Le rapporteur général de la constitution a jeté un pavé dans la mare, il y a quelques jours, en déclarant à l’Agence France Presse que le travail constituant ne sera pas achevé avant avril 2013 pour se raviser ensuite et annoncer la fin février 2013 comme date butoir. La levée de bouclier civile et médiatique face à l’abandon de la date du 23 octobre a fini par faire prendre conscience qu’une décision de cette gravité ne peut être prise unilatéralement et de surcroit en période de vacances de l’ANC. Ainsi, nous avons été informés que le calendrier général du travail constituant et donc les grandes tendances de l’échéancier électoral seront décidés par l’ANC à son retour de vacances, le 3 septembre. Effectivement, le bureau de l’assemblée réuni à cette date a entériné l’abandon de la date du 23 octobre pour l’adoption du nouveau texte constitutionnel en la repoussant au 15 décembre et confirmé mars 2013 pour les prochaines élections. Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines puisque le rapporteur général a annoncé un autre calendrier (encore un !!) où il nous propose d’aller voter le...8 septembre 2013 [sic].
Tout le monde a bien compris que l’enjeu du calendrier n’à rien a voir avec toutes les considérations techniques dont on n’arrête pas de nous abreuver.
C’est une question éminemment politique. C’est une question d’intérêt et de positionnement partisan.
Comment dois-je faire pour que le rythme d’avancement constitutionnel et électoral coïncide avec l’optimisation des chances électorales de mon parti? C’est à mon sens la question qui taraude les esprits dans toutes les officines partisanes tunisoises. S’il s’agit là d’une question absolument légitime et personne ne s’attend que les partis ne pensent pas à leurs intérêts, encore faut-il garder également à l’esprit l’intérêt général du pays.
Il est en effet de l’intérêt de notre pays que sa classe politique, en charge de cette délicate et cruciale transition, veille à ce que la confiance toute frêle glanée à la suite de la révolution ne s’ébranle pas.
Rappelons-nous que la date du 23 octobre 2012 pour l’achèvement de cette deuxième phase transitionnelle a fait l’objet d’un accord solennel signé le 15 septembre 2011 entre les grandes familles politiques qui meublent aujourd’hui l’ANC excepté le CPR. D’ailleurs, la plupart de ses partis, qu’ils soient aujourd’hui au pouvoir ou dans l’opposition, ont fait campagne sur cet engagement pour rassurer les électeurs et souligner leur capacité à créer du consensus et à partager le souci des tunisiens de voir cette phase transitionnelle se terminer au plus vite.
Se dérober d’un si grand engagement coutera cher à notre classe politique.
Il sera difficile d’empêcher le tunisien de penser: « tous les mêmes !! ». Briser ainsi cette confiance embryonnaire nous fait rater une occasion rêvée de construire un autre type de rapports citoyens/politiques.
L’incertitude chronologique que cette cacophonie induit affecte le tunisien dans sa perception du jeu politique. Il sera enclin à y voir une insidieuse démarche pour faire durer le plus longtemps possible des institutions (ANC, gouvernement provisoire etc.) à vocation éphémère, pour profiter matériellement et médiatiquement de la situation et pour essayer de mettre son parti en ordre de bataille électorale.
Sur un autre plan, l’absence d’un calendrier fiable, le changement intempestif des termes d’engagements aussi importants, la non mise en place, à ce jour, de l’instance supérieure indépendante des élections, la non adoption du nouveau code électoral et bien d’autres indicateurs sont autant de messages d’irresponsabilité et d’immaturité politique que notre pays envoie à ses partenaires économiques et à ses bailleurs de fond.
Par tout cela, nos politiques ne s’adressent-ils pas à nous en nous disant à la manière d’un Pierre Daninos : « Asseyez-vous, j’ai tout votre temps ! » ?
En définitive le divorce évident entre le temps des politiques et le temps du pays nuit autant au pays qu’aux politiques.
Ghazi GHERAIRI
Editorial de journal Le Maghreb du 7 septembre
Source: Twitter Ghazi GHERAIRI @GHAZIGHERAIRI
Asseyez-vous, j’ai tout votre temps! #EditoMaghreb
http://tl.gd/j6ia65 via @GHAZIGHERAIRI
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