J'ai enfin eu la chance de voir le film «bahib el cinema (J’aime le cinéma)» en entier. Il m’était arrivé à plusieurs reprises d’en voir des extraits, mais malheureusement, j’ai du atttendre pour pouvoir le voir en entier, et surtout dans l’ordre.
Il s'agit d'un film égyptien, sortit en salles en 2004.
Avant de sortir, ce film a eu bien des problèmes. D’abord financiers ce qui a fait que la réalisation a pris 5 ans. Ensuite, des problèmes «religieux» ou «sociaux».
En effet, certaines organisations ont essayé de le faire interdire. Mais la justice égyptienne leur a donné tort, et le film est enfin sortit.
Et en fin de compte, tous les problèmes, polémiques, discussions… ont eu un effet inverse: au lieu d’être interdit, le film a bénéficié d’une grande publicité, et au lieu d’un film pour «intellectuels», il est aussi devenu un grand film «commercial» à succès.
Pourquoi toutes les polémiques et controverses au sujet de ce film?
Ce film nous raconte la vie quotidienne d’une famille égyptienne chrétienne. Le père, Adly (Mahmoud Hemeida), est un grand croyant, un devot très pratiquant. Il mène la vie dure à sa famille parce qu’il voit la religion comme une série d’interdits et de pêchés. Pour lui, Dieu est crainte.
Sa femme (Leïla Alaoui) était une enseignante de dessin, mais est ensuite devenue surveillante générale d’une école. Elle est aussi croyante, mais plus ouverte que son mari.
Et Naïm, le petit garçon. Ce petit est fou amoureux du cinéma, seulement son père considère le cinéma comme un pêché, comme l’enfer.
Pour le père donc, tout est haram. Tout est interdit, le dessin, l’art, le cinéma, la TV, et même le sexe avec sa propre femme, sauf pour procréer.
Même lorsqu’il ose le faire, il éteint toutes les lumières et se dêpeche comme s’il commettait une faute impardonnable.
Cet homme passe son temps à prier et à craindre Dieu. Il jeune 200 jours par an, et n’arrête pas de faire pénitence.
Haram. Haram. Haram….
Sa bigoterie fait vivre sa famille dans la frustration et la crainte.
Sa femme par contre est devenue sexuellement frustrée. Elle a envie et besoin de sexe, mais il lui ferait presque sentir que cela est sale. Cela la jette pratiquement dans les bras d’un autre homme.
Le petit garçon, espiègle et très sympathique veut sortir du joug paternel. Il reproche à son père tous ces interdits. Il en détesterait presque son père, il commence à le détester, mais il déteste déjà l’église et tous les gens de l’église.
«Je déteste mon père, je déteste l’église, et tous les gens de l’église ».
En plus, son père lui a tellement répété qu’il irait en enfer qu’il commence à se dire que cela ne changerait plus rien. Puisque de toute façon, il va en enfer, autant en profiter et faire ce qu’il a envie de faire.
Par ailleurs, il est un peu perdu. Dieu est-il bon ou mauvais? Va-t-il vraiment aller en enfer? Le cinéma est-il vraiment pêché? Il pense que non, le cinéma est le paradis. Mais il ne sait pas vraiment. Il adresse des prières à Dieu, il lui demande de le laisser aller au cinéma encore une dernière fois, et ensuite, il promet de se repentir.
Il pose des questions à sa grand-mère. Va-t-il aller en enfer? Grand-mère répond que non, Dieu est bon.
Le gamin commence à défier l’autorité de son père. Dans son dos, il fait ce que son père désapprouve, par exemple, il enlève ses vêtements alors que son père veille toujours à le couvrir et va au cinéma.
L’enfant commence à se détacher des autres. Il se détache de son clan et de sa famille. Il crée son propre monde où le cinéma est le Paradis rempli d’anges.
Il se moque des autres. Le pire, a été de «pisser» sur les gens à l’église. Il défie l’autorité paternelle, mais aussi les règles et le sacré des religions.
La scène finale du film est d’ailleurs assez éloquente, alors que toute la famille se presse autour du grand-père mourant, il allume la TV, s’installe sur une chaise en leur tournant le dos. Il quitte leur monde réel, et se concentre sur son propre monde.
Pourquoi ce film a-t-il fait du bruit et a-t-il suscité les polémiques?
Les chrétiens égyptiens se sont élevés contre ce film, pour eux, il donne une mauvaise image des chrétiens et de l’église. Ils ont même fait un appel au boycott du film. Pour eux, le film montre un intégrisme et une bigoterie qui n’existent pas dans leur société.
Les musulmans n’ont pas aimé, ils disent qu’il n’est pas normal qu’un film égyptien montre exclusivement des chrétiens et pas un seul musulman. Pour eux, c’est une sorte de provocation, qui risquerait même de diviser la société égyptienne.
Les deux communautés reprochent aussi au film de ne pas respecter la part sacré de Dieu. L’église est une maison de Dieu, or on y voit des égyptiens se chamailler comme des chiffonniers, s’insulter, se bagarrer… On y voit deux jeunes entrain de flirter. Et on y voit le petit Naïm qui les regarde de haut, et pisse sur eux.
Sacrilège!!!!
Personnellement, je ne vois pas ce film sous cet angle.
Je ne pense pas du tout qu’il s’attaque aux chrétiens, je pense qu’il parle tout seulement de l’intégrisme, ou de l’excès de religiosité. Or cela est commun à toutes les religions. L’excès de religion est anti-humain, il ne permet plus de vivre «normalement». Il maintient la personne dans une prison de frustrations et d’interdits. Est-ce ce que demande et veut Dieu de ses créatures?
Je ne pense pas.
Le père lui-même à la fin du film a une prise de conscience. Il va changer.
«Je me prends pour un saint, alors que je suis un pêcheur.
Nous sommes tous des pêcheurs. Nous tous, et les prêtres, tous, nous disons que nous te connaissons, nous disons que nous te comprenons, nous disons que nous savons ce que tu dis, nous expliquons ce que tu attends de nous. Nous nous divisons, nous discutons…. La réalité, bien que je prie, jeune…. Je ne t’aime pas. Je voudrais t’aimer mais je ne t’aime pas. Je voudrais t’aimer comme si tu étais mon père, mais ce n’est pas le cas, tu es mieux que nous.»
Je ne pense pas que Dieu a crée l’Homme pour faire de sa vie une longue suite de tortures, de frustrations, de peines… Pourquoi Dieu voudrait faire de la vie de ses créatures un enfer? Pourquoi voudrait-il les priver des joies toutes simples, et de la beauté de la vie?
En fait, tous les interdits, sont crées par des hommes. Ce sont eux qui créent ces règles. Ce sont eux qui imposent, interdisent…
Dieu ne peut être comme cela.
Dieu est beauté et amour.
Ce film passe actuellement à la TV sur la chaine Rotana Cinéma.
Ce film a remporté plusieurs prix dans des festivals divers, dont 2 prix aux journées cinématographiques de Carthage (meilleur scénario et meilleure photo).
Je ne sais pas si Mahmoud Hameida a reçu un prix pour son interprétation, mais personnellement, je l’ai trouvé excellent dans son rôle du père. Il est à noter que Mahmoud Hemeida est un des acteurs fétiches de Youssef Chahine.
Très bonne analyse du film ici.
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