J’ai lu, dernièrement, le livre d’Albert Memmi ((1) (2)), «Le Pharaon». En couverture il est dit que ce livre «relate la rencontre avec l’Histoire, l’émergence stupéfiante de la nation tunisienne. S’y insère une aventure amoureuse qui, malgré ses emportements du cœur et de la chair, ne pâlit pas devant la violence de l’Histoire…».
Pour moi, ce n’est pas vraiment cela que relate le livre. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’amour, d’une histoire d’amour essentiellement, et qui accidentellement se passe en Tunisie lors de la lutte pour l’indépendance.
Il est vrai qu’on y parle un peu des mouvements patriotiques, des fellaghas, de Bourguiba, de Mendés France… D’ailleurs, on remarque à quel point l’auteur admire Bourguiba, et je ne lui donnerais pas tort sur ce plan.
Mais pour moi, comme je l’ai dis plus haut, il s’agit surtout d’une histoire d’amour. Une banale histoire d’amour entre le mari, la femme et la maîtresse. L’éternel trio infernal en fait.
Lorsque je dis «banale», je ne veux pas dire que cette histoire est banale, je veux simplement dire que de nos jours, de telles histoires sont tellement nombreuses qu’elles en deviendraient banales.
Armand est un homme d’un âge certain. Il mène une vie routinière, réglée comme du papier à musique, entouré de sa femme, de son associé, de ses enfants… Lorsqu’un jour, entre dans sa vie une jeune femme.
Nous assistons dans ce livre aux bouleversements, bonheurs, souffrances… que cette rencontre va occasionner à Armand. Armand pour qui cette rencontre est une occasion de tout recommencer, une renaissance en fait.
Armand se remet donc en question. Il remet tout en question, sa vie, ses attentes, ses relations avec ses amis, sa famille, son travail… Tout en fait. Tout est chamboulé par cette rencontre.
Cette jeune femme va tomber amoureuse d’Armand. Est-ce pour elle une façon de remplacer son père absent?
Quoi qu’il en soit, elle deviendra vite exigeante, elle voudra plus, toujours plus d’Armand.
En ce qui me concerne, je n’ai pu avoir aucune sympathie pour cette jeune femme. Pour moi, elle est l’intruse, la pièce rapportée, l’empêcheuse de tourner en rond… Celle par qui les souffrances arrivent…
Je ne peux avoir aucune empathie ni sympathie pour une personne si égoïste: elle arrive, elle veut, elle exige… A-t-elle même pendant quelques secondes pensé à l’épouse et aux enfants de son amant?
Pas du tout. Elle veut Armand, point à la ligne. Elle n’a pensé qu’à elle-même, à ses désirs, à l’amour qu’elle pense porter à Armand… Peu importent les conséquences. Et c’est cela qui me révolte dans ce genre d’histoires. Les maîtresses ne pensent qu’à elles-mêmes, jamais aux autres.
L’auteur essaye de nous dire qu’elle n’est peut-être elle-même que la «conséquence» de son enfance: une mère infidèle qui un jour l’a abandonnée, un père qui souffre de cet abandon et qui sera stricte et absent…
Pour moi, les deux personnages les plus importants sont Armand et son épouse, Allégra. En fait, Le personnage le plus important est Armand, c’est à travers lui que nous verrons les autres personnages. Le livre relate les questionnements d’Armand, les pensées d’Armand, les souffrances d’Armand…
Armand est déchiré entre ses deux femmes. L’une, la jeune maîtresse, lui donne une nouvelle jeunesse, une impression de revivre à nouveau, une occasion de sortir de sa routine… mais au prix de grands déchirements et de sacrifices. L’autre représente un passé commun, un foyer, une famille, des enfants, des racines…
A la découverte de l’infidélité de son mari, la souffrance de l’épouse est intolérable. Je trouve que l’auteur a trouvé les mots justes pour la décrire. Cette souffrance immonde qui irradie dans le corps de l’épouse trompée. Cette souffrance sourde qui tort le ventre, qui arrête le cœur, qui fait mal, vraiment mal, un mal indescriptible. Cette souffrance oppressante, qui ne quitte plus le trompé, qui l’écrase, qui l’étouffe, qui le plie en deux, qui le fait hurler.
«Pour Allegra, la trahison d’Armand fut un coup de tonnerre; jamais auparavant, elle ne l’aurait crue possible; certes, tout parle d’infidélité, les livres, les films, les discussions avec ses amis, mais cela ne pouvait concerner que les autres.»
«C’était Allegra qui parcourait le couloir, montait et descendait l’escalier. Le somnifère n’avait pas agi; elle en avait pris un autre, en vain. Elle se tordait les mains de désespoir.
- C’est affreux! Je ne sais que faire! J’ai la tête pleine de scènes horribles, toi avec cette putain…(…)
- … cette salope! Cette voleuse! Je la tuerais! Tu verras que je la tuerai!…».
«L’état d’Allegra avait empiré. Elle maigrissait de façon alarmante… Elle dormait à peine; son somnifère habituel n’agissait presque plus, elle en doubla la dose sans effet notable. Entre deux crises de violence, comme un enfant qui a besoin d’être rassuré, elle implorait Armand.
- Prends-moi dans tes bras! Tu m’aimes, n’est-ce pas?
Il n’avait pas besoin de répondre, elle répondait à elle-même: «je sais que tu m’aimes.»
Il la prenait dans ses bras avec un embarras où il ne savait distinguer entre l’évocation émue de leur amour enfui, le remords, la pitié et le sentiment d’une odieuse comédie. Elle s’assoupissait, mais cela ne durait guère, elle se réveillait en hurlant: «je vous vois! Je vous vois entrain de faire vos cochonneries! Elle est sur toi, l’ordure! La salope! La putain!». Même dans la journée elle n’arrivait plus à chasser de son esprit les images qui la torturaient…
«Elle ne voulait plus sortir de la Villa… mais ne supportant pas d’y être enfermée, elle faisait le tour du jardin, longeant la clôture comme un fauve, une aliénée prisonnière de ses angoisses.»
«N’ayant plus la force d’affronter la trahison d’Armand, Allegra entra dans le cycle médicamenteux des malades de la vie: tranquillisants, somnifères, euphorisants, excitants, calmants, etc. Elle exigeait qu’Armand restât avec elle à la Villa, où elle le soumettait à d’épuisants interrogatoires, le coinçait par des questions croisées, lui tendant des pièges où il finissait toujours par tomber, furieux de s’être laissé prendre en se jurant de ne plus lui répondre. Dès qu’il mettait un pied dehors, elle le traquait, le suivait à la trace. Sous des prétextes enfantins, elle téléphonait à la boutique, elle qui naguère n’en connaissait même pas le numéro par cœur. (…) Faisait-il mine de résister, marquer une pause, sur un mot, une phrase, souvent innocents, qui pussent se rapporter à leur drame, le visage d’Allegra se vidait de son sang, ses mains tremblaient et elle reprenait son air hagard, comme si elle fixait à l’intérieur d’elle-même quelque monstre horrible. Elle ne sortait de cette fascination muette que pour éclater en reproches, en accusations insensées….»
«La souffrance d’Allegra déborda, se répandit autour d’eux, se révéla à tous. Elle qui au début, avait si peur du ridicule ne cachait plus son malheur. Elle en parlait en public, avec cette ironie complaisante des romantiques qui affectent de mépriser la douleur pour mieux la braver. Elle décrivait son mal comme un abcès monstrueux, un mal pernicieux dont elle se trouvait affligée, et dont son époux était la cause persistante. Armand, honteux de ce rôle qu’il jouait malgré lui, ne savait comment mettre un terme à cette indécence.»
Allégra n’était pas la seule à souffrir de cette «tragédie» qu’est l’infidélité de son mari. Ses enfants aussi en souffraient. Et le plus étonnant, Armand aussi. Il en souffrait beaucoup. D’un coté, il se sentait fol amoureux de sa jeune maîtresse qui le sortait de sa routine, qui lui faisait oublier son âge, d’un autre coté, il ne pouvait se résoudre à quitter Allegra. Il s’en voulait aussi de la faire souffrir.
«… comment éviter la souffrance destructrice de l’autre?
Comment affronter l’insupportable, l’incontournable souffrance d’Allegra? Fallait-il quitter Allegra, rester avec Allegra? Quelle serait la meilleure solution pour elle comme pour lui? Quitter Allegra la transformerait en une créature hagarde, aux gestes saccadés, à la bouche tordue.
Comment prétendre aimer toute l’abstraite humanité si l’on accepte d’être le bourreau d’un être de chair et de sang? Comment repousser une femme qui nous tend les bras? N’est-ce pas l’enfant qui crie en elle?»
«… la souffrance la rendait folle. La fragilité intérieure d’Allegra fut la grande révélation de cette terrible période; elle fut aussi son arme et sa sauvegarde. Armand se demandait parfois si elle n’allait pas, dans l’une de ses crises, se livrer à quelque acte insensé, se fracasser la tête contre un mur ou se saisir d’un couteau. Il lui aurait pardonné, il lui pardonnait tout à cause de cette souffrance qu’il sentait en elle, et pour laquelle il se détestait et la détestait. «Comment puis-je la mettre dans cet état? ».
«C’est la dernière fois, je ne recommencerais plus.»
Mais il recommençait, il le savait, il ne pourrait pas s’en empêcher, et il serait encore rempli d’horreur contre lui-même et de colère contre elle d’avoir encore utilisé ce chantage si vulgaire.»
Il doutait de tout, il doutait de lui-même. Il ne s’occupait plus de ses enfants, il ne pouvait plus travailler…
Et le doute. Le doute pernicieux concernant sa maîtresse si jeune. Un jour, elle le quitterait. Un jour, lorsqu’il sera vieux, où lorsqu’elle ne l’aimera plus. Un jour… Peut-il même être sur de sa fidélité? Non. Elle le lui a même dit.
Alors qu’Allégra… «… moi, je ne te quitterais jamais, parce que moi, je t’aime. Je t’ai aimé depuis que je t’ai vu à Paris, je n’ai jamais cessé de t’aimer même lorsque je te détestais.
Armand du convenir qu’il n’en avait jamais douté, même s’il n’y prêtait guère attention, comme on est certain de posséder un bien sans avoir besoin de le vérifier sur l’acte notarié. Il eut presque envie d’exprimer sa gratitude à Allegra.»
Et si Allégra avait, elle aussi, trompé son mari?
« -Si je l’avais fait, tu ne l’aurais pas supporté, ajouta Allegra comme si elle avait deviné sa pensée.
Il dut convenir qu’elle avait raison; il en aurait souffert. Il ne se permettait de telles audaces que parce qu’il les savaient gratuites. Allegra supportait tout ce qu’il lui faisait endurer, parce qu’elle l’aimait. Il n’en avait jamais vraiment douté. (…) Armand incarnait son destin; il lui aurait paru inconcevable de vivre sans lui. (…) Mais curieusement, cette ténacité d’Allégra n’effrayait pas tant Armand; au contraire, elle le rassurait.»
Pourquoi Armand ne quittait-il donc pas sa femme puisqu’il pensait tant aimer sa maîtresse?
«… en effet, pourquoi ne partait-il pas? A-t-il besoin, pour la quitter, de la permission de sa femme? Et soudain, avec une évidence très forte, il comprend que oui, il a besoin de son accord; il sait même pourquoi: s’il partait avec l’accord d’Allegra, il pourrait un jour, si besoin en était, revenir, réintégrer la Villa. La vérité est qu’il veut, de cette manière, garder Allégra; la vérité, presque comique, est qu’il veut garder toutes les deux, l’âge mûr et la jeunesse, le calme et l’agitation, le rêve et la sécurité. »
Malheureusement, tel est le choix que voudraient pouvoir faire tant d’hommes. Ils veulent les deux. Pourtant, cette situation ne fait que des malheureux. Mais ils sont ainsi: égoïstes. Ils veulent les deux tout en sachant que cela est impossible.
«Même Allegra, que l’idée de perdre Armand plongeait dans un désespoir morbide, ne comprenait pas davantage pourquoi il ne la quittait pas. Au cours de ces scènes innombrables où la fatigue les transformait en somnambules, en machines à paroles, Armand avait fini par convaincre sa femme qu’elle n’avait pas su le rendre heureux. Force avait été à Allegra de l’admettre avec une insupportable douleur; elle en demeurait abasourdi, comme lorsqu’on apprend que l’on n’a pas su aimer un enfant qui, un jour, vous le crie à la figure. On a beau s’en étonner, se le reprocher, essayer de se souvenir de ses erreurs, il est déjà trop tard. Elle continuait à pratiquer les rites sur l’autel conjugal, sans la foi mais avec plus de minutie encore qu’autrefois, dans l’espoir insensé que, de la braise qui couvait sous la cendre, surgisse quelque flammèche. Et parce que, dans cette symbiose très mystérieuse qui se forme entre un homme et une femme, les racines communes deviennent plus énormes que les troncs respectifs, de sorte que l’arrachement de l’un risque de déchirer l’autre; parce que, de toute manière, elle n’aurait pu survivre autrement. »
Armand a essayé de rompre avec sa jeune maîtresse à plusieurs reprises. En vain. Dès qu’elle l’appelle ou se manifeste, il court auprès d’elle.
Mais Armand n’est pas heureux. Il est déchiré. Il n’est plus lui-même. Il est double. Il est tricheur. Il est menteur. Il vit en se cachant…
Est-ce à cela qu’il aspirait?
Et puis, aucune des deux femmes n’est heureuse. Chacune voulant plus, chacune exigeant d’occuper la meilleure place dans sa tête, dans son cœur. Chacune voulant plus et même tout. Où est le repos d’Armand?
Et sa jeune maîtresse, si elle devenait la seule dans sa vie, s’il vivait avec elle, s’il partageait sa vie, ne se transformerait-elle pas en épouse? «Fallait-il bouleverser sa vie et celles de tous pour se retrouver dans une nouvelle prison, derrière d’autres barreaux et dans d’autres renoncements certainement plus pesants?»
Armand ne sait plus quoi faire ni que penser. Il ne se sent pas bien dans sa peau. Il va rompre. Il ne peut que rompre d’avec sa maîtresse. Comme elle lui a si bien dit, il veut se retrouver lui-même.
La vie et les circonstances se chargeront de les séparer. La jeune maîtresse fera sa vie avec un jeune homme.
Reste Armand.
Armand qui comprend finalement que son salut dépend de sa tranquillité d’esprit, dans son travail, dans sa famille, de cette routine qu’il croyait détester mais qui est quand même salutaire.
Armand ne veut plus de cette vie double, de ces mensonges. Il veut retrouver sa vie d’avant, celle qu’il menait au grand jour.
Et surtout, suite à un cauchemar, Armand va comprendre que sa femme, Allégra, fait partie de lui-même. Elle est son port d’attache, qui s’il venait à disparaître, le laisserait dériver à l’aveuglette.
«…il se mit à appeler: Allegra!, curieusement certain qu’elle ne pouvait être loin et qu’elle seule pourrait lui apporter apaisement et sécurité. Allegra avec ses manies, son organisation domestique, ses préjugés, son sacro-saint bridge, était l’image réfléchie de cette cohésion, qu’il avait toujours recherché, patiemment construite, sans se l’avouer, sans l’avouer à personne. (…) Oui, Allegra fait partie de ma coquille; si je devenais infirme, aveugle ou paralytique, mieux vaudrait que je continue à vivre au milieu de cet espace familier dont je connais le volume, le nombre de pas et les moindres aspérités agaçantes et rassurantes; sans Allegra, trop vieux prisonnier libéré, je me heurterais, me blesserais au monde, je serais amnésique et nu.».
Je trouve que l’auteur a su trouver les mots justes pour traduire les pensées d’Armand et décrire l’état des autres personnages.
Très beau livre sur les questionnements que l’on peut avoir à une certaine période de sa vie, lorsque l’on prend soudain conscience que les années ont passées. Crise de la quarantaine pour certains, crise de la cinquantaine pour d’autres, ou crise existentielle tout court.
Finalement, comme le dis aussi bien Voltaire dans «Candide», que Paolo Coelho dans «L’Alchimiste», et d’une façon beaucoup plus accrue ici, plus réfléchie et mieux décrite, on ne trouve son vrai bonheur qu’en cultivant son jardin. Bonheur et sérénité que l’on cherche parfois très loin, et qui pourtant sont juste à coté parfois.
To divorce or not to divorce? That is the question!
Encore un seul paragraphe, et tu aurais écris un autre bouquin ..
(lol)
Plus sérieusement, rien n'est définitivement acquis dans la vie, même pas sa propre vie !
Rédigé par : Heliodore | 10/09/2008 à 13:19
ca donne envie de le lire !
Rédigé par : koikoi | 10/09/2008 à 13:39
Bonjour Massir, je trouve que tu as bien résumé le roman, mais d'un seul point de vue, ce qui est légitime s'agissant de multiplier les lectures et les pistes, mais ce qui ressort également, et ce qui est encore d'actualité, c'est cet écartèlement identitaire que vit Armand à un moment historique où tout allait basculer. Ce dernier n'arrive pas à se décider, entre sa communauté hostile à l'indépendance, ses engagements pour la liberté du peuple, entre sa femme et sa maitresse (l'histoire d'amour ne fait qu'accentuer ce déchirement), etc. C'est encore d'actualité, parce qu'on se pose encore la question de l'identité et de ses implications...
Rédigé par : alaeddine ben abdallah | 10/09/2008 à 14:47
@ Héliodore:
J'ai du me forcer pour ne sélectionner que ces extraits là!!!!!
@ Koikoi:
Regale-toi!
@ Alaeddine:
Ce n'est justement pas un résumé. C'est pour cela que j'ai mis un titre différent de celui du livre. Je ne parle que d'un seul aspect de ce livre. L'aspect qui m'a le plus parlé.
Rédigé par : Massir | 10/09/2008 à 20:54
Albert Memmi serait il aussi fort dans ses ouvrages qu'il réussit à mettre tous les lecteurs dans la peau d'Armand? la faute est-elle seulement celle de la maitresse? de la routine? l'écrivain aurait-il réussi à convaincre un femme, toi Massir que la trahison est pardonnable qu'Allegra avec sa position aussi passive et résignée est le modèle de l'épouse à suivre?
Ou est-ce un sentiment de toi Massir qui a peur de la 'maitresse' et qui veut se convaincre que la première finit toujours par triompher comme si cette guerre est légitime à la base, comme si l'homme n'est qu'un être faible manipulable par nature qui se laisse couler comme l'eau dans une rivière? comme si l'homme n'est pas celui qui est censé prendre les décisions les plus importantes et être par définition le pilier de la stabilité et de la sécurité dans la famille et pour les enfants...
La maitresse est égoiste, il l'est plus, elle immature il l'est davantage,...la différence c'est que la maitresse n'a rien à perdre tout à y gagner et son age peut lui servir de 'justification illégitime' mais pas lui...
Ta description pour la souffrance de la femme, Massir, parait si réelle, et c'est cette même souffrance qui rend une blessure aussi profonde incapable de guérir, c'est cette même blessure qui éloigne les regards des yeux qui se croisaient autrefois en tout amour et en toute sécurité et confiance. Rien ne sera jamais comme avant.
Rédigé par : Brise Tunisienne | 11/09/2008 à 01:23
Ce qui m'a le plus marqué dans ton analyse ... non, pas marqué, profondément touché, .. c'est la DOULEUR, ces nœuds dans l'estomac, ces coups de poings dans le ventre, ce feu qui monte dans la gorge, ces couteaux qui transpercent la poitrine ... on ne sait plus si on est brisé ou remonté à bloc, une souffrance insoutenable ezzah !!!
Et puis la pluie de questions: pkoi il me fait ça? comment a-t-il pu faire ça? comment je dois réagir? keske je fais: j'en parle calmement, je laisse passer, je m'emporte ou je me casse sans dire un mot? Et surtout: comment je vais survivre à ça, à lui, à nous?
et les larmes coulent ... la tête explose, la gorge se noue, la respiration s'arrête ...
Finissent-ils tous, tôt ou tard, par infliger ce type de vacheries?
Rédigé par : Soraya | 11/09/2008 à 03:12
@ Brise tunisienne:
As-tu lu le livre?
Et d’ailleurs tu as raison, Albert Memmi est tellement fort que l’on ne peut s’empêcher (du moins moi) d’éprouver de la sympathie pour Armand.
La faute est-elle seulement celle de la maîtresse?
Sûrement pas. C’est la faute de tous quelque part, y compris de l’épouse qui délaisse un peu son mari.
Mais en ce qui me concerne, et c’est vrai que je déteste les maîtresses (je suis une épouse!), la maîtresse est la plus fautive de tous. C’est peut-être niais ce que je dis, mais si toutes les maîtresses refusaient d’être complices d’adultères, il y aurait sûrement beaucoup moins d’adultères. Je sais, c’est du n’importe quoi ce que je dis. Mais c’est ainsi, et je revendique ma naïveté à ce sujet. Si elles disaient toutes NON….
Par contre, Albert Memmi ne dit en aucun cas que l’exemple d’Allégra est l’exemple à suivre. Ce qui m’a émue dans le livre, c’est qu’il ait à ce point réussi à bien décrire sa souffrance. Parce qu’elle souffre. Énormément. Bien plus qu’on ne peut l’imaginer.
Et j’ai trouvé le processus décrit par Memmi très réaliste.
Allégra, à la fin du livre va quant même tromper Armand. Elle se vengera à sa manière.
Concernant Armand, je ne dirais pas que son infidélité est pardonnable, je dirai plutôt qu’elle est explicable. D’autant plus qu’elle intervient à un moment crucial de la vie d’Armand. Non seulement, il prend de l’age et fait sa crise existentielle, mais en plus, les circonstances faisaient que dans son propre pays, Armand subissait une crise identitaire. Être un Tunisien JUIF à cette époque-là n’était pas de tout repos. En plus, Memmi nous explique que quelques part Armand se sentait plus tunisien que juif. Il va participer au mouvement de l’indépendance de son pays. Mais une fois cette indépendance acquise, que lui arrive-t-il?
Sa religion juive va, pour ses compatriotes musulmans, prendre le dessus sur sa nationalité tunisienne.
Je le répète, l’infidélité d’Armand n’est pas excusable, elle est juste explicable.
Par contre, malheureusement, même aujourd’hui, en 2008 en Tunisie, l’infidélité masculine est devenue presque normale, alors que l’infidélité féminine est toujours décriée. Injustice flagrante.
D’ailleurs, je me demande si Albert Memmi n’a pas fait exprès de situer l’infidélité d’Allégra en France.
Tant qu’elle vivait en Tunisie, Allégra, femme au foyer était plutôt résignée. Par contre, Allégra en France, devenue femme active, a pris un amant.
Rien ne sera jamais comme avant. C’est certain.
Cela me rappelle une métaphore qu’emploi souvent une parente à moi. Elle dit qu’une relation de couple, c’est comme un beau vase en cristal. Pur et transparent. Lorsqu’il y a infidélité, le vase va s’érafler ou même se casser. On pourra le recoller, mais JAMAIS il ne redeviendra aussi pur et transparent qu’avant. On verra toujours les « cicatrices » et les morceaux collés. Et c’est vrai.
@ Soraya:
Il ne s’agit pas de MON analyse, il s’agit de celle d’Albert Memmi. Mais comme sa description de la souffrance d’Allégra, dans ses différentes étapes, est réelle. C’est impressionnant. Il a vu si juste! Et toi aussi d’ailleurs. Ta description est parfaite. Si parfaite qu’elle en est palpable!
Rédigé par : Massir | 12/09/2008 à 13:15
La souffrance decrite est exacte. C'est comme avoir un anaconda dans le ventre et il ne vous laisse point tranquille. On voudrait bien se reprendre mais on n'y arrive pas.
La faute pour moi ne revient qu'a Armand. Il n'aimait pas sa femme, un point c'est tout. Tu ne fais pas a autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse (d'autant plus quand c'est une personne qu'on aime). Il y aura toujours plus belle et plus jeune, est-ce que cela vaut la peine de sacrifier son mariage. Si oui eh bien dis le et barre toi mais ne trompe pas. La tromperie salit non pas seulement le trompeur mais aussi le/ la trompe/e. C'est humiliant. C'est fou qu'on se sent nul apres. c'est pourquoi beaucoup trompe a leur tour: pour se prouver qu'on peut toujours seduire et rendre hereux/se quelqu'un/e d'autre. Faut avoir du cran pour y resister. Parceque voyant que ce qu'on avait n'etait que mirage, on regarde ailleurs avec un autre regard, sans inhibition.Mais il ne faut pas se leurrer, la bonne personne on ne l'aura jamais car elle n'acceptera jamais de tromper et de s'abaisser a son tour.
Rédigé par : jade | 04/02/2010 à 15:29
@ Jade:
Comme je suis d'accord avec toi!!!!!
Rédigé par : Massir | 04/02/2010 à 15:34
pourquoi doit on chercher des excuses pour celui qui trahit? "tu n'as pas su me rendre heureux"!! et depuis quand c'était la tache de l'un des partenaires? Allegra ce voit ici porter une douleur double: la trahison et le chatiment de sa conscience d'avoir été une mauvaise épouse!! et c'est Armand qui porte l'image du Martyr, le pauvre il "subit" la douleur du tiraillement entre deux poles et ne sait que choisir!!! le bonheur d'un couple ce construit à deux et s'entretient à deux, à force de sacrifices (mutuels), d'accords, de désaccords, d'experiences, de partage... trahir ne s'excuse pas, il se condamne!! meme si certains cherchent à défendre de "nouvelles valeurs" au nom de "l'humanisme", des valeurs qui n'en sont pas!!
Rédigé par : riri | 04/02/2010 à 17:51
Il y a deux sortes de tromperie; celle qui n'engage pas l'amour mais les sens et celle qui, telle une vague, détruit tout sur son passage : la passion amoureuse! Une aventure ou deux, parenthèses parfois bassement hygiéniques, souvent motivées par l'inévitable "envie d'aller voir ailleurs" devraient, sincèrement, de part et d'autre, rester secrètes car elles n'engagent pas le processus "vital" du couple. Par contre, la passion amoureuse paralyse, assèche la gorge, provoque des tremblements, crée de bizarres attitudes que l'on ne connaissait pas aux personnes intéressées, des pertes de mémoire du genre oublier de ramener le pain, être pressé de sortir, dire n'importe quoi, en un mot : on devient "bizarre"! Et puis dès que l'intéressé(e) est présent(e), on oublie tout le reste, on se jette des regards qui racontent, mieux qu'un livre, les flammes qui dévorent les entrailles, on devient "bête" car on oublie même la présence des autres! Et contre CELA, on ne peut rien; la morale ni la religion, l'amour ni la respectabilité ne peuvent "ouvrir les yeux" du candidat au plongeon! Je comprends les déclarations de celles et ceux qui condamnent ou qui croient que cela ne leur arrivera jamais. Ils, elles n'ont pas connu la Passion Amoureuse. Je ne sais pas s'il faut le leur souhaiter...
Rédigé par : Karim | 05/02/2010 à 11:43
@ Riri:
Totalement d'accord!
Rédigé par : Massir | 09/02/2010 à 04:06
@ Karim:
Et qu'est-ce qui fait la différence entre l'animal et l'être humain?
Rédigé par : Massir | 09/02/2010 à 04:08
Bonjour,
J'ignorais que l'animal était capable d'éprouver un sentiment aussi beau, AUSSI UNIQUE que la passion amoureuse! L'animal copule; l'être humain aime, trompe parfois, désire, courtise; il ne se jette pas sur "tout ce qui bouge". La passion amoureuse est très souvent plus belle que le banal et classique amour papa-maman-en cinq-minutes-c'est-déjà-fini : " Je te raconterai l'histoire de ce Roi"..et plus encore celle de cet autre roi qui a renoncé à son trône pour épouser l'élue de son coeur, une si belle roturière! Vous condamnez, à juste titre, les extrémistes religieux mais vous encouragez l'extrémisme amoureux. Je connais beaucoup de petites bourgeoises qui vivotent avec la certitude de détenir la vérité de l'amour conjugal mais il suffit de gratter le vernis pour découvrir l'indigence de leur vie au quotidien. Mais- pour les plus ouvertes- dès qu'un fougueux amant entre dans leur vie, elles s'empressent de rattraper le temps perdu en criant "Maman" ou "Oh, mon Dieu" lorsque elles percutent de plein fouet le septième ciel.
Rédigé par : Karim | 09/02/2010 à 09:15
@ Karim:
Je crois en la passion amoureuse.
Lorsque je dis, c'est quoi la différence entre l'être humain et l'animal, c'est concernant les décisions à prendre.
L'être humain doit pouvoir assumer ses actes. C'est trop facile de dire: la passion excuse tous mes actes. je suis innocent, je ne voulais pas faire de mal, j'étais emporté par la passion....
Je comprend le Oh mon Dieu! Je n'ai jamais ressentis cela! Il/Elle est sublime! C'est l'homme§la femme de ma vie!....
Mais cela donne-t-il le droit de faire du mal à autrui? De mentir? De tromper? De pousser même au suicide parfois...
Combien de personnes trompées se sont suicidées?
On n'y pense pas?
Et celles qui deviennent dépressives?
Et celles qui ne guériront jamais?
.... etc....
Et tout cela au nom de l'amour "incontrôlable" qui emporterait tout sur son passage?
Rédigé par : Massir | 09/02/2010 à 12:04
Croire en la passion amoureuse c'est bien Massir mais tu penses bien qu'elle a ses conséquences. Dans ce cas on ne doit plus croire en l'autre quand la passion le surprend de plein fouet et quand elle emporte tout sur son passage comme tu dis ! Je sais bien que les choses ne sont pas si facile que cela à supporter ou à subir mais il faut composer avec et se préparer à tout cela puisque cela arrive à chacun d'entre nous un jour ou l'autre !
Rédigé par : Bakhta | 09/02/2010 à 14:02
Absolument d'accord! J'ai pris la peine, plus haut, de préciser que ces passions devaient rester secrètes sauf si les deux intéressés vivaient l'enfer chacun de leur côté et que cela ne mettait pas en danger le couple et le milieu familial restreint. Il ne s'agit pas de flancher pour une amourette et de rendre malheureux le conjoint en multipliant des incartades aussi flagrantes que peu élégantes. Jusqu'à présent tout s'est toujours bien passé : je n'oublie pas que malgré la "tromperie" il ne faut pas faire inutilement souffrir l'infortuné(e)ni entrainer les enfants dans une rupture aussi injuste que négative. La maîtresse, l'amant, peuvent jouer le rôle de coussinet érotico-amoureux dont la capacité d'absorption peut éviter le genre de drame que vous décrivez. Après tout, un conjoint trompé ne l'est vraiment que s'il l'apprend! Je touche du bois...
Rédigé par : Karim | 09/02/2010 à 16:26
@ Karim:
A Tunis, les infidèlités ne restent jamais secrètes, du moins pas longtemps. Nous habitons un grand village ou tout fini par se savoir.
Maintenant, il faut décider si cela vaut la peine ou pas de faire souffrir le conjoint et les enfants.
Et puis, la souffrance est "rétroactive", elle remet tout en cause, tout le passé, chaque geste, chaque parole....
Rédigé par : Massir | 09/02/2010 à 16:43
@ Bakhta:
Je pense que le départ du conjoint doit être plus facile à supporter que son infidélité et sa trahison.
Rédigé par : Massir | 09/02/2010 à 16:45
Si tous les liens sont coupés et il n'y a aucune solution au renouement bien sûr qu'il vaut mieux partir.
Aussi je ne pense pas Massir que l'"infidèle" pense à faire souffrir l'autre ou ses enfants il ne pense qu'à lui et au moment qu'il vit. Il ne pense pas qu'il fait du mal à autrui mais il ne fait que du bien à lui et à sa partenaire. C'est seulement dans le cas où sa conjointe et ses enfants sont remis en cause oui il peut réfléchir à mille fois avant de détruire tout ce qu'il a construit avec sa famille première !
Rédigé par : Bakhta | 09/02/2010 à 20:11
@ Bakhta:
Donc infidélité = égoïsme pur!
L'infidèle ne pense qu'à lui-même.
Pourtant, par ses actes, il plante des couteaux dans le cœur du conjoint.
Mais c'est pas grave, le plus important c'est l'amour!!!!!!!
Rédigé par : Massir | 10/02/2010 à 02:57
Oui Massir je pense que l'infidèle est dans une quête personnelle et non pas dans l'envie de faire du mal. J'ai discuté avec un ami qui me dit loin de lui de vouloir faire du mal à quiconque si ce n'est au final se faire du mal à lui seul. Il me dit qu'il passe par cette aventure pour se retrouver et mieux retrouver sa famille. Je lui ai dit et pourquoi ne pas faire cette démarche auprès de la bien aimée il me dit qu'il a envie de donner une image de l'homme parfait et non pas fracassé ou bien qui vient de se douter de lui.
Je lui ai dit je pensais qu'on pouvait se casser et se fracasser ensemble, puis se construire et tout bâtir ensemble...
Il semble que ce n'est toujours pas le cas !!!
Rédigé par : Bakhta | 10/02/2010 à 09:30