Elle le regarde et se demande: qu’avait-elle pu lui trouver? Comment avait-elle pu se tromper à ce point?
A l’époque, lorsqu’elle l’avait connu, il lui avait semblé que ce garçon était l’homme qu’elle attendait depuis sa tendre enfance. Le prince charmant qui viendrait la prendre sur son cheval blanc. Le preux chevalier qui la protègerait et la défendrait lorsqu’un danger quelconque la menacerait…
Plus elle le connaissait, plus elle lui trouvait des qualités. Il lui paraissait droit, loyal, honnête…
Il lui racontait, se racontait, il lui disait ses goûts, ses lectures, ses rêves, ses projets… Il lui faisait des promesses. Il lui promettait le paradis.
Elle l’écoutait. Elle le croyait. Elle buvait toutes ses paroles, partageait ses rêves…
Il l’avait demandé en mariage, elle avait accepté. Pour elle, c’était un rêve qui se réalisait. Elle avait trouvé ce qu’elle avait toujours cherché, rêvé, attendu… Il était enfin là.
Ils se marièrent.
Les premières années, elle le considérait toujours comme son prince, elle l’aimait… Elle le trouvait beau, intelligent, cultivé, bon, généreux… Elle lui faisait confiance. Elle l’aimait.
Bien-sûr, la vie quotidienne lui avait montré qu’il avait des défauts, il n’était pas si parfait qu’elle le croyait, mais ses défauts lui semblaient minimes. Un tube de dentifrice non bouché, une chasse d’eau non tirée… cela n’était pas important.
Elle l’aimait. Elle l’aimait brut. Elle l’aimait avec son passé. Elle l’aimait avec son futur. Elle l’aimait lorsqu’il lisait. Elle l’aimait lorsqu’il parlait. Elle l’aimait lorsqu’il était en public. Elle l’aimait lorsqu’ils étaient seuls. Elle aimait ses idées. Elle aimait ses rêves. Elle aimait ses idéaux. Elle aimait ses passions.
Elle l’aimait nu sous les draps. Elle aimait son désir. Elle aimait son corps. Elle aimait se blottir dans ses bras. Elle connaissait la moindre parcelle de son corps. Ses grains de beautés. Ses cicatrices. Ses courbes. Ses muscles. Son odeur… Elle l’aimait.
Elle apprenait à mieux le connaître. Et elle l’aimait. Avec ses peurs. Avec ses faiblesses. Avec ses angoisses… Elle l’aimait. Elle aimait ses contradictions. Elle aimait ses certitudes. Elle aimait sa timidité. Elle aimait son assurance. Elle aimait son arrogance. Elle aimait son éloquence.
Elle l’aimait. Elle l’aimait tel qu’il était.
Ou tel qu’elle croyait qu’il était?
Pendant des années, elle l’avait aimé. Allant jusqu’à l’idolâtrer.
Mais…
L’avait-elle idéalisé? L’avait-elle déifié?
Elle l’avait placé sur un piédestal. Pour elle, là était sa place. Auprès des surhommes, auprès des dieux… Il faisait partie de l’Olympe.
Un idéal pouvait-il avoir des défauts???
Non.
Du moins, certains défauts n’étaient pas concevables.
Un Idéal pouvait avoir des faiblesses, mais ne pouvait pas mentir.
Un Idéal pouvait se tromper, mais ne pouvait pas tromper.
Un Idéal pouvait faillir, mais ne pouvait pas trahir.
Elle n’avait rien vu pendant des années. Elle n’avait rien vu. A chaque faiblesse ou erreur, elle trouvait des excuses, elle trouvait des circonstances atténuantes… Ce n’était jamais sa faute à lui. C’était elle que ne comprenait pas. C’était les autres qui n’avaient pas compris. Les autres, toujours les autres… surtout pas lui. Lui était parfait. Lui était un Dieu. Lui était son Dieu.
Seulement…
Seulement, un jour, il lui a bien fallut déciller les yeux. Il lui a bien fallut les ouvrir ses yeux. Elle ne pouvait plus faire celle qui ne voyait rien. Il n’était pas celui qu’elle s’évertuait à voir. A croire. A imaginer. Il n’était pas ce Dieu-là. Il n’était pas cet Idéal. Il n’était pas cela. Il était seulement un Homme.
Tout simplement.
Il était un homme. Il avait des qualités, mais avait aussi des défauts. Un Homme et pas un Dieu.
Tout simplement.
Un Homme. Mieux que certains, moins bien que d’autres.
Un Homme.
La désillusion a été énorme. La déception monstrueuse. Douloureuse même. Son Dieu n’était qu’un homme.
Chute.
De l’Olympe, il se retrouve à terre.
A terre, un homme parmi les hommes. Un homme comme tous les hommes.
Un Homme. Un Homme avec des qualités, certes, mais avec des défauts aussi. Des défauts qui lui semblent insupportables, elle qui avait toujours recherché la perfection.
Désillusion, oui.
Mais la faute à qui?
Sa faute à elle ou sa faute à lui?
Avait-elle le droit de le déifier?
Était-il possible de vivre en Dieu?
L’avait-il trompée? S’était-elle trompée toute seule? Lui avait-il demandé de l’idéaliser? Ce rôle était-il trop lourd à jouer pour lui?
Comment vivra-t-elle cette déception?
Saura-t-elle vivre avec un homme, elle qui avait toujours rêvé vivre avec un Dieu?
Ceci est de la FICTION.
Les commentaires récents