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Je récuse les étiquettes univoques, comme celles qui parlent d’un Occident absolu ou d’un Orient absolu. Il n’y a pas un Occident unique, pas plus qu’il n’y a un Orient unique; au contraire, l’observation nous apprend que le coucher du soleil à l’horizon est un processus continu au cours de l’année, qui ne peut être l’apanage d’une région à l’exclusion des autres. Il en va de même du jaillissement de l’aube, comme l’avaient déjà remarqué nos ancêtres, les anciens Égyptiens, il y a de cela des millénaires. Il existe en Occident des voix sensées, qui savent que la richesse de l’humanité est dans l’interpénétration de ses cultures et la complémentarité de ses éléments, et non dans le projet de bâtir une culture unique en écrasant les autres. Dans notre région du monde, il existe des voix similaires, non seulement à l’époque actuelle, mais aussi depuis les temps les plus anciens. Ainsi, notre grand maître Jalaluddîn Rûmi - poète, musulman et soufi - qui naquit en Afghanistan, écrivit sa poésie en persan et mourut à Konya en Turquie, écrivait-il dans dans son chef-d’œuvre Le Masnavi :
J’ai souffert comme Oriental,
Aussi suis-je devenu Occidental
Quant au grand cheikh Muhieddîn Ibn ‘Arabî, qui vécut en Andalousie et voyagea dans le vieux monde avant de mourir finalement à Damas, il a écrit :
Mon cœur est devenu capable de toute image,
Prairie pour les gazelles,
Couvent pour les moines,
Temple pour les idoles,
Kaaba pour les pèlerins,
Tables de la Torah,
Et livre du Coran.
Personnellement, j’ai foi dans ce message humaniste, dans la richesse que les hommes tirent de leur diversité et des interactions qui en résultent plutôt que dans l’affrontement. Je n’oublie pas que les fondements spirituels de l’Occident sont venus d’Orient, et que pour notre part nous avons emprunté à l’Occident les éléments de progrès que nous connaissons à l’époque moderne. À la fin du XIXe siècle, un cheikh éminent de l’université d’al-Azhar, novateur audacieux, se rendit en France - il s’agissait de l’imâm Muhammad Abduh. À son retour, il déclara qu’il avait découvert là-bas un islam sans musulmans, tandis que nous avions en Orient des musulmans sans islam.
De part et d’autre, l’extrémisme est présent, chaque religion produit ses fanatiques, et beaucoup des extrémistes dont le monde souffre aujourd’hui ont vu le jour dans des sociétés closes, qui ont basculé sous l’emprise d’écoles de pensée isolées dont la zone d’influence ne dépassait pas à l’origine un périmètre délimité du globe. Or, ces écoles ont soudain hérité d’une richesse démesurée, inattendue, conférant à certaines d’entre elles une puissance qu’elles n’auraient jamais imaginée. Conscients de leur force, ils ont alors tenté d’imposer leur doctrine isolée aux autres - je fais ici clairement référence aux tenants de la doctrine wahhabite, en Arabie Saoudite, dont j’affirme qu’ils sont plus dangereux pour l’islam et les musulmans que toute autre force, parce qu’ils rejettent tous ceux qui ne pensent pas comme eux même lorsqu’ils sont musulmans. Ce que l’islam a subi au cours des dernières années sous l’influence des plus extrémistes d’entre eux est terrible et effrayant, comme l’est la volonté de la censure planétaire de s’étendre aux programmes scolaires locaux et de supprimer des textes entiers pour se conformer à des injonction émanant de Washington ou des centres d’études stratégiques. L’histoire nous apprend que toute censure est génératrice d’oppression, et que l’oppression engendre l’humiliation, qui à son tour produit la haine et la frustration. Cette censure moderne, mise en œuvre sous forme d’instructions clandestines ou officielles relayées par des régimes affaiblis, apeurés, dont les représentants craignent pour leur pouvoir et leur fortune, ne conduira qu’à plus d’humiliation et plus d’extrémisme. Or, force est de constater que les États-Unis ont été et demeurent, du fait de la collusion de leurs intérêts, le soutien principal de ces régimes.
De mon point de vue, la résistance à l’extrémisme ne peut incomber qu’aux membres des sociétés et des civilisations dans lesquelles cet extrémisme voit le jour, que ce soit en Orient ou en Occident, et non à une censure qui émanerait de l’étranger.
Les expressions absolues comme «l’axe du mal» ou «la guerre contre le terrorisme» ne feront que creuser davantage les malentendus. Certains régimes exploitent ces slogans pour réaliser des objectifs qui vont bien au-delà de ce qui est contenu dans les messages eux-mêmes. Le danger réside dans le fait qu’en recourant à des slogans aussi absolus, on met le doigt dans des conflits impossibles à maîtriser, particulièrement si l’idéologie ainsi véhiculée est appliquée à certaines parties et non à d’autres, car tôt ou tard, la vérité finit par apparaître à ceux qui ne font pas l’objet d’un traitement particulier.
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Gamal Ghitany - Traduit de l’arabe par Khaled Osman
Né au Caire en 1945, Gamal Ghitany est à la fois romancier, nouvelliste, chroniqueur, il dirige l’hebdomadaire Les Nouvelles littéraires, publié par le grand quotidien Al-Akhbâr. Son œuvre compte plus de vingt titres, dont plusieurs ont déjà été traduits en français, parmi lesquels : Zayni Barakat (Seuil, 1985), Epître des destinées (Seuil, 1993), La Mystérieuse Affaire de l’impasse : Zaafarâni (Sinbad-Actes Sud, 1997), Les Délires de la Ville (Sinbad-Actes Sud, 1999), Mahfouz par Mahfouz (Sinbad, 1991).
Intéressant.
Je crois que celui qui a vu "l'islam sans musulmans" à Paris est plutôt Rifa3a Tahtaoui et non pas Mohamed Abdah.
Rédigé par : Ovide | 23/07/2008 à 13:13
bravo massir
ya rien a a jouter :)
Rédigé par : Hmayed | 23/07/2008 à 13:27
vous savez pourquoi le blog de cosmauxpolis a été supprimé??j'espère que ce n'est pas l'oeuvre d'un hacker aussi....
Rédigé par : Profilo | 24/07/2008 à 11:12
à bon entendeur!!! , le mal est bien en nous , depuis de belle lurette , la société dite arabo musulmane traine à trouver son identité réelle , se refuge dans des clichés bien dépassés, on vit la préhistoire intellectuelle...Allez voir du coté du bon peuple , aussi du coté de l'intelligentia (s'il y en a encore) c'est identique:pas de reperes clairs
Rédigé par : Amri | 26/07/2008 à 11:22