Jeudi 3 décembre, je suis allée à la première de la pièce Le comédien King Lear, écrite, mise en scène et interprétée par Hichem Rostom.
Personnellement, il m'a semblé que cette pièce est un peu autobiographique. Elle raconte les espoirs et les désillusions du comédien tunisien.
Ce comédien qui aime son métier, qui voudrait pouvoir l'exercer dans de bonnes conditions mais qui n'y arrive presque pas.
Pourquoi donc?
Les raisons sont diverses.
Le théâtre lui-même n'a plus les même titres de noblesse que jadis. Particulièrement le théâtre classique.
La pièce débute en parlant de la destruction d'un théâtre. Théâtre où notre comédien a joué, pendant des années et avec succès, le rôle du King Lear de Shakespeare.
Mais voilà, ce soir-là, il l'a jouée pour la dernière fois, parce que le théâtre allait être détruit.
Cela m'a rappelé une polémique il y a quelques années. Les plus jeunes d'entre vous ne s'en souviennent surement pas, mais les plus vieux, si.
A une époque, on a voulu détruire notre théâtre municipal pour le remplacer par un bâtiment neuf. Comment peut-on penser détruire un monument pareil? Je me pose la question à chaque fois que j'y vais. Avait-on pensé à l'époque que du verre et de l'acier pourrait remplacer les dorures et les sculptures?
Heureusement, le théâtre fut sauvé in-extrémis, et fait encore notre fierté tellement il est beau.
Hichem Rostom a-t-il pensé à cet évènement en écrivant sa pièce? Je ne sais pas.
Au sens figuré, le théâtre classique a-t-il été détruit en Tunisie?
Peut-être bien.
En effet, pas de théâtre classique depuis de nombreuses années. Ou peut-être qu'il y en a eu, mais sans remporter de succès auprès des spectateurs.
Hichem lui-même avait mis en scène et joué Caligula. Mais c'était il y a bien longtemps. J'y étais. C'était je crois en 1992.
Depuis, qu'en est-il du théâtre classique?
Dans cette même pièce, Hichem nous raconte les déboires du comédien tunisien. Ses déboires avec l'administration. Ses déboires avec les fonctionnaires du ministère de la Culture sensé promouvoir la culture (mais on se demande s'ils y pensent vraiment?). Ses déboires avec les spectateurs qui veulent des spectacles légers, sans consistance....
Ses déboires...
Un comédien a-t-il une chance de réussir sa carrière en Tunisie?
Vaut-il mieux "s'exporter" à l'étranger?
Quel est donc le statut du comédien en Tunisie?
Des questions que se posera ce comédien Lear.
Prochaines représentations:
A MAD'ART:
- Jeudi 4 février à 20h30
- Vendredi 5 février à 17h
- Samedi 6 février à 20h30
Au 4em ART
- Jeudi 18, vendredi 19 et samedi 20 février à 19h30
Spectacle en arabe dialectal, sur-titrage en français
Je viens de découvrir ce post! Le théâtre classique va de pair avec la culture et l'érudition. L'avalanche de séries égyptiennes, brésiliennes, les spectacles légers, ont conquis la sphère familiale qui n'éprouve plus le besoin de sortir autant qu'avant! Je me souviens, bien que non-tunisien, des soirées artistiques auxquelles j'assistais lorsque je venais passer des vacances chez des parents ou des amis vivant à Tunis et ses environs. Il y avait même des soirées ôud, des joutes oratoires à Sidi-Bou, les sorties place du chameau etc. J'avais 16 ans! L'arabisation massive et les difficultés de la vie quotidienne, manque de libertés, utilisation du théâtre pour faire passer un message désormais réprimée, liberté d'expression inexistante, tout cela a fait que les artistes ont émigré ou changé de registre. Ne restent au fond de l'oued que ses pierres! Tout le Maghreb souffre de cette perte.
Rédigé par : Karim | 05/02/2010 à 17:54
Je suis trés heureux pour ces commentaires, ravi de voir que le message est passé et merci trés chère amie pour ton analyse pointue et fort interressante, je n'ai encore rien lu d'aussi bon et de juste sur ce travail, merci et à bientôt
Hichem Rostom
Rédigé par : Hichem Rostom | 07/02/2010 à 01:20