Du moins, jusqu'à 7h30.
J'ai donc du dormir juste une petite heure.
Qui est donc le coupable?
Un livre.
L'attente de Ali Bécheur.
Il y a 3 mois, je n'avais jamais entendu parler de Ali Bécheur.
Mais dans notre club de lecture, nous avons une fan de cet auteur.
Elle nous en parle à chaque occasion, et nous a donné l'envie de le connaitre.
La semaine dernière, j'ai acheté mon premier livre de cet auteur: "L'attente".
Je l'ai commencé hier soir.... et je l'ai fini le matin.
J'ai beaucoup aimé ce livre.
Le style. La narration. Les observations de l'auteur.
Toute l'histoire se déroule entre une autoroute menant vers l'aéroport de Tunis-Carthage, jusqu'à l'arrivée à l'aéroport de Paris (probablement Orly, vu que la compagnie est tunisienne!!!).
L'attente.
Le personnage principal va d'une attente à l'autre. D'une queue à l'autre. D'une salle d'attente à l'autre....
L'attente. Les contre-temps.
De longues heures d'attente... alors que la vie par ailleurs continue.
L'auteur part de l'individu pour arriver au collectif.
Un homme qui attend. Des gens qui attendent. Une nation qui attend.
Un homme dont la vie passe, qui se pose des questions. Et qui attend. Quoi? Qui?
Un homme désabusé, dont la vie s'enchevêtre dans le quotidien, dans la routine.
Et qui attend.
Un homme qui attend une autre vie. Un nouvel amour. De la sensualité. De l'amour.
Il observe les autres passagers et imagine leurs vies. Il imagine leurs pensées.
Le livre traite surtout de l'identité des arabes, de leurs attentes, de leurs retards, de leurs comportements... de la vie qui passe, et qui ne les attend pas. Du retard qu'ils ont pris alors que le monde avance.
Depuis quand les arabes sont-ils en attente?
Depuis quand sont-ils en retard?
Et en retard par rapport à qui? A quoi?
Par rapport à un monde qui ne les attends plus?
Par rapport à un monde qui veut leur donner des leçons mais qui leur ment?
Le monde qui avance, impose sa façon de vivre.
Le monde des occidentaux, des découvertes, des inventions... impose sa façon d'être, de penser... à des gens qui ont oublié d'avancer. Qui se sont arrêtés? Qui sont loin derrière?
Pourquoi sont-ils loin derrière?
Parce qu'ils ont oublié d'avancer?
Parce qu'ils se sont perdus en cours de route?
Parce qu'ils attendent? Mais qu'attendent-ils?
Pourquoi tous ces contre-temps?
Qui en est responsable?
Les arabes?
Les occidentaux?
Que sommes-nous donc devenus?
Ce livre est plein de questions, d'observations, de constats, d'espoirs, de désillusions...
Ce livre n'est pas une histoire, je ne pourrais donc vous le raconter.
Mais au fur et à mesure, j'ai marqué des pages. Des extraits que j'aurais aimé partager avec vous. Ensuite, je me suis aperçue que j'ai marqué presque tout le livre. Il est donc impossible de vous recopier tous ces extraits. Je ne peux que vous conseiller de le lire.
Au hasard, j'ai choisi quand même cet extrait, où l'auteur s'interroge sur la modernité:
Si peu qu'il s'élève, le regard s'égare dans le pullulement de la ville. Lego de cubes, de parallélépipèdes s'étageant, se jouxtant, formant des angles d'ombre et de lumières. Ici une tour émerge. Là-bas la boite à chaussures bleue c'est l'hôtel Africa. Au fond une barre, dont le cloisonnement des vitrages réfracte une clarté plus tranchante maintenant. Le soleil s'est hissé au-dessus de la coupole du marabout. A l'ouest, par-delà le miroitement du chenal, un gratte-ciel cuirassé de diamants, siège de quelque banque ou compagnie d'assurances. C'est pas Manhattan, non plus, faut pas croire. Nos buildings, c'est à peine s'ils effleurent la cheville des nuages. Encore aura-t-il fallu que le ciel fût très bas.
C'est juste pour faire moderne. La modernité, voilà notre grande affaire. Comme on ne sait pas par quel bout la prendre, on s'épuise à lui courir après. Dès qu'il nous semble l'avoir rattrapée, enfin, elle s'envole. Loin devant. On l'a en point de mire, mais elle détale. Minuscule, là-bas, à l'horizon. Inaccessible. Nous narguant. Nous abandonnant à la croisée des chemins. Entre les sourates qui assourdissent les coins de rues et les portables qui stridulent à tout bout de champ. L'ordinateur, le numérique, internet. Les icônes du contemporain. Écartelés entre la parole révélée et les multimédia.
Comment relier notre passé à notre futur? La quadrature du cercle. Étonne-toi alors qu'on soit un peu paumés. Immergés dans l'ère de l'apparence. Mais alors jusqu'au cou. Submergés. Du faux semblant. Du triomphe de la télé-réalité. Des paraboles. Des centaines de chaînes qui passent les mêmes séries. Chantent les mêmes chansons. Racontent les mêmes sornettes. Concoctent les mêmes manipulations. Empêtrés que nous sommes dans l'infini diversité de l'Un. De la pensée unique. De la langue de bois. De la Communauté Internationale. Appelle-la comme tu veux, c'est du pareil au même.
Et nous, traînant toujours en queue de peloton. Il y a déjà beau temps que le maillot jaune a franchi la ligne d'arrivée que, loin derrière, nous suons sang et eau pour tâcher de rentrer dans les délais. On s'évertue pourtant à nous seriner de leçons de modernité, matin et soir. A nous en tartiner à l'heure du déjeuner, du dîner. Rien à faire. On est pas doués pour, faut croire.
L'Occident ne cesse de nous mitrailler de modernité à travers les ondes cathodiques. Des siècles que nous avons désappris de l'inventer, la modernité. Depuis Haroun Er-Rachid, ou peu s'en faut. C'est un produit d'importation, la modernité. C'est ainsi que s'édifièrent les empires coloniaux. A coup de modernité. A coup de machines, de bateaux, de trains, d'avions. Et aujourd'hui d'ordinateurs, de téléphones mobiles, d'internet... Les armes viennent en appoint. Quand tu n'inventes plus ta modernité, ce sont les autres qui l'écrivent pour toi. Ne reste plus qu'à la copier. Bêtement. Servilement. L'inventeur de la modernité est le maître de ton avenir. Et alors il t'impose le sien. Deux mondes. Celui où on invente l'avenir, celui où on le subit. C'est affaire d'espace, pas de temps.
Question. Pourquoi un jour a-t-on cessé d'inventer notre avenir? Peut-être parce qu'on s'est fatigué à inventer Allah. L'algèbre. La nomenclature des autres. Fatigués à inscrire le paradis d'Allah sur une terre ingrate. A ciseler dans le stuc des stalactites au milieu de jardins de roses, de miroirs d'eau cernés de cyprès. Et maintenant c’est trop tard. Trop de retard accumulé. Maintenant on est largués. Et c’est pas d’hier. On l’a laissée derrière nous, notre modernité, un âge d’or, brocards et damas, bassins réfléchissant des dentelles de pierre, vasques où pleuvent des jets d’eau, jardins de délices... Tous ces cache-misère de la nostalgie millénaire.
J'espère que cet extrait vous a plu.
Le seul point qui m'a "embêté" dans ce livre, sont les répétitions. Quelques répétitions parfois. Dommage.
Paru en avril 2007, "L'attente" est le sixième roman de Ali Bécheur. Il a obtenu le grand prix du roman tunisien de langue française, décerné par Fouq Essour.
Ali Bécheur, deux fois lauréat du prestigieux prix Comar d’or, n’a cessé au fil des années et des œuvres de confirmer une vocation première, devenue aujourd’hui la voix la plus originale de la littérature tunisienne d’expression française.
J'ai hâte de lire d'autres livres de ce même auteur.
Ravie de te voir adhérer à ma cause:)
Rédigé par : Misscook | 04/01/2010 à 18:53
Et toi?
Tu as adhéré à ma cause Ghitanienne?
:-))
Rédigé par : Massir Destin | 04/01/2010 à 23:43
Commentaires déposés sur facebook:
Sara:
ali becheur!! il faut lire de miel et d'aloes, et aussi tunis blues!!! c'est vraiment tres poignant !
Loula
Je suis fan fan fan... Le Paradis Des Femmes: à lire aussi :) quelques autres nuits blanches à venir :))
Dania:
J'aimerais bien le lire , merci Massir :)
Simoi:
merci! tu me donnes très envie de le lire aussi :)
Khémais Khayati
au moins tu viens de le découvrir...
Mahmoud Bédoui
Massir, à part le livre de Yasmina Khadra, "Ce que le jour doit à la nuit" et que j'ai jeté à la poubelle, je me suis juré depuis cinq ans de ne lire aucun livre tant que je n'ai pas terminé le mien, pour ne pas être influencé par aucun auteur. Ce livre qui m'a pris plus de...25 ans est enfin terminé. Dés lors, je vais m'y mettre à lire. Mon choix premier pour un auteur tunisien est celui qui vous a fait passer une nuit blanche (de rêve). C'est aussi une promesse que j'ai faite à une amie.
Bonne lecture à tous.
Rédigé par : Massir Destin | 04/01/2010 à 23:45
Une critique ne vaut que si elle est signée. Or toute cette page garnie de "MON avis", "MON blog"... reste anonyme! Pourquoi devrais-je tenir compte de l'avis de quelqu'un qui se cache?
Rédigé par : Kalte l'étoile | 14/06/2011 à 12:40