qui était sorti le 14 janvier dans la rue pour demander la liberté et la dignité.
Un parti a même proposé que les partis crées après le 14 janvier se fondent dans ce front et ne réapparaissent qu’après le 24 juillet.
D’autres ont dit qu’ils étaient en principe d’accord pour ce front, mais avaient quand même émis des réserves. Certains, juste en ce qui concerne les modalités d’une telle union, d’autres en disant que l’important est de trouver des moyens rapides de répondre aux besoins actuels des citoyens, aussi bien sur le plan économique, social que sécuritaire.
L’un d’entre eux a même dit que ce front démocratique doit exister, et n’est pas si difficile à réaliser. Le 24 juillet n’est pas une obligation de moyens mais une obligation de résultats : nous, Tunisiens, devons avoir une constitution républicaine démocratique.
D’autres partis ont par contre refusé. Ils pourraient éventuellement conclure un certain pacte d’entre-aide, ou même une campagne commune, mais escomptent de se présenter seuls aux élections.
En réalité, dans un premier temps, ces partis ont cru être venus à cette réunion pour se faire connaitre et faire de la politique politicienne. Mais lorsqu’ils ont compris que les discussions étaient sérieuses, et que les présents réclamaient haut et fort ce front et le plus rapidement possible, des réserves ont été émises d’une façon plus vigoureuse et on a compris qu’on faisait face à un discours plus creux que réaliste.
Face à cela, ces représentants de partis ont été acculés à répondre clairement à une question claire et précise :
- Acceptez-vous d’entrer dans ce front ?
- Si oui, dans quelles conditions ?
Brouhaha. Protestations….
Mme Sana Ben Achour a pris la parole. Elle a rappelé que des artistes, des intellectuels, des syndicalistes, des indépendants... avaient fait un appel pour créer un front démocratique progressiste. Ce projet est présenté comme le ciment pouvant rapprocher les partis, pour être au service d’un projet culturel, progressiste et démocratique. «Vous n’avez pas le droit, vous partis, de laisser le citoyen hésiter à qui donner sa voix. Pourquoi nous laisser dans l’inquiétude ? Chaque parti seul pourrait peut-être gagner un siège, alors qu’ensemble nous pourrions garantir ensemble des sièges pour un projet qui nous uni. Il faut éviter l’émiettement. Arrêtons de discuter. Aujourd’hui, il faut agir» leur a-t-elle dit.
Certains indépendants ont présenté leurs initiatives, telles l’Initiative Citoyenne, Le Manifeste du 20 Mars, et Lam Echaml (dont je fais partie et dont j’aurais l’occasion de vous parler plus longuement après la conférence de presse prévue au courant de la semaine).
Ensuite, la parole a été donnée au public. Et là, les accusations ont commencées. Je pense que sans exceptions, tous les présents réclamaient à corps et à cris cette union. Tous, y compris moi. Certains d’entre vous ont pu voir la vidéo de l’intervention d’Emna Ben Jemaa qui a insisté sur le fait que les partis ont aujourd’hui une chance historique de montrer qu’ils aiment leur pays plus qu’eux-mêmes.
Ce front est nécessaire. Et les partis ont été accusés, critiqués, acculés à accepter de s’unir…
Personnellement, j’étais intervenue pour raconter mon expérience de vendredi dernier, et insister sur le fait que nombreux sont les tunisiens qui ne veulent pas voter parce qu’ils disent ne pas connaitre les partis.
Face à la réticence de certains partis qui invoquaient la difficulté de cette union, une intervenante a affirmé que travailler ensemble est tout à fait possible, la preuve est qu’il a été par exemple possible d’unir des associations et des indépendants divers pour créer Lam Echaml, pourquoi est-ce que les partis ne pourraient faire de même ?
Salah Zeghidi a ajouté que si des associations sont aujourd’hui capables de parler et de réunir des milliers de personnes, comment est-ce que des partis n’arrivent pas à parler entre eux ?
M.Ahmed Ben Chaabane, représentant de l’Initiative Citoyenne s’est adressé aux partis et leur a aussi dit qu’il n’acceptait pas de dire à ses membres que les partis s’étaient réunis mais n’étaient pas arrivés à se mettre d’accord. « Nous, société civile, avons des demandes et des droits, et les partis doivent obéir aux désirs des citoyens » a-t-il précisé.
Un reproche a été fait par plusieurs personnes aux partis, accusés d’être déconnectés de la réalité et de ne pas être à l’écoute des citoyens.
Mme Sophie Ferchiou, sociologue, a estimé que la révolution tunisienne a été une chance. L’explosion des partis en a été un aspect positif, mais actuellement, il faut amorcer une deuxième phase, et il est étonnant de constater que les partis bloquent ou même retardent ce travail d’union.
Après d’âpres discussions, de critiques, d’accusations… les partis ont accepté d’envisager très sérieusement cette possibilité d’union. Ils ont promis de se réunir au cours de cette semaine pour que chacun d’entre eux puisse faire des propositions concrètes de travail.
Cette réunion a donc été, malgré les discussions animées, un moment historique. Et ce Front Démocratique des Forces de la Modernité et du Progrès ne sera plus un rêve, mais une réalité.
Il y aura d’ailleurs un communiqué dans ce sens.
Mon rêve personnel : Une Tunisie tunisienne, avec ses traditions, sa culture, son histoire, et conforme à son image de tolérance et d’union de tous ses citoyens.
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