"Je reviens sur la sexualité d'Hitler. Pourquoi? Parce qu'on ne peut comprendre un individu sans analyser cette modalité de son rapport à autrui. Pour moi, il s'agit plus d'éthique que de psychanalyse: il faut examiner les "liens", la "relation". Loin de penser, comme Freud, que la sexualité soit déterminante, je crois juste qu'elle est révélatrice. A sa manière, elle exprime le rapport qu'un être entretient avec ses semblables donc, par-delà, avec toute l'humanité.
Je distingue deux types de sexualité: une sexualité qui est rapport à l'autre et une sexualité qui est rapport à soi. Une sexualité altruiste et une sexualité égocentrée.
La sexualité égocentrée est d'abord masturbatoire, fétichiste, voyeuse, mais elle ne demeure pas forcément solitaire. Elle peut intégrer des partenaires. Cependant, ces partenaires ont accès à la scène, pas au moi. Ils n'existent que dans la mesure où ils tiennent leur rôle par rapport à l'égo concerné. Le sexuel égocentré se sert des autres comme d'instruments pour atteindre sa jouissance. Les autres sont ravalés au rang d'objets ou d'acteurs tenant un emploi. Si l'autre se révèle comme autre, il devient obstacle, le rapport cesse.
Tout au contraire, dans la sexualité altruiste, l'autre est bien ce que vise l'échange, l'autre avec ses spécificités, ses désirs, ses dégouts, ses rythmes, son regard. La sexualité altruiste n'est ni une sexualité philanthropique ni une sexualité servile. Ne se confondant pas avec le pur service de l'autre, c'est une sexualité qui cherche la rencontre avec l'autre dans l'ordre des corps, du frôlement, de la caresse, du baiser, de la volupté. Quoi de plus beau, comme rapport humain, qu'un être qui jouit de la jouissance de l'autre? Que des yeux qui cherchent le plaisir dans les yeux de l'autre? L'orgasme simultané. L'amour des yeux ouverts.
Notre sexualité n'est qu'un de nos moyens d'exister avec les autres. Ou d'exister sans eux. Dans tous les cas, elle révèle notre ouverture ou notre fermeture aux autres."
La part de l'autre - Eric-Emmanuel Schmitt
Hier, j'ai terminé ce livre. Je l'ai beaucoup aimé.
J'ai aimé le point de départ: si Hitler avait été reçu à son examen, peut-être que cela aurait changé la face du monde?
Oui, peut-être bien!
Parfois, il suffit d'un petit rien pour tout changer.
Mais en plus de cela, l'auteur essaye d'expliquer ce que chacun d'entre nous pourrait être ou devenir. L'influence de nos choix sur nos vies, l'influence de notre compréhension des évènements qui jalonnent nos vies, et qui font de nous ce que nous sommes.
La part du hasard, mais aussi la part de nous-même, de notre façon de voir, de régir, de réfléchir, d'interpréter...
J'ai copié pour vous cet extrait parce que j'ai trouvé qu'il décrit bien les êtres humains. Pas seulement par rapport à la sexualité, mais par rapport à tous les comportements.
Certaines personnes se contentent d'utiliser les autres pour leurs propres besoins, alors que d'autres sont dans le partage. Et cela concerne toutes les relations humaines, et en particulier l'amour et l'amitié.
C'est du moins mon avis.
Et je suppose que ceux qui sont "égocentrés" doivent être drôlement malheureux!
Excellent livre, je l'ai dévoré en une semaine.
Je me suis surprise à lire plus rapidement les pages où ils parle de la vrai vie de Hitler, tellement vite, pour pouvoir finalement passer à l'autre page où il reprenait sa vie tel qu'il aurait pu la mener... Bref, je pense qu'une relecture s'impose pour plus de recul.
Sinon, je vous conseille un autre livre du même auteur (dans la même lignée, réécrire à sa façon l'histoire!) "l'évangile selon Pilate".
Rédigé par : Harissa | 20/01/2010 à 15:38
@ Harissa:
Pareil pour moi, je lisais vite vite la vie du vrai Hitler pour arriver au Hitler virtuel.
Mais cet Adolf m'a un peu déçue vers la fin de sa vie, il était quand même un peu trop "faible" ou "gentil". C'est comme s'il se laissait porter par les évènements sans lutter.
Rédigé par : Massir | 20/01/2010 à 16:32
... Oui mais c'est ça, exactement... Il était devenue un artiste accomplie ... donc par définition il ne lutte pas, il se laisse transporter par ce qui l'entoure et traduit les sensations, les positions, les révoltes... dans ses oeuvres... celui qui veut influer et ne pas se laisser transporter c'est le vrai Hitler, lui il veux changer le cours des événement et il y est arrivé. Malheureusement.
Rédigé par : Harissa | 21/01/2010 à 10:16
@ Harissa:
Ce qui m'a embêtée, c'est lorsqu'il a été trahi par son élève/ami. Il n'a pratiquement pas réagit. Il a laissé faire. Il a subit la trahison et ses conséquences. Ce n'est pas être artiste, c'est être faible ou fataliste.
Rédigé par : Massir | 22/01/2010 à 00:34