Il est devenu à la mode de prendre l'exemple de l'expérience turque pour dire qu'il est possible de concilier démocratie et parti politique islamique.
Est-ce vrai?
Je ne le crois pas. Même en Turquie où la la séparation de l'Etat et de la religion est garantie par la constitution et par l'armée, depuis que le parti islamique est au pouvoir est entrain de grignoter les libertés individuelles des turques. Les manifestations récentes le prouvent.
En apparence, la cohabitation a parfaitement réussie, mais insidieusement, l'AKP est entrain de s'immiscer dans la vie quotidienne des gens et de restreindre leurs libertés individuelles.
Après l'accord de sa rédactrice, je me permet de vous recopier cette réflexion que j'ai appréciée et que je partage.
Le nouveau discours que tient Rached Ghannouchi, depuis le 14 janvier 2011, celui que répandent aujourd’hui les médias sans en souligner les surprenantes contradictions, est d’autant plus dangereux qu’il se présente comme modéré. En homme politique averti, le chef du mouvement Ennahdha sait reculer pour mieux avancer. Ne doit-il pas d’abord et avant tout effacer le mauvais souvenir que lui-même et les siens ont gravé dans la mémoire de bon nombre de Tunisiens? Le chef du mouvement islamiste qui n’a pas hésité, dans les années quatre-vingts, à user de la force pour imposer sa lecture de l’islam, qui a enseigné le mépris des femmes, qui a haussé des illuminés abreuvés de haine et de rejet de l’autre sur les «minbars» des mosquées, qui a jeté l’anathème sur tout être libre, sur toute pensée, qui a profité du régime dictatorial et du chômage qui frappait les jeunes pour substituer à l’espoir de bien vivre l’espoir de gagner l’éternité, qui a diabolisé les francophones et les laïques en les faisant passer pour «des suppôts de l’étranger», ce chef islamiste si radical peut-il se transformer subitement en démocrate?
Rached Ghannouchi n’est pas sans savoir qu’il doit renouveler son discours et se présenter comme un simple citoyen, sans ambition, patriote et démocrate. Pour gagner la confiance des musulmans modernistes, il doit emprunter aujourd’hui le langage apaisant des démocrates. Cette leçon là, la Tunisie entière s’est chargée de la lui apprendre en ce mois de janvier 2011. Mais peut-on devenir démocrate quand, dans le passé, on a fait usage de la terreur pour s’imposer à ses concitoyens? De même qu’il a été impossible de croire en la miraculeuse transfiguration de Ben Ali, le 13 janvier 2011, il est impossible de croire aux promesses du chef du mouvement Ennahdha. Le comportement agressif, grossier et incivil de prétendus défenseurs de l’islam à l’égard des femmes, tant au cours de la manifestation organisée par l’ATFD, l’AFTURD et le collectif Maghreb-Égalité (samedi 29 janvier 2011) qu’à l’aéroport de Tunis Carthage, le jour même de son retour de Londres, a montré l’incapacité de ce type de mouvance à admettre la différence et a, par conséquent, ébranlé le crédit que l’on pouvait lui accorder.
Si le mouvement Ennahdha juge qu’il est victime d’un jugement prompt et injuste, s’il opte, comme l’a dit et répété son chef, pour la démocratie, qu’il donne les preuves concrètes de sa bonne foi et de son engagement en apprenant à ses membres le civisme, la retenue, le respect de l’autre et de sa liberté.
Les règles de la démocratie nous imposent de surmonter nos craintes et de composer avec toutes les mouvances politiques. Soumettons-nous donc à cette convention mais n’oublions pas que les déviations sont toujours possibles et les retournements fréquents. Aussi faut-il unifier les rangs des défenseurs des libertés, en les organisant en forces de propositions alternatives face aux diktats rétrogrades.
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