J'ai recu un mail de monsieur Albert Siméoni, qui me demandait s'il pouvait publier quelques textes sur mon blog. J'ai accepté avec joie. Voici un de ses textes.
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Très cher père
Je ne t'ai jamais écrit.
La poste et toutes les messageries modernes et à venir n'ont et n'auront aucun lien avec l'au-de là. Ma seule communication avec toi est mon unique pensée. Elle n'a jamais cessé de t'honorer en silence.
Cela fait longtemps que tu es absent de mes rêves, d'ailleurs pour ne rien te cacher, je ne rêve plus. La vie trépidante à Paris et le stress journalier me font sombrer dans un sommeil réparateur cependant ton visage est toujours présent dans ma mémoire.
Père affectueux, gentil, honnête et généreux, aimant tes enfants jusqu'au bout de tes ongles... tu me manques et parfois je ...
Plus de 27 ans déjà que tu nous as quitté par une sombre et pluvieuse journée de décembre 80 à un âge pas très vieux. Je t'écris aussi parce que j'ai le cafard. Je l'ai presque au quotidien depuis que je suis ici.
Là-bas jadis, j'étais souvent en ta compagnie invisible à bichonner avec affection et énergie ta dernière demeure, tous les Vendredi. Je te parlais de vives voix, tu m'écoutais en silence hélas. Le rabbin Cassuto que j'entendais à peine lire sa millième "CHKEBBA" sans cesse renouvelée au fil des semaines, attendait, patiemment que je quitte ma concentration, sous la pluie ou le soleil pour recevoir son obole. Je repartais alors rasséréner.
Te souviens-tu, cher père de nos vieux moments agréables, à la maison, entourés par mes frères et maman. Hélas…! Quelle époque. Tu nous as enseigné le respect de nos traditions mais malheureusement aujourd'hui certaines d'entre elles se sont évanouies dans les méandres de l'oubli. Je veux parler du mouton de Pâques qu'on égorgeait sur le seuil de notre maison rue Pasteur, de la "Cheukà" (cabane) qu'on confectionnait sur le balcon. Tous les fruits de saison pendaient à l'intérieur, au centre. Et les petits bracelets en ruban de papier coloré que l'on collait de bout en bout pour en faire une longue chaîne fragile qu'on suspendait sur les lustres et qui ornaient nos chambres pour honorer nos saints rabbins Meyer et Chemyone. Elles restaient ainsi pendues durant tout l'été et une bonne partie de l'hiver. La laitue qu'on déposait sur les battants de portes de nos chambres pour marquer la fin pascale et pourim? Avec les pétards et Hitro avec ses sucreries en caramel de diverses couleurs représentant de petits animaux de basse cour sans oublier le chameau et les pigeons farcis sur lesquels on se disputait pour avoir le plus dodu et...... puis plus rien après. J'en ai la chaire de poule.
A mon tour aujourd'hui d'être papa depuis 30 ans. Mes filles? Je ne les laisse manquer de rien....... exactement comme tu nous as laissé jamais manquer de rien. Je les laisse vivre, sans contrainte en me disant "RABI MYAYAM" soir et matin et des fois l'après midi. Elles ont des portables comme toutes les filles à Paris, c'est la mode, nous à l'époque maman nous appelait par le balcon quand la nuit tombait. Elles portent des talons hauts qui les font ressembler à des bus londoniens..... trois étages...... nous, on portait des fly-floot..... genre basket d'aujourd'hui mais plus chers....... à 850 frs la paire..... yà méjalli.
Je vois grandir mes enfants et moi, je me vois rapetisser...... je veux dire vieillir certainement et sûrement. Chaque soir...... lorsqu'elles dorment..... je profite de leur sommeil pour aller les embrasser en cachette sur leur front.... j'ai l'impression, qu'elles me protègent un peu..... comme tu nous protégeais il y a 50 ans dans notre enfance.
Yà babà....... ton nom sur mes lèvres s'est évaporé...... et je ne pleure plus avec mes yeux..... j'ai appris à pleurer avec mon coeur et à chuchoter ton nom dans mes oreilles..... dans le silence du souvenir. Des fois, je lève mes yeux vers le ciel et je cherche parmi les étoiles, s'il ne s'en trouve pas une qui te ressemble. Ah! yà rabbi...... elles brillent toutes et toutes ressemblent à nos pères et à nos mères. Mais où te caches-tu donc dans ce firmament de lumière?
Père...... je reviens sur terre..... te souviens-tu, quand tu m'emmenais au cimetière de l'avenue de Londres tout enfant, et puis au Borgel quand j'ai "plus grandi". Tu prenais un sceau, une brosse et une "finè"(pierre ponce). Tu remplissais de l'eau au puits. On faisait le tour de tes défunts ancêtres et de ceux de tes beaux-parents. On frottait les cotés, les pourtours et les dalles de ces tombes avec énergie afin de leur donner un aspect comme neuf. Au début, je ne comprenais pas pourquoi j'étais celui que tu choisissais pour effectuer cette opération de "lifting" parmi tous mes frères. J'ai saisi plus tard, qu'étant l'aîné de tes enfants, ce serait à moi de perpétuer ce rituel. Alors, j'ai continué à le faire jusqu'en 89, du moins pour toi, car les autres tombes ont toutes étaient recouvertes par la mauvaise broussaille. La tienne, cher père, je l'entretiendrai jusqu'à la fin et aussi longtemps que Dieu me prête vie. Je combattrai "l'ennemi" afin qu'il ne t'étouffe pas.
Lors de nos promenades à travers cette jungle et ces allées défoncées, nous nous arrêtions devant quelques tombes dont tu connaissais le locataire.
'Chouffe.......yà ouldi ......éddà kén.....i bèy èl gatouéte rue Chidi Mardoum'
'Regardes .....mon fils........celui là .... il vendait des pâtisseries à la .............
'.....Ouéddi ......kènette jarti .....semsarrà ......kéddéch klèt dyà fi dényèttà
......téchken rue Daouletti .......oubouè narfou........jèddà.....
'.....Celle là !........c'était ma voisine.....une marieuse.......combien elle à reçu de malédiction dans sa vie.....je connaissais aussi son père......
'.......Héddà ken mérkenti yèssér ......yenddou ballassat .....fèl avenue de Paris.........ken mjèffét .....'
'......Celui là, était très riche. il avait des immeubles avenue de Paris... mais c'était un avare......'
'.......Héddà ?.........èlli ouhadou ?.......byid yàl jmayà ......louhoullou él fèch...... ktèl rouhou.......'
' ......Celui -là ?......il est seul...........enterré loin des autres .....on lui a lancé la pioche .........il s'est suicide...
Cher père, je m'arrête de te déranger, je t'embrasse mais ne te quitte pas.
Update: J'ai publié un nouveau texte d'Albert ce matin sur mon autre blog.
Très beau message qui me fait plonger dans mon amertume à moi en me rappelleant de mon père qui est décédée il y a de ça deux ans!
Ils nous manquent tellement ! Qu'ils reposent tous en paix...et que Dieu nous aide à surmonter cette peine...
Rédigé par : Miss Néapolis | 31/10/2007 à 09:43
hani nibki 3a sbé7...
Très émouvant...
Rédigé par : Flava | 31/10/2007 à 11:06
Je suis un homme du partage.
Je vous ferai partager mes émotions, mes rires etc dans d'autres récits, skeths, poémes etc....Avec un énorme plaisir.
Nous partagerons ensemble rires, chansons, peines, émotions tant que le temps qui ne nous apartient pas me donnera l'ocasion de le faire.
Merci et Rabi Myana el qol.
Albert.
Rédigé par : Albert Siméoni | 31/10/2007 à 21:26
Je me souviens…
Du jour où debout sur le seuil de notre maison familiale à la Goulette au 7 Rue du Limousin, maman s’apprêtait à quitter définitivement sa terre natale. C’était en 1988.
Elle fermait définitivement plus de 68 ans de vie sur cette terre en tournant la clef dans la serrure abandonnant vieilleries et ustensiles usés comme elle.
Sa valise était prête lorsque je suis venu la chercher. J’étais intrigué car elle n’avais pas versée une seule larme en cours de route. Bizarre…
Je me hasardais à lui dire…en cours de route…
‘…Ech’biq me bkitch yè mââ…?
(Pourquoi n’as pas pleuré maman…?’)
‘…Bqit ââla ou’bouq bâ’dââ… ! Le yech’ouini… !’
(‘…J’ai déjà pleuré sur ton père , que D ieu garde mes enfants…
Sa réponse me rassura. Je baissais la tête devant ce que j’appelle un exemple de détachement.
Elle allait rejoindre à Paris, mon frère Max, qui l’avait devancé un an plutôt.
Un an plus tard, ma femme et mes enfants prirent le même chemin pour des raisons personnelles sans que rien ne vienne troubler ma quiétude.
J’allais tourner une page fidèle de 45 ans de ma vie avec ma ville de naissance.
Ma famille dés les premiers jours s’installa chez ma belle mère.
Je restais donc seul pendant trois jours, juste le temps d’expédier quelques affaires urgentes.
Je me souviens de ce 30 Août 1989. Il y a des choses qu’un déraciné n’oublie pas; le jour de sa naissance, la date où il perd ses parents, le jour de son mariage, les jours de naissance de ces enfants et le jour où il quitte son pays.
Il faisait beau. Tout le quartier somnolait en cet après midi bien ensoleillé.
Je me suis installé dans mon jardin et regardais la balançoire que j’avais faite pour mes enfants, les fleurs que j’avais planté et le mur que j’avais construit pour jouer au ‘chistera’ mais sans pelote basque….LE SKOUATCH….
Ma valise était fin prête et elle attendait que je la prenne par son anse.
L’heure arrivait et avant de tout fermer, je jetais un dernier coup d’œil dans la chambre des enfants aux lits bien faits, à ma chambre, à ma cuisine dans laquelle tous les appareils ménagers étaient débranchés. Un filet d’eau s’échappait de dessous le frigo. Je le torchais consciencieusement. Je revoyais pour la dernière fois, mes cadres accrochés, les meubles de mon salon ; tout était en ordre.
L’heure de mon départ approchait. Personne pour me jeter le verre d’eau derrière moi. Donc je ne reviendrais plus de si tôt. J’ai mis dix ans pour revoir mon pays.
Le temps que ma déprime passe.
J’étais bien triste, je l’avoue.
La gorge nouée mais pas un brin de larmes à l’horizon. Ma maman m’est revenue en mémoire.
Enfin, je me décidais à lever l’ancre. Je fermais la porte de la maison puis je cadenassais le portail de fer forgé comme on cadenasse son âme.
J’avais l’impression de sceller définitivement ma vie ancienne à travers cette fermeture.
La rue était déserte et je regagnais la grande rue pour héler un taxi.
30 minutes plus tard, j’étais à l’aéroport.
Deux heures après, j’étais dans l’avion qui m’emmenait loin de mon pays, laissant mes ancêtres sous terre, loin de mon père z’al, loin de ma patrie de naissance, de ma jeunesse dorée, de mes terrains de jeux, de la plage et des filles que ‘j’avais connu…’ etc…Loin de …z…i…
L’immigré que je devenais en si peu de temps, l’apatride déplacé du moment mettait définitivement un terme à son vécu pour aller vivre en terre étrangère. Une terre avec laquelle je n’avais aucune affinité.
45 ans de vie commune, sans que rien ne vienne troubler mon esprit hormis les quelques évènements malheureux que j’ai supporté avec stoïcisme mais avec la peur au ventre.
Le divorce brutal a eut des séquelles dans ma santé mais grâce à D ieu je m’en suis remis et aujourd’hui j’écris avec aisance, l’écrit a expurgé ma NOSTALGIE.
Ma TUNISIE, ne fut que joie et bonheur ….Tristesse car l’OUACH ouel ghorba…ne m’a pas quitté.
Albert.
...§§§§... Ya rayah win msafar trouh tââya wa twali..§§§§ Ch'hal nadmou lââbad él ghaflin qablak ou qualbi...§§§....
Ch'hal cheft al bouldan lâamrine wa lbel al khali..§§§...Ch'al dhiyaât wqat ch'al tzid mazal ou 'tkhati..§§§§§..Ya l’ghyèb fi bléd ennés ch'hal taâya ma ta’jri tzi waâd el quoudra wala zmane ou’enta ma tedri..§§§§§§
...§§§§... Ya rayah win msafar trouh tââya wa twali..§§§§ Ch'hal nadmou lââbad él ghaflin qabléq ou qua’bli...§§§....
Aâlach qalbeq hzine ou’aâléch haqda ki zawali..§§§....Méi’doum achadda tzid taâlem ou tabni..§§§...Maydoumou léyyèm ou’ala ydoum soghreq ou zo’ghri..§§§... Ta hlil ou meskine li ghab saâdou ki zahri..§§§...
...§§§§... Ya rayah win msafar trouh tââya wa twali..§§§§ CH'hal nadmou lââbad él ghaflin qablak ou qualbi...§§§....
Ya msafer naâtik oussaayti addiha el bakri..§§§...Chouf ma yeslah bik qbal tbiî pu ma techri..§§§..Ya mnayem djani khabrek ma sralek ma srali...§§§....Hakdha rad el qalb bel djbine sabhane el âali..§§§§....
...§§§§... Ya rayah win msafar trouh tââya wa twali..§§§§ CH'hal nadmou lââbad él ghaflin qablak ou qualbi...§§§....
Je m excuse pour les qqs fautes de caractères.
Rédigé par : Albert Siméoni | 31/10/2007 à 21:45
Demain, je vais faire la tournée des cimetières familiaux. Je ne le fais pas tous les ans mais comme cette année il y a un nouvel arrivant, je vais faire le voyage.
Je penserai donc à ceux qui ont compté pour moi (par encore mon père ou ma mère heureusement). Mais, en fait, ils sont toujours dans mes pensées. Et de plus en plus, au fur et à mesure que les années passent.
Meilleurs pensées pour toi et tes proches (n'oublions pas aussi les vivants).
Rédigé par : Cisseron | 31/10/2007 à 22:03
J'ai perdu le mien la même année et le même mois, paix à leurs âmes...
Rédigé par : khanouff | 02/11/2007 à 12:31
http://letheatredebreitou.blogspot.com/search?q=
Voila mon blog provisoire en attendant de l'embellir.
Merci.
Rédigé par : Albert Siméoni | 08/11/2007 à 22:32
un récit en or qui nous rappelle l'importance de la famille et de notre devoir vis-à-vis de celle ci.
un récit à la fois fort émouvant et humoristique pour nous donner goût à la vrai vie
Rédigé par : YAHIAOUI | 13/11/2007 à 12:46
Albert mon frere , tu es et tu resteras le meme , ton ami JEX
Rédigé par : JEXPIRE | 24/01/2011 à 12:45