Il y a 11 ans, j'avais passé de longues heures devant la TV attendant la retransmission des funérailles de Habib Bourguiba. Mais il faut croire que ce grand homme, même mort, faisait tellement peur au minable ZABA que celui-ci n'avait même pas eu le courage de nous le montrer à la TV.
Quelques mois auparavant, Hassan II et le roi Hussein de Jordanie étaient décédes et leurs obsèques avaient été retransmises sur toutes les TV. Pendant des heures, nous avions pu suivre ces funérailles minute par minute, nous avions pu voir les chefs d'Etat qui étaient venus leur rendre un dernier hommage, nous avions pu voir leurs peuples leur faire leurs adieux... Bourguiba était mort, nous ne pouvions tous nous rendre à Monastir, mais nous étions des milliers devant nos postes de TV pour rendre ce dernier hommage à notre 1er Président de la République Tunisienne. Nous étions là pour voir tous les invités illustres, tous les concitoyens fidèles... Et surprise, nous avions eu droit à des poissons et à des oiseaux sur notre chaine nationale. Je me rappelle qu'une chaîne française (TV5?), avait constitué tout un plateau d'invités pour parler de Bourguiba et commenter ses funérailles (et je suppose comparer par rapport aux funérailles de Hassan II et Hussein de Jordanie), ces invités étaient eux-aussi étonnés de voir apparaitre ces oiseaux et ces poissons. Ils s'étaient d'ailleurs moqués de nous, et plus particulièrement de ZABA, qui avait peur d'un mort.
Bref, il y a onze ans, nous avions été privés de ces images. Nous avions été privés de participer à un moment historique de notre pays, que l'on aime ou pas Bourguiba d'ailleurs. Il était notre premier Président de la République, il était un personnage historique et national, et nous en avions été privés parce qu'un dictateur illettré et imbécile en avait décidé ainsi.
Il y a quelques jours, des amies sur facebook, avaient proposé de rendre hommage à Bourguiba et de faire une action pour montrer notre attachement aux acquis du Code du Statut Personnel, puisque ces derniers temps, nombreuses sommes celles qui avons peur pour les acquis de ce code.
J'ai été d'accord tout de suite. Il s'agissait de se rendre sur la tombe de Bourguiba, en brandissant des Codes du Statut Personnel, et de lui rendre un hommage pour le remercier d'avoir imposé en quelques sortes ce Code avant gardiste, que les autres pays arabo-musulmans n'ont toujours pas 55 ans plus tard, et le remercier aussi pour tout ce qu'il avait fait pour nous dans les domaines de l'éducation et de la santé.
L'évènement sur Facebook avait eu un certain succès, des femmes et même des hommes avaient manifesté leur désir d'y participer. Au début, il était prévu de le faire le 06/04/2011, mais plusieurs personnes avaient préféré le 03/04/2011, puisqu'un le dimanche convient mieux aux personnes qui travaillent.
Quelques jours avant la date prévue, j'avais reçu un message sur facebook. On me disait qu'une Association Nationale pour la Pensée Bourguibiste voulait nous aider, et nous proposait tout un programme. J'en ai parlé avec mes amies. Nous craignions une récupération politique, or notre mouvement était spontané et complètement apolitique. Nous nous sommes donc assurées qu'aucun parti ne voulait nous "manipuler" et nous avions accepté de prendre part au programme proposé.
Dimanche 3 avril 2011, nous étions tout un cortège de voitures à quitter Tunis, vers 09h30, pour cet hommage à Bourguiba.
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
Arrivée du cortège vers 12h.
Personnellement, j'étais en retard parce que j'ai eu un pneu qui a éclaté, et malheureusement, j'ai raté la première partie du programme: passage au palais de Skanes, où Bourguiba passait ses vacances. Je ne suis arrivée que vers la fin. J'ai juste eu le temps de constater les dégâts qu'ont occasionnés ZABA & Cie à ce palais: le parc a été divisé en lots qui ont été vendus à des particuliers pour y construire leurs maisons! Jusqu'où va leur cupidité????
Ensuite, direction le mausolée de Bourguiba. J'étais très contente de m'y rendre et de pouvoir y pénétrer. J'avais eu l'occasion de visiter Monastir à plusieurs reprises, mais le mausolée était fermé au public (je ne sais pas si c'était toujours le cas).
A notre arrivée, une mauvaise surprise nous attendait: les organisateurs étaient en colère, mais vraiment en colère. L'hommage était réservé à Bourguiba et avait été fait sans aucune participation partisane, or, M.Morjan avait profité de l'occasion et était arrivé au même moment que nous. Il s'en est suivi un moment d'hésitation: allions-nous pénétrer nous aussi dans le mausolée ou pas? Nous étions un mouvement apolitique, et n'avions rien à voir avec Morjan ou autre.
Il a finalement été décidé de l'ignorer et de poursuivre le programme. Des milliers de personnes étaient là pour l'occasion, nous n'allions pas laisser tomber à cause d'un opportuniste.
Nous avions donc décidé de pénétrer dans le mausolée, mais des gens de Monastir n'étaient quand même pas d'accord que M.Morjane soit présent. Ils ont alors manifesté leur mécontentement. Ils sont entrée dans le mausolée à sa suite, et lui ont crié DÉGAGE!
Je ne suis pas adepte de la Dégagite aigue, mais à ce moment-là, j'ai été d'accord. M.Morjan est un citoyen qui a le droit de venir se receuillir sur la tombe de Bourguiba s'il en a envie, mais il n'a pas le droit de venir se greffer sur un évènement qui a été organisé par d'autres personnes, qui ne voulaient pas d'une récupération politique. Il aurait pu venir avant ou après, mais il n'avait pas à profiter de notre présence pour se faire de la pub. Alors, oui, il a mérité l'acceuil qui lui a été réservé:DÉGAGE!
Je lui en veux parce que par sa présence, il a gaché un moment qui aurait du être un moment de pur recueillement et qui s'est transformé en mouvement de rejet.
Les gens étaient vraiment dans une colère folle. Il a été très difficile de les calmer. Mais j'ai pu profiter de ce moment pour prendre des photos, en particulier des photos du tombeau qui est vraiment magnifique.
Un calme relatif a pu être obtenu, ce qui a permis à un imam de réciter la fatiha à la mémoire de Bourguiba.
Ensuite, nous avons pu visiter les autres salles du mausolée. Il y avait une salle où étaient enterrés les membres de la famille de Bourguiba, dont son grand-père, son père et sa mère.
Dans une autre salle sont exposés des effets personnels de Bourguiba et des photos:
Après le mausolée, nous nous sommes dirigés vers la maison du père de Bourguiba, où l'association a réuni un très grand nombre de photos de Bourguiba. Je m'attendais à trouver dans cette maison, des meubles, des effets personnels de la famille Bourguiba, mais on m'a dit que pendant l'ère ZABA, tout avait disparu, et que l'association n'a pu retrouver que deux lustres.
En cours de route, nous sommes passés devant la mosquée Bourguiba. Je l'ai trouvée belle.
Je ne savais pas que les discours de Bourguiba étaient enregistrés sur disques vinyles. Cela a été une surprise. Et ça marche!!
Qui s'en souvient?
Il y avait des photos que nous connaissions tous, mais il y en avaient des inédites aussi.
Malgré la foule, j'ai trouvé ce moment émouvant. Et lorsque j'ai quitté l'expo, en me dirigenat vers la sortie, un haut-parleur diffusait un discours de Bourguiba, et je me suis surprise à pleurer. Oui, vraiment.
Pourquoi?
De dépit, d'émotion et de joie. Le dépit parce que, comme je l'ai dit plus haut, ces images j'aurais voulu les voir il y a 11 ans. Lorsque Bourguiba s'est éteint, notre dictateur avait tellement peur de lui et le jalousait tellement qu'il nous a ridiculisés en ne voulant pas nous montrer ces images et nous laisser vivre les dernieres heures de Bourguiba.
L'émotion, parce que cela m'a rappelé mon enfance et ma jeunesse. Bourguiba faisait partie de notre vie quotidienne. Il était toujours là, ne serait-ce que grâce aux tawjihette issayed il rais. C'était même exagéré et parfois nous en avions marre et rouspétions de le voir autant.
La joie, parce que 11 ans, plus tard, nous avons repris notre destin en main (du moins je l'espère) et nous avons pu réparer une injustice commise à l'encontre de Bourguiba et de tout le peuple Tunisien qui a été privé d'une partie de son passé.
L'Histoire ne pardonne pas ya ZABA. Lorsque toi, tu mourras, tu n'auras droit qu'au mépris et à la haine. Et cela ne sera que justice.
Après cette visite, les organisateurs nous avaient invité à manger un couscous. J'avais pensé que nous aurions un couscous spécial Monastir, mais en fait, c'était un couscous normal.
Ensuite, il devait y avoir un débat animé par Gisèle Halimi, mais nous l'avons attendue en vain. A sa place, certaines personnes ont pris la parole pour nous raconter leurs souvenirs de Bourguiba, ou leur amour pour lui.
L'un d'entre eux nous a raconté que Bourguiba lui aurait dit: "J'ai préparé le plateau pour que la pomme tombe". Il nous a expliqué que Bourguiba lui disait qu'il n'avait pas juste amené l’indépendance mais qu'il avait milité parce qu'il voulait que le peuple tunisien soit libre et démocratique. Mais que la démocratie ne se donne pas, elle se mérite. En attendant, il fallait construire des écoles, des hopitaux... et lorsque le peuple sera instruit, il voudra sa dignité et prendra le pouvoir.
Anecdote vraie?
Possible. Si c'est le cas, est-ce ce qu'est entrain de vivre la Tunisie actuellement?
Une nièce de Bourguiba a aussi pris la parole. Elle nous a raconté qu'à une époque Bourguiba Jr était allé à la Sorbonne à Paris, avait demandé à voir des copies d'examens de son père, et avait constaté que Bourguiba avait d'excellentes notes. Cela je veux bien le croire.
Ensuite, des amis et moi nous sommes promenés dans Monastir. Je vous raconterais cela un autre jour.
Avant de quitter Monastir, j'ai quand même pris une photo de ce monument commémoratif qui était en cours de finition ce jour-là.
Bien-sûr, pendant 23 ans, cette place s'est appelée Place du 7 Novembre 1987, mais un habitant m'a dit que personne à Monastir ne lui a jamais donné ce nom. Que cette place s'appelle dorénavant Place du leader Habib Bourguiba n'est que justice.
En voiture, nous sommes passés devant la maison où est né Bourguiba, nous sommes descendus le temps de prendre des photos.
Un dernier adieu à notre Combattant Suprême et retour à Tunis.
Je sais que Bourguiba a commis beaucoup d'erreurs. Je sais qu'il n'a pas su partir à temps. Je sais qu'il n'a pas accepté les "concurrents". Je sais aussi qu'il était mégalomane. Je sais qu'il a laissé la situation pourrir au point d'avoir un Ben Ali. Je sais tout cela.
Mais je sais aussi qu'il a beaucoup fait pour la Tunisie. Je sais qu'il aimait son pays. Je sais qu'il a inculqué en nous l'amour de notre Tunisie. Je sais qu'il nous a rendu fiers de notre pays. A son époque, la Tunisie jouissait d'une grande considération sur le plan international grâce à lui, qui était un grand visionnaire.
Mais je sais surtout que c'est grâce à lui que nous tunisiens, avions pu accéder, non seulement à l'enseignement, mais à un enseignement de qualité (que ZABA s'est acharné à détruire). Je sais aussi que nous femmes tunisiennes, lui devons notre statut personnel, envié par toutes les autres femmes arabo-musulmanes, qui en 2011 n'ont pas encore pu en avoir un semblable. Nous, femmes tunisiennes, avons acquis en 1956 des droits dont les autres femmes arabo-musulmanes ne peuvent même pas rêver. Pourvu que cela dure.
Pour conclure, je dirais, à l'instar de ce qui a été dit hier à la TV: "Bourguiba n'a pas su assumer le succès de ses propres réformes", et c'est bien dommage.
Aujourd'hui, il faut regarder l'avenir, mais toi, Bourguiba, tu auras toujours ta place dans ma mémoire et dans mon coeur.
Adieu Bourguiba. Adieu Grand Homme.
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