Pendant de longues années, elle avait trompé tout le monde, tout son entourage. Elle était tous sourires, serviable, le mot gentil toujours à la bouche, de belles manières, toujours polie…
Ils s’y étaient tous fait prendre. C’est un ange cette femme. Un ange si pur….
C’est qu’elle savait s’y prendre. En public, elle savait toujours se maîtriser. En public, elle jouait toujours son rôle.
Une personne avait besoin d’aide? Elle était là.
Une personne avait faim? Elle était là.
Une personne avait une difficulté quelconque? Elle était toujours là.
Mais ce que les gens autour d’elle ne savaient pas, c’est que cette aide, ces manières, ces sourires… ne servaient qu’un seul but: se faire des alliés. Des alliés si le besoin s’en faisait ressentir. Des alliés qu’elle pourrait manipuler, qu’elle pourrait maîtriser, qu’elle pourrait utiliser…
C’est que voyez-vous, une seule chose l’intéressait: son ambition démesurée.
Cette ambition ne concernait qu’une seule chose: arriver.
Arriver.
Arriver, comme si sa vie en dépendait.
Arriver, comme si c'était la chose la plus importante au monde.
Mais...
Arriver à quoi?
Arriver à être un grand médecin?
NON
Arriver à être un grand chercheur?
NON
Arriver à être une bonne épouse? Une bonne mère? Une femme d’affaire? Un bon prof?
NON. NON. NON. NON.
Elle voulait arriver, arriver au sommet de la hiérarchie sociale. Fréquenter ceux qu’elle pense être les grands. Aller à leurs fêtes, à leurs mariages, s’asseoir à leurs cotés, leur parler, être vue avec eux…
Mais quels grands?
Les intellectuels? Les savants? Les écrivains? Les politiciens? Les artistes?
NON. NON. NON. NON.
Les grands pour elle sont ceux qui ont un énorme compte en banque, même si à coté ils sont bêtes, inintéressants, orgueilleux, prétentieux… L’essentiel est leur compte en banque. L’essentiel est la richesse matérielle et pécuniaire qu’ils affichent.
Pourquoi est-elle ainsi?
A-t-elle eu faim un jour? A-t-elle souffert de la misère?
NON. JAMAIS.
Bien que ne roulant pas sur l’or, sa famille était assez aisée. Ils ont une belle maison, ils ont de belles voitures, ils voyagent, ils mangent bien, ils s’habillent bien… Mais pour elle, cela n’était pas suffisant. Elle voulait plus, beaucoup plus.
Elle voulait être au sommet.
Peut-être espérait-elle être une Paris Hilton, une Onassis, une Rockefeller…?
Mais il lui fallait restreindre ses rêves aux frontières tunisiennes.
Et même en Tunisie, les familles très très riches existent. Et elle voulait les atteindre.
Etant très belle, elle a pensé que sa beauté lui ferait atteindre son but. Un de ces riches héritiers l’épouserait sûrement.
Mais elle avait semblé oublier un fait très important: ces jeunes héritiers sortent avec beaucoup de filles, mais lorsqu’ils se marient, ils épousent de riches héritières comme eux. C’est du moins, ce qui se passe dans la très très grosse majorité des cas.
Il lui a fallut alors se rendre à l’évidence. Les riches héritiers ont des mamans qui les surveillent, et qui ne les laisseront pas l’épouser.
Elle est alors obligée de revoir ses ambitions à la baisse…
Et voilà que se présente à elle une belle occasion: un beau jeune homme riche s’éprend de sa beauté. De sa beauté extérieure, cela va s’en dire, parce que s’il connaissait son âme, il ne serait pas si ébloui!
Il est beau et riche, c’est vrai, mais il lui manque l’éclat et le prestige d’un nom illustre. C’est que c’est important un nom illustre!!!!
Mais elle l’épouse quand même. A-t-elle vraiment le choix?
Au moins, lui, pourra lui garantir une belle maison, une belle voiture, des voyages….
Elle n’aime pas cet homme. Elle s’en sert. Elle s’en servira. Elle s’en servira tant qu’elle ne trouvera pas mieux.
Et puis, grâce à son argent, elle arrive à s’habiller plus ou moins comme ces gens qu’elle admire tant. Grâce à lui, elle roule dans une superbe voiture. Grâce à lui elle fait des voyages et peut s’en vanter devant ses «amies».
Elle arrive à donner le change. Elle arrive à faire croire qu’elle fait partie des grands.
Mais bien qu’elle soit devenue riche de part son mariage, très riche même, elle n’arrive pas à être satisfaite de son sort. Elle n’arrive pas à oublier ses rêves, elle n’arrive pas à oublier ses ambitions. Elle veut faire partie de la cour des grands. Et elle fait tout pour.
Avec la famille de son mari, elle fait semblant. Elle est toujours polie, toujours souriante. Pourtant, au fil des années, ils se sont aperçus que son attitude ne cachait que mépris à leur égard. Ils ne sont pas assez classe. Pas assez pour elle du moins.
En plus, bien qu’ils soient riches, leur devise est «pour vivre heureux, vivons cachés», or cela est tout à fait contraire à ce qu’elle veut. Elle veut l’éclat, elle veut l’apparat, elle veut l’apparent, elle veut impressionner, elle veut montrer…
Alors que fait-elle?
Elle se fait des amis parmi les grands. Ce n’est pas bien difficile. Il suffit de les flatter. De leur faire plaisir. De leur sourire. D’être toujours là pour eux.
C’est vrai que parfois elle leur sert de faire valoir. C’est vrai qu’ils se servent d’elle. C’est vrai qu’ils la traitent avec condescendance. Mais elle accepte tout. L’essentiel est d’être parmi eux. L’essentiel est d’être avec eux. L’essentiel est d’être vue avec eux. L’essentiel est de pouvoir dire qu’elle compte parmi leurs amis.
Alors elle est gentille. Toujours gentille. Toujours aimable. Elle reçoit bien. Elle aide beaucoup… Et elle fait très attention à sa réputation.
Quelle réputation?
Celle de gentille. Celle d’ange.
Pourtant, elle n’est pas un ange. Loin de là. Elle est un diable. Un vrai diable calculateur, manipulateur, froid et cruel.
Elle se fiche éperdument des autres. Elle se fiche éperdument de ses amis. Elle se fiche éperdument de son mari.
Seule sa personne compte. Mais elle s’y prend si bien que personne ne s’en aperçoit. Personne. Même pas les plus proches. Même pas son mari.
Et puis, lorsqu’elle commet une erreur, elle sait se rattraper. Elle sait se relever. Elle sait faire supporter son erreur par d’autres. Elle est tellement gentille, qui ne la croirait pas?
Et même ceux qui la soupçonnent ne peuvent se résoudre à la condamner: elle est un ange!
Elle est habile aussi. Elle peut détester une personne et se comporter avec elle comme si elle était sa meilleure amie.
Et puis, elle sait distiller ses mensonges avec tellement d’habilité. Elle ne raconte pas, elle suggère. Et l’interlocuteur ne pourra jamais dire qu’elle a médit d’une telle ou telle personne.
Elle repère les points faibles des personnes, et s’en sert en toute quiétude, très innocemment, sans que personne ne s’en aperçoive.
Et parfois, elle repère la personne sans défense, sur laquelle elle va se défouler. Mais toujours en privé, sans aucun témoin, sans laisser de traces. Elle peut insulter, crier, mépriser une personne, et deux minutes plus tard, dès qu’une personne tierce apparaît, se métamorphoser en ange souriant.
Sauf lorsqu’il s’agit de «pauvres», étrangers à son cercle d’habitués ou de la famille de son mari. Avec ceux-là, elle ne prend même pas la peine de dissimuler. Elle s’en fout de ceux-là. Ils sont pauvres et ne l’intéressent pas.
Mais est-elle heureuse?
Pourquoi fait-elle tout cela?
Pourquoi prend-elle plaisir à se défouler sur les autres?
Est-elle satisfaite de sa vie?
Où va-t-elle?
Quel est son avenir?
Sera-t-elle découverte un jour?
A vouloir tout, ne risque-t-elle pas de perdre tout?
A vouloir plus, ne se condamne-t-elle pas à une éternelle insatisfaction?
Vivre par procuration peut-il remplir une vie?
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