Ramadan en Turquie.
Je me demandais comment cela serait. Je sais maintenant.
Turquie, pays musulman et laïque.
Je me demandais comment cela serait. Je sais maintenant.
Un pays dont la majorité de la population est musulmane mais qui est laïque. C’est génial!
Ce n’est pas comme le croient certains, ce n’est pas kofr et dépravation, ce ne sont pas non plus des gens qui ne pratiquent pas, ce n’est rien de tout cela.
Le fait que le pays soit laïque ne fait que garantir la liberté des gens. La liberté et le respect.
Chacun est libre de croire ou de ne pas croire en Dieu, chacun est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer sa religion. Et chacun fait ses propres choix sans craindre la pression sociale, le qu’on dira-t-on, le jugement des parents, voisins, collègues….
Le ramadan en Turquie est différent du ramadan en Tunisie. Pendant la journée, la vie est normale. Je veux dire que rien ne change. Étonnée que les magasins du souk n’ouvrent pas le soir pendant ramadan, un commerçant m’a répondu (ou rappelé) que la Turquie est un pays laïque et que donc rien ne change lors des fêtes religieuses. Il m’a répondu tout simplement et tout logiquement qu’ils ne changeaient pas leur vie lors du mois de ramadan, mais pas non plus lors de Hanoukka ni pendant Noël ou Pâques.
C’est aussi cela la laïcité dans un pays où plusieurs religions cohabitent.
Je disais donc que pendant la journée, tout fonctionne normalement. Les magasins sont ouverts, les restaurants sont ouverts, les cafés sont ouverts… et les gens font ce qu’ils veulent. Ceux qui veulent jeûner jeûnent et ceux qui décident de ne pas jeûner, ne jeûnent pas. LIBERTÉ INDIVIDUELLE.
Mais par contre, personne n’est de mauvaise humeur. Pas de « hachichette romdhane » comme on dit. Les gens sont NORMAUX. Ils travaillent normalement, ils agissent normalement… et sans mauvaise humeur, sans rouspéter, sans gémir… Ils ne prennent pas pour prétexte ramadan pour ne rien faire, ne fournir aucun effort…
Le deuxième jour, mes amies et moi nous promenions au hasard, et nous avions trouvé une mosquée. Nous y sommes entrées. C’était environ 30/40mn avant la rupture du jeûne. Plusieurs personnes faisaient la prière. Ensuite, nous sommes sorties par une porte latérale qu’empruntaient la plupart des gens. Juste à coté de la mosquée, il y avait une sorte de spectacle de rue. Des gens étaient attablés entrain de regarder. La plupart ne consommaient rien, quelques uns avaient des verres devant eux. Apparemment, ils ne jeûnent pas, mais cela a l’air de ne déranger personne. Personne ne leur fait la morale ou ne leur reproche de ne pas respecter ceux qui jeûnent. LIBERTÉ.
Imaginez cela en Tunisie. D’abord ceux qui ne jeûnent pas ne pourraient pas boire ou manger dans un lieu public, surtout juste à coté d’une mosquée, en plus, même s’ils le faisaient, les «jeûneurs» provoqueraient un énorme scandale arguant du fait qu’ils doivent les respecter eux. LIBERTÉ.
Ensuite, nous nous sommes un peu éloignées de la mosquée, nous nous sommes trouvées dans un petit parc. Des gens étaient là, la plupart ne mangeaient pas, mais quelques uns si. Pourtant ces gens avaient l’air de cohabiter en toute tranquillité. LIBERTÉ.
Des tables étaient dressées ici et là. Nous avons ensuite remarqué qu’à proximité il y avait plusieurs vendeurs de nourriture, des stands de chawarma, de sandwichs… C’est la raison pour laquelle les tables étaient dressées, les gens qui se trouvaient dans le parc mangeraient là. Quelques personnes avaient commencé à manger, mais la plupart attendaient le "adhane". Pourtant personne n'a agressé personne. Tolérance et LIBERTÉ.
A l’heure de la rupture du jeûne, les gens ne courent pas pour rentrer chez eux. Ils mangent dehors. Certains par plaisir, d’autres parce qu’ils travaillent ou parce qu’ils en ont tout simplement envie. En fait, en Turquie à l’heure de la rupture du jeune, la vie ne s’arrête pas. Les magasins restent ouverts, les bus et les taxis circulent librement, les restaurant, les pâtisseries, les cafés, mais aussi les bars… restent ouverts.
Nous avons pris le bus et nous sommes arrivées à la place Taksim juste quelques secondes avant que le muezzin annonce la rupture du jeune.
Nous avons remarqué que la plupart des gens tenaient une bouteille d’eau à la main. Cela nous avait étonné. Ensuite nous avons compris. A l’heure où le «adhane» a retenti, tous ces gens ont ouvert leur bouteille d’eau et l’on bue. Ensuite, la vie a repris son cours. Ceux qui se promenaient ont continué à se promener, ceux qui travaillaient ont continué à travailler, ceux qui s’amusaient ont continué à s’amuser… Petit à petit, certains d’entre eux se sont quand même dirigés vers les restaurants, les pâtisseries, les traiteurs… Mais ce n’était pas la ruade. Les gens y allaient tranquillement, sans hâte….
Ce jour-là, il y avait une manifestation culturelle, une sorte de défilé de jeunes. Un congrès qui réuni des jeunes de tous les pays d’Europe. Ce défilé est passé par la place Taksim juste au moment où le muezzin annonçait la rupture du jeune. Et pourtant le défilé ne s’est pas arrêté, les gens qui regardaient ne sont pas partis, il y avait pourtant des femmes voilées. L’une d’entre-elles a même aimablement accepté de nous prendre en photo.
Voici quelques photos du défilé (je rappelle qu'à ce moment-là, le muezzin était entrain d'annoncer le rupture du jeûne).
Le lendemain et le surlendemain, bien qu’il n’y avait pas de défilé, l’ambiance était la même, les gens étaient là, ils s’amusaient, se promenaient… En fait la vie est normale pendant le mois de ramadan. Plusieurs personnes nous l’ont confirmé. Les seuls plus de ramadan sont les concerts de rues (dans plusieurs quartiers, des podium sont dressés et le soir, les gens peuvent assister à des concerts), des soirées spéciales à l'occasion du mois de ramadan, une certaines ambiance dans certains cafés où les gens, après le iftar se réunissent pour regarder la TV, jouer à des jeux de société...
La laïcité a fait que la mentalité des turques est différente de la notre. Comme je l’ai dit, cela ne signifie pas qu’ils sont moins pratiquants, mais ils sont moins hypocrites, moins «coincés»… Chacun fait ce qu’il veut. Personne ne juge personne. La religion est une affaire individuelle. Et est strictement personnelle. LIBERTÉ.
Même les gens pratiquants sont aimables et tolérants. Par exemple, nous étions entrées dans un magasin tenu par un type qui portait un quamis et une longue barbe. Il était très aimable et plaisantait avec nous. Au moment de partir, il nous a même demandé de faire une prière pour lui, les membres de son village et tous les musulmans. D’après lui, un hadith dit que les prières des voyageurs sont exaucées. Un barbu de chez nous nous aurait regardées de travers parce que nous n’étions ni voilées ni couvertes de la tête aux pieds.
En fait, ce que l’on remarque à Istanbul est que la pratique de la religion se fait dans le respect des autres et avec le cœur. Les gens ont la foi et pratiquent non pas parce qu’ils ont peur du châtiment de Dieu ou du jugement des autres, mais parce qu’ils le veulent et le souhaitent.
On a l’impression que la religion chez eux est un acte d’amour et non pas d’oppression. Et j’aime cela.
Finalement un barbu qui te plait?!!
Rédigé par : Soufiene | 16/08/2010 à 19:12
J'adore la Turquie, Istanbul et autres... mais j'y suis jamais allé au mois de Ramadan. C'est un pays qui me fascine de part son système laïque solide et très réussi. C'est ça en fait; la liberté dans les limites de la morale et du respect... Et c'est humain après tout. Je fais Ramadan, mais j'n'ai jamais compris la "houla" qu'on fait derrière !
Rédigé par : Löwe | 16/08/2010 à 19:14
Lorsque vous vous rendez en Istambule vous visitez les quartiers cosmopolites et touristiques, et vous revenez en pensant que toute la Turquie est comme-ca. Eloignez vous un peu des quartiers comme Taksim, Bugrum, SultanHamet, et la vous allez decouvrir la Turquie qui vote pour le voile noir.
Rédigé par : Soufiene | 23/08/2010 à 13:24
@ Sofiene:
Pourquoi pas?
Il a été gentil, sympa, souriant, tolérant....
Rédigé par : Massir | 24/08/2010 à 23:50
@ Löwe:
En effet!
@ Sofiene:
Il est vrai que cette fois-ci nous sommes restées dans ces quartiers, mais en 1999, nous avons aussi été dans les quartiers "islamistes" et un des fournisseurs de mon mari était même un barbu. Mais jusqu'à maintenant la constitution turque garantie la liberté des citoyens. Cela durera-t-il?
Rédigé par : Massir | 24/08/2010 à 23:54
Justement, il faut distinguer entre la societe et la constitution, ca se passe comme chez-nous, je ne trouve pas que la societe Turque est plus tolerante que la notre.
Rédigé par : Soufiene | 25/08/2010 à 16:40
@ Soufiène:
Pas d'accord avec toi.
Malheureusement, les gens en Tunisie deviennent de plus en plus intolérants. Et lorsqu'on leur dit "liberté individuelle", ils répondent "la Tunisie est musulmane, la constitution l'affirme".
Rédigé par : Massir | 26/08/2010 à 20:07
@Massir
La societe Turque est aussi musulmane meme si la constitution est laique. Les Turques s'attachent a l'Islam comme les Arabes du golf, certe, le gouvernement Atatukiste et militaire impose cette laicite, mais est-elle vraiment assimilee et acceptee par les Turques?
Les Turques ont aime Mustapha Kemal Ataturk parce qu'il etait un heros national pendant la 1ere guerre mondiale, et parce qu'il a mene la lutte contre l'occupation des allies par la suite, et il l'a emporte, et non pas pour sa laicite!!!!!
Mustapha Kemal a collabore avec les religieux (vieux turbans) pendant sa lutte contre l'occupation des allies.
Je trouve que notre constitution est plus pragmatique et realiste, cette pretendue laicite Turque n'est qu'une illusion, un vice. Mais sur terrain, la societe Turque n'est pas plus tolerante que la notre. Et comme je te l'ai deja dit, la Turquie n'est pas uniquement Taksim et Bugrum, et quelques autres quartiers branches d'Istambule. Parles a des Turques qui connaissent leur pays mieux que moi et toi, et ils vont te le dire.
Rédigé par : Soufiene | 29/08/2010 à 16:34
la Turquie comme tous les pays musulmans a été influencé par la vague islamiste d'orient depuis une dizaine d'année. Néanmoins, les turcs dans leurs grande majorité et toute tendance politique confondue ont une chose que nous n'avons pas et qui a été forgée par le kémalisme : leur nationalisme et patriotisme exacerbés. Ils croient plus en la suprématie turque et au panturkisme qu'en dieu. C'est cela qui les sauve du tout religieux au-dela de la laïcité forcée par ataturk.
Rédigé par : SigmoundF | 30/08/2010 à 23:22
@SigmundF
Meme chose dans les pays Arabes. A entendre les barbus du golf parler, les Arabes sont un peuple elu. Dans leur Islamisme il y'a aussi du panarabisme. Certe, ils rejettent les Baasistes, et les Nasseriens parce qu'ils sont laiques, mais en meme temps, ils defendent l'Arabisme.
Rédigé par : Soufiene | 31/08/2010 à 18:42
Massir j'aime votre blog et jhadère à vos prises de positions.Si nous n'arrivons pas à instaurer cette liberté individuelle en Tunisie, j'irais vivre en turquie, lool.
Rédigé par : sonia | 05/02/2011 à 12:39
tres belles perspectives d'istambul, merci de les partager!
Rédigé par : private jet charter prices uk | 17/06/2011 à 17:04
Tu me donnes envie d'aller y faire un tour :-)
Rédigé par : Krishna's Child | 20/09/2011 à 12:59
Jamais une laicité imposée à un peuple musulman ne pourra réussir. La laicité turque extrémiste imposée par l'armée kémaliste est en déclin. C'est une évidence.
Son extrémisme est aussi évident. Y a seulement quelques semaines, le parlement a passé une loi qui autorise les députées à porter des pantalons; elles n'avaient jusque là d'autre choix que de porter des jupes car cela correspondait à la vision extrémiste de Ataturk. Je ne parle même pas de voilée qui ne peuvent toujours pas faire entrée au parlement.
Cette laicité est en déclin. Ce qu'a vécu la Turquie durant les dernières 15 années est une révolution calme où le pouvoir du garde fou kémaliste est devenu de plus en plus restreint. Une révolution initiée par une grande frange du peuple musulman qui ne croit pas en cette laicité imposée par une armée corrompue et rongée par des scandales, une frange qui ne vit pas aux abords de Marmara et ne fréquente pas seulement Taksim, mais éparpillée sur toute la Turquie. Faites un tour Madame par Üsküdar, vous en ferez un constat.
Fortune et média sont entrain d'échapper à la classe classique des laicards. On en reparlera dans 20 ans.
Jamais une laicité imposée ne va réussir dans un pays musulman. Et jamais une coupure brutale avec l'héritage historique, aussi grandiose que celui de la Turquie ou de la Tunisie, ne va aboutir. Nos amis - s'auto proclamant - progressistes en Tunisie essayent de suivre le chemin de la Turquie (sans aucun pouvoir militaire) et nous demandent de jeter notre héritage en jurisprudence comme en tradition musulmane par la fenêtre et d'adopter des laicités importées d'ailleurs en se cachant derrière des "Labels". Mieux, ils demandent aux partis islamistes qui ont un projet rétrograde obscurantistes, de répondre aux questions existentielles portant sur le mode de vie du peuple tunisien en oubliant de le faire eux mêmes. Détrompez vous, en se proclamant progressistes, on n'est pas épargné de répondre aux mêmes questions.
Répondre à la question: "Pourquoi doit on jeter nos lois actuelles en matière d'héritage et adopter celles de l'occident?" par "C'est le progressisme qui est ainsi / La femme est un citoyen à part entière qui a les mêmes devoirs et droits que l'homme" est une insulte envers l'intelligence du tunisien et est voué à l'échec.
Rédigé par : Bizertin | 20/09/2011 à 15:10
Bizertin, croire que l'egalite entre hommes et femmes n'est valable qu'en occident estune insulte envers notre peuple. Pourquoi est-ce que nos soeurs doivent rester mineures a vie? Ca n'a rien a voir avec l'occident mais avec la dignite humaine.
Rédigé par : Krishna's Child | 27/09/2011 à 17:06
@Krishna's child: Le sujet est long et compliqué à discuter. La divergence des points de vue est de taille.
La dignité humaine est une valeur universelle. Son interprétation est cependant sujet de déviations d'une culture à une autre. Il n'y a jamais eu de consensus universel sur toutes les manifestations de la dignité.
Même en monde occidental. A titre d'exemple, l'Euthanasie est elle une préservation de la dignité humaine? Le débât est ouvert.
Dans ce même sens, la dignité humaine se manifeste entre autres Islam par la justice - et n'on l'égalité - en ce qui concerne l'héritage. La question d'héritage a été très détaillée au Coran.
Maintenant, ou bien on part de la vision du sacré, et par suite vour serez dans l'obligation de m'avancer des arguments de l'ordre jurisprudence islamique pour m'expliquer pourquoi devrait on arrêter une loi explicite coranique. Ou bien on laisse la religion à côté, et on discute les raisons -abstaction faite du sacré - de cette non inégalité.
Pour la première option, je suis partant. Pour la deuxième, je suis partant aussi. Mais sachez que discuter en ayant choisi la 2ème base mènerait forcément à une divergence beaucoup plus profonde sur la question rôle de la religion dans la vie d'un musulman.
Amitiés.
Rédigé par : Bizertin | 30/09/2011 à 03:54