Il a fallut interrompre une réunion et courir comme une folle pour être à 18h à La Marsa, et j'ai malheureusement raté les premières minutes du film, mais cela valait vraiment la peine de courir parce que le film est vraiment très très beau.
Karin Albou a eu l'idée d'écrire ce film en constatant qu'elle perdait des amies intimes, "soit après qu'elles se soient mariées, soit lorsque moi-même je me suis mariée". "Non
que je le vive comme une fatalité, mais cela m'a amenée à réfléchir sur
la force des amitiés de jeunesse, travaillées par un désir inconscient,
un amour fusionnel et exclusif, un besoin pressant d'identification , explique la réalisatrice. En
général, mes désirs de film partent d'un non dit, d'une zone d'ombre et
de silence que j'ai besoin d'explorer en moi. Je pensais que ma
famille, étant d'origine nord-africaine, n'avait pas du tout été
touchée par la guerre. Un jour par hasard, j'ai découvert des lettres
de mon grand-père, qui m'a élevée comme sa fille. J'ai interrogé ma
grand-mère et j'ai appris que les juifs d'Algérie avaient été déchus de
leur nationalité française pendant la guerre. Comme Tita que j'incarne
dans le film, ma grand-mère ne pouvait plus travailler car elle était
juive. Quant à mon grand-père, ses décorations de guerre lui ont permis
de rester français et de bénéficier du statut de prisonnier de guerre
et d'échapper à la déportation, bien qu'il ait fini la guerre dans un
camp de concentration en Espagne. Ces non-dits familiaux m'ont donné
envie d'entreprendre des recherches historiques sur cette période,
couplées il est vrai à mes études : j'ai découvert qu'il y avait eu six
mois d'occupation allemande en Tunisie et que la plupart des
nationalistes arabes à l'époque étaient pro-allemands."
Karin Albou a choisi de situer cette histoire d'amitié entre Nour et Myriam pendant la Seconde Guerre mondiale, "car il s'agit d'un moment historique peu connu, qui n'est pas lisse et se révèle plein d'ambiguïtés et d'aspérités ". "Ces ambiguïtés ont été explorées en littérature (par Mohammed Dib entre autres), mais pas au cinéma, raconte la réalisatrice. Beaucoup
de films parlent de la Seconde Guerre mondiale, mais tous les récits
sont situés en Europe. Aucun n'a témoigné de la manière dont cette
guerre a été vécue dans les colonies et protectorats. Mon désir était
de décrire les répercussions de cette occupation allemande sur les
personnages : comment, dans une situation extrême, chaque personnage,
jeté dans la guerre, est confronté à sa propre monstruosité."
Plus d'infos sur ce film
J'ai beaucoup aimé ce film. Il est très "délicat". Tout en douceur. Très sensuel. Attendrissant.
On voit les relations entre les deux jeunes filles, elles s'aiment, elles essayent de résister aux pressions externes, elles sont solidaires, elles s'entraident, elles font des découvertes... mais elles se jalousent aussi. Beaucoup d'émotions se dégagent de ce film.
"Pur moment de douceur, étoffe tissée avec les fils de Nour et de
Myriam: leurs envies, leurs espoirs, leurs regards, leurs baisers,
leurs attouchements presque lesbiens sur fond de la trivialité des
mères et des femmes déjà mures.
Et c'est ce moment délicat de l'entre- deux que nous dégustons grâce au talent de Karin." (Paperblog)
Tous les avis sont apparemment unanimes. Beau film. Je vous conseille de lire les diverses critiques et appréciations que l'on trouve sur le net.
Personnellement, ce film a fait aussi remonter beaucoup de souvenirs: eddar el arbi, tirer l'eau du puit, les préparatifs de mariage... des souvenirs d'enfance de l'époque où je passais mes vacances chez mes grand-parents, et que malheureusement les enfants d'aujourd'hui ne connaitront probablement pas. Et puis, la maison de Raoul, le fiancé de Myriam, était magnifique. Belles faïences, beaux meubles, belles scupltures... Une vraie merveille. Les costumes aussi étaient splendides. Des dentelles comme on n'en voit plus de nos jours!
Ce qui m'a "chagrinée" dans ce film, est un petit détail, c'est vrai, mais... Les acteurs principaux, et particulièrement celle qui joue Nour, ont un accent. Pourquoi ne parlent-ils pas Tunisien?
J'ai posé la question à la réalisatrice lors du mini-débat qui a suivi la projection du film. La réponse était toute simple: il n'y avait pas d'actrices tunisiennes prêtes à jouer nues!
Même les figurantes du hammam n'étaient pas tunisiennes.
Cela m'a étonnée. Et le film "Halfaouine"? Les actrices étaient pourtant nues!
Mais il parait que les mentalités ont changées depuis, et que de nos jours, les tunisiennes, et en général les actrices arabes, refusent de se dénuder au cinéma. Beaucoup, parait-il, refusent les baisers, les caresses...
D'ailleurs, quelque chose m'avait étonnée lors de la projection du film: pendant la scène de l'épilation pour la préparation de la mariée, une dame voilée s'est couverte les yeux et a quitté la salle de cinéma. Plusieurs personnes l'ont aussi remarquée. Elles en ont parlé à la réalisatrice qui nous a appris qu'à Paris, il s'était passé la même chose et que plusieurs spectatrices avaient quitté la salle. No comment!
La remarque d'un spectateur m'a aussi interpelée. Il s'agissait d'un tunisien juif. Il a dit qu'à l'époque, les tunisiens, musulmans ou juifs, vivaient en parfaite harmonie, mais que l'élément étranger, ici donc le français et l'allemand, ont été ceux qui avaient brisé cette harmonie.
J'ai toujours entendu mes grand-parents et mes parents nous raconter leurs amitiés avec les tunisiens juifs. Il n'existait à l'époque aucune différence entre eux. Ils avaient d'excellentes relations de voisinage, d'amitié...
Ce film s'achève sur une note optimiste. Malgré tout ce qui a pu séparer les deux amies, malgré leurs intérêts contradictoires, malgré le racisme naissant, malgré la méfiance qui s'est immiscée entre elles... elles finissent dans les bras l'une de l'autre, dans une prière commune, chacune dans sa "religion".
Et ce qui est frappant, c'est que cela a aussi été possible grâce au père de Nour, qui a eu la sagesse de lui montrer un verset du Coran qui prône la tolérance entre les gens.
En fait, c'est une réalité, les vieux sont bien plus tolérants que les jeunes!
J'espère que ce film sera programmé dans les salles de cinéma pour qu'un grand nombre de personnes puisse le voir.
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