Je suis la maîtresse de Si Lamine (le mari de Naziha, cousine de Mme Flen).
Je suis une fille tout à fait ordinaire. Mais pourquoi suis-je la maîtresse d’un vieux moche, et de surcroît marié?
Pour une raison toute simple: il est riche. Il est plein aux as. Et tant qu’il paye, je serais sa maîtresse, et peut-être même sa femme, un jour, qui sait?
J’ai décidé d’être riche. J’ai décidé de profiter de tout ce que la vie peut offrir. Je veux pouvoir m’offrir tout ce qui s’achète. Je veux la plus belle voiture. Je veux le plus gros diamant. Je veux une belle maison. Je veux parcourir le monde. Je veux habiter dans les palaces….
Mais je n’ai pas de temps à perdre. Tout cela, je le veux et je le veux maintenant.
Même si le prix à payer est de coucher avec une vieille horreur comme si Lamine. Il me dégoûte. Lorsque je vois ses fesses pendantes, son ventre bedonnant et son sale visage, je m’oblige à retenir ma répulsion. Je ferme bien les yeux, et je me vois chez Cartier, ou chez Chopard, ou encore chez Mauboussin. Je ne le vois plus, lui. Je ne vois que son Américain Express Platinum et sa Visa Premium.
Lorsque je regarde autour de moi, je vois les femmes et je les classe en trois catégories:
1/ Il y a les idiotes. Elles sont mal fagotées. Elles mènent une vie terne. Elles épouseront des hommes sans aucun intérêt et élèveront leurs enfants. Elles mourront sans avoir rien vu de la vie.
2/ Il y a celles qui se disent bent Assl, elles ont fait des études et elles s’imaginent qu’elles ont tout compris. Elles travaillent. Elles croient encore que le grand amour existe. Comme si l’amour pouvait résister à la pauvreté!.
Souvent, elles tombent amoureuse d’un jeune homme, un camarade de la fac, un collègue… Bref, un type qui commence à peine sa vie et qui a en principe un long chemin à accomplir avant de devenir «intéressant». Elles l’épousent, et sont obligées de trimer avec lui toute leur vie.
Quelle vie? Faire des économies, prendre un crédit pour pouvoir s’acheter un appartement, aller chez Carrefour de temps en temps pour se divertir…
Un jour, elles deviendront peut-être riches, mais franchement, combien d’années gâchées.
3/ Et il y a les filles comme moi. Exigeantes. Ambitieuses. Mais ne voulant pas attendre. Alors le chemin le plus court et le plus rapide, c’est de se trouver le pigeon idéal.
Il faut juste repérer le vieux plein aux as. S’il est beau ou même plaisant, c’est tant mieux. Sinon, ce n’est pas grave. On fait avec.
Il faut donc «ferrer» et appâter ce vieux. Les occasions ne manquent pas: parfois, il s’agit du patron, ou un client du patron, ou bien un type remarqué dans un bar ou un restaurant….
Souvent, il faut jouer le grand jeu. Il doit s’imaginer que je suis une fille gentille, pure, une vraie sainte. Il doit croire que pour m’atteindre, il lui faudra peiner. Il faut donc jouer serré. Et petit à petit, lui faire croire qu’il est le prince charmant, le grand amour attendu.
Il faut savoir se refuser un maximum de temps. Se refuser, mais l’allumer en même temps.
- «Je suis vierge»
- «Mes parents sont très conservateurs. Si jamais mon père ou mes frères me voient, je suis morte»
- «Je ne coucherais qu’avec l’homme que j’épouserais»
- «Je ne pourrais faire l’amour qu’avec un homme que j’aime»…
Il faut lui raconter tout le baratin qu’un homme aime entendre.
Lui faire croire qu’il est l’HOMME. L’UNIQUE.
Et un jour, OH! CATASTROPHE: je couche avec lui.
Je pleurerais toutes les larmes de mon corps…
C’est sa faute si je suis amoureuse de lui…
Il est responsable. Il doit assumer….
Si tout cela ne suffit pas, il reste toujours le :"Oh, mon Dieu! Je suis enceinte!".
Petit à petit, il va commencer à faire des folies.
Et qui va profiter de tout cela???
MOI. MOI. MOI.
A fond la caisse.
Sa femme?
J’en ai rien à foutre. Cette conne n’avait qu’à bien le tenir.
Et puis, il faut bien qu’elle passe son tour. Pourquoi elle serait la seule à profiter de toute sa fortune?
Franchement, je suis bien plus jolie et surtout bien plus jeune qu’elle!!!!
J’en tirerais tout ce que je pourrais. Peut-être même qu’il finira par m’épouser.
Les vieux sont parfois d’une bêtise!!!! Ils se croient vraiment irrésistibles. Ils devraient se regarder un peu mieux dans un miroir.
Je trouve ces vieux croulants qui s’imaginent tomber les jeunes femmes d’un pathétique!
Quels cons!
Ses enfants?
Ca ne me regarde pas. Si lui n'est pas capable de penser à eux, pourquoi le ferais-je?
Le sexe???
Qui m’empêche de prendre mon pied avec un jeune?
Le vieux pour l’argent, le jeune pour le sexe!
Mon Dieu, ce que je suis intelligente!!!!
Et surtout, ne me cassez pas les oreilles avec vos histoires de principes, d’éthique, de morale…
Tout cela est de la foutaise.
C’est juste une consolation pour les pauvres et les incapables!!!!
Comme l’a si bien dit Marilyn Monroe: « Diamonds are the best girls’ friends.»
D’ailleurs mon amie Néjia l’a très bien compris. Sa réussite sociale est exemplaire. Je vous la raconterais un jour.
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Petit rappel: ceci est de la fiction.
Mais que ceux qui trouvent que cette histoire est une caricature exagérée, ouvrent bien les yeux et regardent autour d’eux.
J'y parle de TUNIS. Je ne connais pas les autres villes tunisiennes et encore moins les autres pays.
Ce matin, je découvre que les commentateurs croient que c'est MON histoire.
Non, c'est de la FICTION.
C'est une réponse à l'histoire de Naziha que publie Orchidée. Je trouve qu'elle ne voit que l'aspect apparent des choses, et porte un jugement trop sévère sur les femmes riches et trompées. J'ai voulu montrer que la réalité peut être autre.
Rassurez-vous, mon héroïne est un peu plus âgée que ma propre mère.
Je vous rappelle que je n'ai que 42 ans (même si c'est déjà vieux), et je n'ai que deux enfants.
J'ai fait des études universitaires (y compris DEA et DESS), je travaille et je suis indépendante.
J'ai pris un exemple qui m'est complètement différent pour rappeler que les femmes d'un certain âge n'ont pas eu la chance d'accéder à l'instruction comme nous. Et bien que la législation leur accorde beaucoup de droits, leur réalité est tout autre.
J’ai été élevé dans un seul but: devenir une bonne épouse et une bonne mère. Je me devais à mon seigneur et maître et à mes enfants.
Toute mon éducation a été faite dans ce seul but.
A mon époque, dans les années 40/50, rares étaient les filles qui allaient à l’école. Surtout les filles qui n’habitaient pas la capitale.
Lorsque j’étais jeune, mes parents m’avaient envoyée à Dar El Ma3llama. J’y ai appris la couture, la broderie, le tricot, le crochet, la cuisine, la pâtisserie. Je savais tout faire pour tenir ma maison propre et en bon état.
Comme j’ai eu de la chance (ma mère était tunisoise et mon père était riche), j’ai aussi été envoyée à l’école. Surtout pour apprendre à lire et à écrire le français, et pouvoir tenir un minimum de discussion dans un salon.
J’ai aussi appris à dresser une table, je savais mettre les verres et les couverts à la bonne place. Je savais décorer ma table. Je savais recevoir.
A 13 ans, mes parents m’avaient fiancée à mon cousin.
Je ne connaissais pas les hommes. Je connaissais mon père, mes oncles, mes frères, et quelques cousins.
Mes rêves étaient peuplés par Omar Sharif, Farid El Atrache et Farid Chawki.
Lorsque mes parents m’ont annoncé mes fiançailles, je suis tombée amoureuse de mon cousin.
Ce n’était pas très difficile. Je ne connaissais pas beaucoup d’hommes, et mon cousin était très beau garçon.
Je le voyais dans les fêtes familiales et mon cœur battait très fort pour lui.
A 20ans, mes parents m’ont mariée. Je m’imaginais vivre un conte de fées. J’allais enfin réaliser le but qui m’avait été fixé depuis ma naissance. J’allais devenir une femme mariée.
Au début, c’était bien. Pas aussi bien que dans mon imagination, mais cela allait quand même.
Bien-sûr, j’avais arrêté mes études. Une femme mariée à cette époque-là ne faisait pas d’études. D’ailleurs à quoi auraient servi les études pour bien tenir sa maison et servir son mari.
Mon mari travaillait. Il réussissait. J’étais fière de lui.
Nous avons eu notre premier enfant, puis le deuxième, le troisième et enfin le quatrième.
Je m’occupais très bien de mes enfants. C’est moi qui les ai élevés, c’est moi qui les ai soignés, c’est moi qui ai pris soin d’eux, c’est moi qui les faisais manger, dormir, travailler… Je leur faisais leurs vêtements, je leur coupais les cheveux….
Mon mari travaillait. Il nous entretenait.
En fait, je n’avais jamais fait de différence entre nos biens. Pour moi, ce qui était à moi était à lui. Et ce qui était à lui, était à nous tous. Et puis, il était mon cousin….
Il travaillait. Et je l’aidais. Il n’avait aucun autre souci en tête à part son travail.
Je recevais ses fournisseurs. Je recevais ses clients. Je l’accompagnais aux réceptions, aux dîners d’affaires. Je présentais bien et je lui faisais honneur.
Mon père est riche. De temps en temps, il me donnait de l’argent. Je le donnais à mon mari. Il n’y avait pas de différence entre lui et moi.
Il travaillait. Sa situation s’améliorait de plus en plus. Nous avons déménagé de l’appartement vers une maison. Ensuite une autre maison, plus grande et plus belle. Ensuite nous avons acheté une maison à la plage.
Jamais je n’aurais pensé lui demander au nom de qui il investissait ou achetait. Pourquoi j’aurais fait une chose pareille?
Ce qui est à moi est à lui. Ce qui est à lui est à moi. Ce qui est à nous est à nos enfants.
Les années ont passé. Il est devenu Si Flen. Et moi, je n’étais que Mme Flen.
J’avais remarqué que les femmes commençaient à lui tourner autour. Mais j’avais confiance. Il était mon seigneur, mon mari, mon cousin et le père de mes enfants.
Je ne m’étais pas méfiée.
Et je continuais à m’occuper de ma maison, de mon mari et surtout de mes enfants.
Jusqu’au jour où….
Jusqu’au jour où j’ai appris qu’il m’avait trompée. Une fois. Deux fois. Trois fois….
Que pouvais-je faire?
J’ai parlé. J’ai supplié. J’ai menacé. Je me suis confiée à mes parents, à mes beaux-parents, à mes frères…
Mais que pouvais-je faire?
Mes enfants étaient jeunes.
Mes études? Quelles études? Lire et écrire le français?
Mes parents et mes beaux-parents? Trop vieux pour m’être d’une aide quelconque.
Ma fortune? Quelle fortune? Tout ce que me donnait mon père, je le donnais à mon mari.
Idiote? Oui idiote. Trop confiante.
On ne m’avait jamais dis que mon seigneur et maître pouvait être un traître.
Je n’aurais jamais cru que mon seigneur s’enrichissait au fil des années et pas moi.
La maison est à son nom. La maison de la plage est à son nom. La société est à son nom. La voiture est à son nom. Tout ce que nous possédons est à son nom.
En instaurant la séparation des biens, la loi voulait protéger les biens de la femme. Seulement, la loi a oublié d’apprendre à la femme la méfiance.
J’ai pleuré. J’ai supplié.
Il a promis. Une fois. Deux fois. Trois fois…
Il a menti. Une fois. Deux fois. Trois fois…
Quel avenir se présentait à moi?
Si je divorçais, comment les gens me regarderaient?
A mon âge, dans ma situation, personne ne comprendrait. Cela ne se faisait tout simplement pas.
Mes parents auraient eu honte. Mes frères auraient eu honte. Mes enfants auraient eu honte.
Les temps étaient différents.
Où allais-je vivre?
Seule?
Une femme respectable ne vivait pas seule.
Une femme avec 4 enfants ne pouvait espérer se remarier.
Et comment subvenir aux besoins de mes enfants?
Quel travail pouvais-je exercer?
Quel niveau de vie leur offrir?
Jamais je n’aurais pu leur offrir ce que leur père pouvait leur offrir.
Les lui laisser?
Qui s’en occuperait?
Et puis, vous en connaissez beaucoup des hommes que ne se remarient pas?
Comment les laisser vivre avec une marâtre?
Et si elle les maltraitait?
Pourquoi tout cela?
Avais-je le choix?
Non. Je ne pense pas.
Je ne pouvais que me sacrifier pour mes enfants.
J’ai été et je suis obligée de subir. Au moins jusqu’à ce qu’ils grandissent. Jusqu’à ce qu’ils partent chacun faire sa vie.
Moi?
Moi, je vis. Les journées passent.
Un jour, je suis aveugle. Un jour je pleure.
Un jour, je suis calme. Un jour je bouillonne.
Ma seule consolation: mes enfants. Ils grandissent à l’abri.
Quelle image les gens ont-ils de moi?
Ceux qui ne me connaissent pas, doivent se dire: c’est Mme Flen. Tu as vu ses diamants? Tu as vu sa voiture?
C’est incroyable ce luxe!
Ceux qui me connaissent, savent très bien que l’argent ne fait pas le bonheur.
Un diamant de 4 carats, une X5, deux voyages par an… Rien de tout cela ne fait le bonheur!!!
Je profite de son argent???
Oui. J’ai aidé à constituer cette fortune. J’ai le droit d’en profiter.
Vous qui me voyez sourire, rire même parfois. Vous qui me voyez chanter, danser aux fêtes. Vous qui me rencontrez à Paris chez Dior ou chez Chanel. Si vous deviez vivre un seul jour de ma vie, vous comprendriez que je préfèrerais un petit appartement, une minuscule bague, m’habiller à la fripe… mais trouver des bras chaleureux et aimants dans mon lit.
Je voudrais un regard qui me désire. Je voudrais des mains qui me caressent. Je voudrais des oreilles qui m’écoutent. Je voudrais un cœur qui batte pour moi.
Tout cela, je le voudrais.
Et avec tout mon argent, JAMAIS JAMAIS, je ne pourrais acheter cela!
Alors, SVP, essayez un peu de me comprendre.
Des Naziha, comme ma cousine, existent. Mais il y a aussi les autres. Celles qui cachent leurs peines sous des apparences trompeuses.
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