Hier, je suis allée au rassemblement qui a eu lieu au Bardo à l'appel de plusieurs associations et mouvements, à l'occasion de la séance inaugurale de l'assemblée constituante.
J'ai malheureusement été coincée dans la circulation et je ne suis arrivée que vers 10h45 je pense.
A mon arrivée, il y avait déjà un monde fou. Certains avancent les chiffres de 3000/4000 personnes. Peut-être bien. Et peut-être même plus, parce que certains venaient, d'autres partaient.
Les gens étaient plus ou moins organisés par groupes, associations, revendications...
Les premiers que j'ai vu sont Amnisty International. Cela m'a rappelé qu'en décembre 2010, j'avais été à leur bureau au centre ville à Tunis, et qu'on m'avait raconté leurs conditions de travail et la pression permanente que cette organisation subissait. Les voir à la lumière, entrain de manifester dans un endroit public était une belle surprise.
(Cliquez sur les photos pour les agrandir)
Je suis arrivée juste quelques minutes avant M.Ahmed Nejib Chebbi qui a été pratiquement ovationné. J'ai essayé de le prendre en photo, mais je n'y ai pas réussi.
Ensuite, je me suis promené ça et là, j'ai pris des photos, j'ai écouté quelques personnes.
Il y avait toutes sortes de revendications. C'était assez hétéroclite. Mais l'ambiance était saine. Du moins au début.
Comme le montrent les photos, les revendications étaient vraiment diversifiées.
Les citoyens étaient là pour demander la/les libertés, la justice, l'emploi, l'indépendance par rapport aux pays étrangers, l'indemnisation des victimes de la révolutions, les droits des femmes, les droits des enfants, des médias libres et indépendants, des élections libres et transparentes.... Bref, le rassemblement reprenait en gros les revendications de la révolution. Pour résumer: LIBERTÉ - DIGNITÉ - JUSTICE - CITOYENNETÉ - JUSTICE SOCIALE.
A un certain moment, des sympathisants de la nahdha, et même l'un de ses dirigeants (je ne me rappelle pas son nom, mais je l'ai déjà rencontré avec Ajmi Lourimi) sont arrivés. Tant mieux. Cela peut en étonner certains, mais j'adore cela parce que cela permet des discussions intéressantes, avec des points de vues complètement opposés parfois. J'adore lorsque bien-sûr le respect est mutuel et que les discussions sont "pacifiques". Ce qui devrait être la règle. Il faut que nous tous, puissions nous parlez dans le respect total.
Je me suis donc promenée d'un groupe à l'autre. Juste pour écouter parfois, ou pour participer d'autres fois.
Je peux vous dire que cela discutait. De sujets divers. Par exemple de mères célibataires. C'est du moins la discussion la plus houleuse à laquelle j'ai assistée. Ce qui est dommage, c'est que parfois on sent qu'il y a une désinformation monstre. Et la rumeur a la peau dure parfois.
Ce que je trouve dommage en ce qui concerne ce sujet précisément, est que la plupart des gens en entendant parler de mères célibataires ne pensent que femmes "perverses" et oublient très souvent les victimes. Les victimes de viols, d'agressions et même les victimes de leurs ignorances ou de la société.
Un autre groupe parlait de tenues vestimentaires. Ce que j'ai trouvé étonnant, c’est la réaction d'une femme voilée. Elle était là pour la défense des droits des femmes. Elle m'a raconté qu'elle est voilée par conviction. Elle avait pris cette décision par elle-même sans aucune pression d'aucune sorte. Elle était d'ailleurs accompagnée de sa fille, jeune femme non voilée. Cette dame était tellement en colère. Elle a dit à un certain moment: "wallah, wallah, si jamais un jour le voile devenait obligatoire, wallah je l'arrache de suite et le jette. Moi qui l'ai porté par conviction, je l'enlèverais". Elle était émouvante dans sa colère.
Une autre discussion à propos de la tenue vestimentaire avec un papi qui portait cette pancarte:
Je l'avais remarqué et j'avais été lui demander ce qu'il voulait dire par sa pancarte et s'il s’adressait à un parti particulier. Sa réponse est que sa pancarte s'adresse à tous. Tous sans exceptions. Tous ceux qui trichent. Mais ensuite, la discussion a dévié sur le voile à cause d'une vielle mamie qui avait abordé ce sujet. Elle disait que c'est une obligation religieuse, il avait dit que non. Ensuite, il nous a regardé (nous étions environ 3/4 femmes non voilées à discuter avec lui) et nous a dit que nous étions si smè7 (mignonnes) et vraiment décentes telles que nous étions! :-)) Gentil le papi.
Pas loin de ce papi, deux tunisiennes noires revendiquaient l'égalité entre les races. L'une d'elles portait cette pancarte:
Un jeune homme était étonné par cette revendication et est allé leur poser des questions. Et elles nous ont raconté. Elles nous ont raconté le racisme des tunisiens. Elle nous ont raconté le racisme des Tunisiens envers leurs frères tunisiens. Elles nous ont raconté le racisme des tunisiens blancs envers leurs frères tunisiens noirs. C'était étonnant et épouvantable. Nous ne connaissons pas ou nous ne voulons pas connaitre ce genre de racisme en Tunisie, pourtant il existe.
Tout d'un coup, mon attention a été attiré par des cris. Je suis allée voir. Il s'agissait de Sofiène Ben Hamida. Il était venu et avait été agressé. Des gens lui criaient de dégager, d'autres l'insultaient. Mme Zeyneb Farhat et d'autres essayaient de le protéger.
Cela devenait insupportable et certains lui ont conseillé de s'en aller pour que cela ne dégénère pas. Ce qu'il a essayé de faire. Mais sur son chemin, il a malheureusement été agressé encore plus violemment, et certains en sont venus aux mains. L'agression verbale s'est transformée en agression physique. SBH était proche d'une voiture de police, mais les policiers ne faisaient que regarder sans intervenir. Une femme d'environ 55/60 ans est allée leur parler. Elle était en colère et leur criait de faire leur travail. Elle leur a dit que c'était normal que les tunisiens ne les aiment pas puisqu'ils ne les protégeaient pas et se contentaient de regarder.... Bref, elle a enfin réussi à les faire bouger. Ils ont alors essayé de protéger SBH et de l'escorter loin pour qu'il puisse s'en aller.
Je déplore et condamne fermement cette agression et toutes agressions. Je suis contre la violence. Je trouve vraiment dommage que cet incident ait eu lieu. Normalement, tout citoyen a le droit d'occuper l'espace public et de s'exprimer librement. Je dis bien tous. Tous les citoyens.
Je signale au passage que le membre de la nahdha dont j'ai parlé plus haut essayait de calmer les gens et s'opposait aux agresseurs.
Personnellement cette agression est la seule à laquelle j'ai assisté hier. Mais on m'en a raconté une autre. Celle de Souad Abderrahim. Que je condamne aussi fermement.
Je ne connais pas les détails puisque je n'y étais pas. Certains disent qu'un homme lui aurait tiré les cheveux. D'autres disent qu'en réalité, il s'agit d'une mère célibataire.
Sur facebook, il y a le témoignage de Mme Zeyneb Farhat qui nie ou nuance cette agression:
La seule vidéo que j'ai trouvée, toujours sur facebook semble corroborer ce témoignage, bien qu'elle ne soit pas vraiment explicite.
Sur Internet, certains semblent dire que cette agression est une comédie. Ils trouvent étonnant que Souad Abderrahim soit la seule à être venue à pieds, alors que tous les autres élus sont venus en voiture. Ils trouvent aussi étonnante la crise d'hystérie de cette femme avant l'arrivée de SA, et la manière dont elle s'est donnée en spectacle, peut-être juste pour attirer l'attention. Et la facilité qu'elle a eu à traverser le cordon de sécurité.
Y-a-t-il eu agression ou pas? Je ne sais pas. Quoiqu'il en soit, je le répète, je condamne fermement toutes agressions et violences. Et je suis contente de constater que la grosse majorité de mes amis a aussi fermement condamné cet acte.
On m'a raconté qu'un huissier notaire pro-nahdha (?) se promenait parmi les gens pour relever les "atteintes" à la nahdha. Cela me fait sourire. Ce huissier aurait pris la photo de cet homme et de sa pancarte pour porter plainte contre lui:
Le "phénomène" Jalel Brick était aussi représenté hier:
Bref, que c'est beau de pouvoir exercer librement sa citoyenneté. J'espère que cela durera à l'infini. Pouvoir s'exprimer, pouvoir protester, pouvoir manifester.... Et surtout s’approprier l'espace public. S’approprier son propre pays. S'approprier sa Tunisie.
Je me rappelle que lors de ma première manif sur l'avenue Habib Bourguiba, je pleurais. Oui je pleurais parce que de ma vie, je n'aurais jamais cru qu'un jour, je pourrais marcher au beau milieu de la rue et manifester. Et depuis, ce miracle s'est répété à plusieurs reprises.
L'espace public est à nous Tunisiens. A nous les citoyens. Et personne ne pourra plus nous l’arracher ou nous le voler.
La Tunisie est à nous, son peuple, ses enfants. Nous tous.
J'espère juste que nous trouverons un moyen d'y vivre tous en bonne entente, sans dictature, sans discriminations, sans exclusions....
Je n'ai publié ici que quelques unes des photos prises. Vous pouvez voir l'album entier sur ma page facebook ici).
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