Il y a 4 jours, j'avais été contactée au téléphone par une jeune femme. Elle s'était présentée comme animatrice à Hannibal Tv et m'avait demandé de participer à une émission. Je lui avais demandé quel était le sujet de cette émission, elle m'avait répondu que plusieurs blogueurs étaient invités pour parler d'Internet et de blogging. Elle avait cité entre autres, Arabbicca et Azyz Amamy.
J'avais donné mon accord. J'avais trouvé que des blogueurs qui racontent leurs expériences personnelles feraient un peu la promotion du blogging et permettraient peut-être d'enrichir la blogosphère tunisienne en inspirant de nouvelles vocations. En plus, je m'étais souvent trouvée face à une incompréhension totale de mon entourage: pourquoi as-tu un blog? Et j'ai trouvé que c'était une bonne occasion d'expliquer pourquoi j'ai un blog, et surtout pourquoi je ne veux pas l'abandonner.
Grâce à mon blog, j'ai eu accès à des mondes que je ne connaissais pas et que je n'aurais pas pu connaitre autrement. Grâce à mon blog, j'ai connu des gens extraordinaires. Grâce à mon blog, j'ai pu participer et partager des expériences très enrichissantes. Grâce à mon blog, j'ai appris à relativiser, à voir les choses autrement, à connaître d'autres points de vue, d'autres façons de voir....
Et je voulais expliquer tout cela.
Nous avions RDV à 12h dans les locaux d'Hannibal TV.
Ni Arabbica ni Azyz n'étaient là. Ils ne viendront d'ailleurs pas.
Nous avons été reçus dans une sorte de salle de réunion/salon. Jus de fruits, café, gâteaux...
J'ai posé encore une fois ma question à l'animatrice: "quel est le sujet exact de l'émission?"
Pas de réponse précise. Je comprends vaguement qu'on va parler d'information.
J'insiste: "information sur Internet? Information sur les blogs?"
Je demande quel genre de questions seront posées, elle me répond de patienter un peu et que j'aurais mes réponses bientôt. Que chacun d’entre nous travaillera, avec elle, son intervention avant l'émission.
Pendant plus de 3 heures, nous avons été reçus par le fils du maitre des lieux. En réalité, il nous a bien reçus. Il nous a expliqué les difficultés d'une chaine de Tv sous l'ancien régime, et combien il a fallut souffrir pour que la chaine puisse survivre.
Emma Benji, en bonne journaliste, a posé THE QUESTION: pourquoi Arbi Nasra avait-il été arrêté et relâché?
Question à laquelle il y a une réponse: nous avons tous les documents qui prouvent l'innocence de M.Nasra.
Discussions diverses, bavardages... Nous avons parlé et encore parlé, de tout et de rien, de journalisme, de cyber-dissidence, de politique, de comment la chaîne a vécu les premiers jours de la révolution...
Ensuite, nous avons eu droit à une visite de tous les locaux. Intéressant de voir les consoles de contrôle, les plateaux, les techniciens à l'œuvre...
Nous retrouvons la présentatrice dans la loge de maquillage. Je repose encore mes questions: quel est donc le sujet de cette émission? Quelle en est la ligne directrice? De quoi allons-nous parler au juste?
Ne t'inquiète pas, me dit-elle. Nous allons parler d'Internet, des blogs, de leur rôle dans l'information... Tu verras. Ce ne sera pas bien difficile.
L'émission commence avec les premiers intervenants. Pendant ce temps-là, j'étais encore dans la loge entrain de discuter avec un cadre qui nous expliquait, à Henda et à moi, les choix des programmes, les contraintes "morales", financières, politiques...
J'arrive sur le plateau environ après 20mn après le débat de l'émission. Je suis étonnée de constater que l'on ne parle pas vraiment de blogging, mais de l'information en général, et de la TV en particulier. Une grande partie de cette séquence sera d'ailleurs supprimée par la suite.
Je constate que la présentatrice pose des questions et est sur la défensive. Elle oriente la discussion et prend partie. Elle se sent attaquée et essaye de défendre coûte que coûte sa profession et sa chaîne. Quel rapport avec le blogging?
Cela dérapait, et j'aurais voulu m'éclipser. Je n'étais pas concernée par cette émission. Je n'étais pas là pour parler de l'Information en Tunisie. Je ne suis pas qualifiée pour cela. Mon avis est seulement celui d'une "consommatrice" normale. Je ne suis pas professionnelle. D'ailleurs, seules Emna Ben Jemaa et Henda Hendoud pouvaient en parler étant elles-mêmes journalistes. Mais aucun des autres intervenants.
Mon tour est arrivé. J'avais encore dit à l'animatrice que je ne voulais pas intervenir sur l'information, mais seulement sur le blogging.
L'enregistrement a recommencé.
Quelle a été ma surprise de l'entendre nous qualifier tous de cyber-dissidents.
L'animatrice sait-elle ce que veut dire cyber-dissidence?
Je ne suis pas cyber-dissidente. Et à part Emna Ben Jemaa, il me semble qu'aucun des internautes présents ne peut se prévaloir de ce titre.
L'animatrice a-t-elle pris la peine de consulter nos blogs avant de nous appeler?
Si elle l'avait fait, elle aurait constaté que mon blog n'a aucune vocation politique.
Avoir participé à des actions contre la censure ou quelques autres petits mouvements protestataires ne fait pas de moi une cyber-dissidente.
Avoir soutenu mon pays dans certaines notes ne fait pas, non plus, de moi une cyber-dissidente.
Et puis, elle me présente comme la blogueuse la plus connue de Tunisie.
Ah bon? Comment a-t-elle su cela?
Il y a un sondage, des chiffres, un classement... qui prouvent cela?
A moins qu'elle ait entendu une plaisanterie entre nous, lorsque Amine m'avait taquinée en disant que j'étais la blogueuse la plus connue de Tunisie et que je lui avais répondu qu'à part Ali Saidane, je pense seulement être la plus vieille! (je parle de l'ancienne équipe, il y a d'autres blogueurs vieux maintenant. :-))
Bon, bref. Je souris et garde mon calme.
D'ailleurs je m'en veux maintenant. Je me dis que j'aurais pu la contredire, mais je crois que j'avais été intimidée, c'était quand même ma première TV et je n'étais pas à mon aise.
Les questions arrivent. Rien à voir avec le blogging. Elle me demande mon avis sur la TV. Je lui réponds qu'en dehors du mois de ramadan, je ne regarde pas la TV tunisienne. Je voulais lui en expliquer les raisons, elle m'interrompe en me disant que puisque je ne regardais pas la TV, je n'avais pas d'avis à donner.
Ah oui? Je voulais justement lui expliquer que si je ne regardais pas la Tv tunisienne c'était parce qu'elle ne cultivait que la langue de bois et la désinformation.
Je crois que toute cette séquence a été coupée au montage parce que je ne me rappelle pas l'avoir vue à l'antenne.
J'ai essayé tant bien que mal de répondre aux questions posées. Mais j'enrageais. Je n'étais pas venue pour cela. Je n'étais pas venue pour répondre à ce genre de questions.
Émission ratée.
J'étais bien contente finalement qu'elle ne passe qu'à minuit, et c'était dommage qu'elle ait été rediffusée hier après-midi.
Je ne regrette quand même pas d'avoir eu cette expérience. J'ai appris au moins 2 choses:
- je n'accepterais plus aucune invitation sans avoir des détails précis.
- je sais maintenant pourquoi l'information laisse encore à désirer dans notre pays, même après la levée de la censure.
Je ne vais pas m'amuser à donner de leçons aux journalistes, comme je l'ai dit plus haut, je ne suis en aucun cas qualifiée pour cela.
Mais je pense que pour accomplir un travail quelconque, il y a un minimum d'organisation et de préparation.
Je pense que cette présentatrice en ayant voulu faire une émission sur Internet et le blogging, aurait du commencer par se connecter sur Internet et voir ce qu'est un blog. Elle aurait du passer au moins quelques heures à lire des blogs différents.
Elle aurait du ensuite se fixer un sujet précis. De quoi voulait-elle que son émission parle?
Si elle voulait par exemple des cyber-dissidents, il fallait appeler des cyber-dissidents.
Si elle voulait des journalistes/blogueurs, il fallait appeler des journalistes blogueurs.
Elle aurait du prendre des notes, faire un plan de l'émission, poser des questions précises...
Elle aurait du connaitre chacun des intervenants, connaitre la spécialité de chacun pour savoir quelles questions lui poser.
Elle aurait du avoir une ligne directrice pour avancer dans l'émission. Et aurait du aboutir à une conclusion pour que l'émission soit intéressante.
Elle aurait du savoir se conduire pendant l'émission. Elle aurait du laisser les intervenants s'exprimer sans les interrompre...
Je sais, c'est facile de critiquer. Mais nos journalistes devraient apprendre à s'investir, à bien travailler, à faire de la recherche, de l'analyse... Le temps du show vide de sens est révolu. Aujourd'hui, le spectateur demande bien plus.
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