Samedi 14 janvier 2012, je suis allée sur l’avenue Habib Bourguiba pour commémorer la première année de la révolution tunisienne.
Je suis arrivée vers 12h du coté de l’avenue Med V. J’ai commencé à remonter l’avenue. Il y avait un monde fou. Des visages connus, d’autres pas, des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, des enfants, des riches, des pauvres... Des drapeaux, des pancartes…
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
A un moment, je me suis retrouvée dans la marche qui arrivait de la place Med Ali. Il y a avait un monde fou. J’ai marché à contre-courant pour pouvoir prendre des photos.
Il me semble avoir reconnu sur une de mes photos la dame qui avait fait un appel émouvant à MBJ devant le Bardo. Vous vous souvenez d’elle ? Cette même femme avait aussi témoigné à la radio une fois. ET samedi, elle était encore là. Bravo à cette tunisienne libre. Elle se bat pour son pays et pour que ses rêves d’une certaine Tunisie se réalisent.
Après cette marche, je suis allée vadrouiller ici et là. Ecouter les uns, parler avec les autres…
En ce qui concerne les nahdhaouis, un seul mot d’ordre: les médias. Dans presque tous les groupes de discussion, on parlait des médias. Les nahdhaouis essayant des les «accuser », les autres essayant de les défendre. A part deux incidents insignifiants, cela se passait relativement bien à ce que j’ai vu. Et tant mieux. Il faut que nous apprenions à débattre ensemble dans le respect.
Sincèrement, ces nahdhaouis m’impressionnent par leur «obéissance» et leur organisation. Ils se mobilisent bien et exécutent très bien les ordres. Bravo. Et je ne suis sincère.
A un moment, j’ai vu un petit attroupement. Je me suis approchée. Il y avait M.Sofiane Ben Farhat entouré de personnes qui lui faisaient des reproches en tant que «représentant» des médias. Je suis restée à écouter un moment. Toujours les mêmes reproches que nous entendons à longueur de journées depuis quelques temps. Quand donc certains comprendront que la démocratie, c’est aussi et surtout la pluralité et que chacun devrait pouvoir dire ce qu’il veut?
A un certain moment, quelqu’un lui a reproché personnellement de ne pas parler d’union entre les tunisiens. Or, justement, il y a 3/4 jours, M.Ben Farhat avait fait une très belle chronique dans ce sens, intitulée Tounes El Beya. Reproche donc injustifié.
Lorsque j’ai entendu une fanfare, j’ai quitté ce groupe pour aller voir. En fait, c’était une petite fanfare de la garde nationale. Ensuite, sont apparus des membres du syndicat national des forces de l’ordre.
Beau slogan, non?
Réalisable ? On verra.
Pendant que les policiers étaient là, la foule scandait:
بالروح بالدم نفديك يا جيش
pour montrer sa colère aux forces de l’ordre accusées d’avoir aidé Ben Ai à la répression, alors que l’armée aurait été du coté du peuple.
J’ai continué à remonter l’avenue. J’ai rencontré cet homme qui appelait à l’union de tous les tunisiens.
J’ai trouvé paradoxal de tenir un tel discours en tenant un tel tableau.
Le drapeau Tunisien unit tous les tunisiens, loin de toute considération partisane, or ce tableau est très très partisan. L’hymne national et les symboles du drapeau tunisien, sur fond partisan, cela n’appelle pas tellement à l’union. C’est au contraire une vision très partisane de la Tunisie. La Tunisie sous les couleurs de la nahdha. C’est bien-sûr son droit de rêver de cette tunisie. Mais son rêve ne peut être partagé par tous. Le seul drapeau qui peut nous unir est rouge et blanc. Tout autre drapeau ne peut nous inclure TOUS.
Des clameurs, des cris, des têtes levées. Je fais pareil, mais je ne vois que des jeunes sur un toit. Je pose des questions. On me répond que des symboles de l’RCD venaient d’être brulés sur ce toit.
Je continu mon chemin. Des gens encore et encore. Des groupes qui discutent. D’autres slogans…
Je trouve un autre groupe entrain de scander le plus beau slogan de la journée.
لا شعار لا أحزاب توانسة كلنا أحباب
Et cette jeune fille, avec sa petite feuille:
Je lui parle. Elle est malheureuse. Elle est déçue. Elle dit qu’elle ne veut pas voir ce qu’elle a vu plus tôt: des tunisiens qui s’insultent et se déchirent. Un jeune homme avec elle me raconte que du coté du théâtre municipal, il y avait eu un échange de cris et d’insultes entre des nahdhaouis, des salafistes et d’autres personnes. Les uns traitant les autres des pires maux.
Quelques minutes plus tard, j’ai été surprise de voir arriver dans l'autre sens, tout un groupe de personnes scandant ces mêmes slogans. Cette fois-ci, ils sont nombreux. Cela fait vraiment plaisir.
Et c’est ce qui devrait être. Et c’est ce à quoi nous finiront par arriver un jour inchallah. Cela signifiera que nous avons su créer cette Tunisie plurielle et unie sous le même drapeau. Une Tunisie vraiment démocratique.
J’ai encore continué. J’ai avancé. Et j’ai vu cette voiture de police.
Et je n’ai pas aimé ces nouvelles couleurs. Pourquoi avoir changé les couleurs des voitures de police? Pourquoi ne sont-elles plus noires et banches? Et pourquoi avoir choisi ce bleu et ce rouge? Ne trouvez-vous pas que ces deux couleurs rappellent un peu trop les couleurs de la nahdha? Je ne veux pas que nous changions le violet RCDiste par le bleu nahdhaoui. L’Etat et ses institutions doivent être séparés des partis. L'Etat et ses institutions sont au service de tous les citoyens. Ils sont permanents. Et les partis justement par définition ne représentent que ceux qui ont votés pour eux, et dans un système démocratique, ils ne sont pas permanents.
L’avenue Habib Bourguiba était pleine de monde, mais j’ai eu la surprise de constater qu’il en était de même en ce qui concerne l’avenue de Paris et l’avenue de Carthage.
Devant l’hôtel Al Hana, une tente d’Ettakattol était dressée. J’aurais aimé qu’en ce jour de commémoration, on ne voit aucune tente partisane sur l’avenue. J’aurais aimé y voir ce qui lie les tunisiens et non pas ce qui les sépare.
Je reproche au gouvernement actuel de ne pas avoir su, pour ce jour du 14 Janvier 2012, organiser des festivités populaires.
Il ne faut pas oublier que cette révolution a changé la face du monde entier. Alors pourquoi est-ce que rien n’a été prévu pour cette commémoration?
Pourquoi est-ce que les seules festivités qu’il y a eu ont concerné des «officiels» à l'intérieur d’un Palais des Congrès fermé autour d’invités étrangers?
Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu, par exemple, un défilé militaire à l’avenue Habib Bourguiba pour rendre hommage à l’armée? Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu un défilé des régions? Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu un grand feu d’artifice? Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu un spectacle quelconque? Ou une manifestation artistique quelconque? Ou même un bal populaire? Pourquoi n’y a-t-il pas eu appel aux tunisiens pour organiser quelques chose de beau et de remarquable? Pourquoi est-ce que es rues n'ont pas été décorées? Pourquoi est-ce que les drapeaux n'ont pas été accrochés partout? Pourquoi?
Arrivée au niveau de l’hôtel Al Hana, j’ai rencontré des amis, je suis restée à papoter… Une autre amie est arrivée et a dit qu’il fallait aller du coté du palais des congrès. Ok. Allons-y pour voir.
Devant le Palais des Congrès, un groupe de personnes manifestaient contre l'émir du Qatar. En vain. En effet, une haie de policiers empêchait toute personne de les voir. Ce qui a fait enrager les manifestants qui reprochaient aux policiers de les empêcher d’exercer leur droit à manifester.
Les policiers étaient stoïques. Sans réaction aucune… jusqu’au moment ou une personne a essayé de frapper avec des œufs. Et là, en un clin d’œil, les policiers ont chargé.
Heureusement pas de dégâts.
Il est évident que je ne peux publier toutes les photos ici. Vous pourrez donc les voir sur facebook, ici.
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