Héritage et justice sociale*
La justice sociale constitue, dans les Temps modernes, une valeur à laquelle adhèrent spontanément les hommes et les femmes, quelles que soient leur religion, leur langue, leur culture ou leur ethnie. Si elle a été intériorisée sans difficulté à une aussi large échelle, c’est qu’elle correspond à une aspiration profonde de l’humanité qui n’a pu l’exprimer, la défendre et l’institutionnaliser, du moins partiellement, qu’en tournant le dos au fatalisme et aux justifications supra humaines de l’ordre social ancien, aussi injuste qu’il l’ait été. L’inégalité entre les hommes et entre les sexes était perçue - comme la pauvreté ou l’oppression - comme naturelle, allant de soi, à l’instar des phénomènes climatiques et des catastrophes qu’ils peuvent provoquer. Ces différentes formes d’injustice étaient simplement atténuées par l’incitation à la charité, à l’aumône, à la mansuétude du prince, et par de semblables solutions de caractère plus moral que proprement juridique.
En soulignant à la fois la nouveauté de l’adhésion universelle à la justice sociale, et la rupture radicale qu’elle marque, en théorie sinon en pratique, avec la hiérarchie inégalitaire admise dans les sociétés pré modernes, on se rend compte des difficultés de mettre en œuvre cette valeur et des oppositions qui se manifestent à son encontre de la part de ceux qui ont intérêt à ne pas la généraliser. Les légitimations religieuses de l’inégalité entre les sexes dans le droit successoral musulman classique sont naturellement à inscrire dans ce contexte.
On sait que le droit de la famille dans les pays musulmans est le secteur qui échappe encore, en tout ou en partie, au droit positif “séculier”. En effet, il est régi le plus souvent par des juges religieux qui appliquent les normes sacralisées des écoles de Fiqh (jurisprudence plus que droit proprement dit) notamment en matière de mariage, de divorce, de filiation et d’héritage. Dans les rares pays où ce sont les juges “civils” qui s’en mêlent, ils sont tenus d’appliquer ces mêmes normes plus ou moins respectées et plus ou moins habilement détournées en faveur de critères en phase avec les valeurs de la modernité. Toutefois, une grande exception est à déplorer dans les efforts d’adaptation de la norme à caractère religieux : c’est le domaine de l’héritage.
On a trop tendance à considérer que les textes du Coran et du Hadîth sont un obstacle infranchissable en pays d’islam à l’évolution du droit successoral vers plus d’égalité entre les sexes. De fait, il existe à ce propos un certain nombre de textes plus ou moins clairs et plus ou moins explicites dont la portée peut être discutée. En revanche, d’autres textes, non moins sacrés ou sacralisés, sont – du moins en apparence – contradictoires, et posent des problèmes réels de compréhension et d’interprétation.
Les plus célèbres parmi les versets qui ont de tout temps posé des problèmes aux musulmans sont ceux qui concernent la “kalâla” (Sourate Les femmes IV/12 et 176). Les traductions, influencées en règle générale par les exégèses classiques, témoignent de la difficulté de connaître la signification exacte de cette notion. En effet, le même mot kalâla est rendu successivement dans les traductions françaises que nous avons consultées par : “absence d’héritiers directs”, dans le premier verset, et par “collatéraux”, dans le second (S. Mazigh), par “absence d’héritier en ligne directe [ascendant ou descendant]”, et par “dévolution d’une succession sans ayant droit descendant ou ascendant” (B. Hamza), par “n’avoir ni parents ni enfants”, et par “parents éloignés” (H. Hafiane), par “dépourvus de successibles directs”, et par “la succession sans successeurs directs” (J. Berque), par “la situation de laisser un héritage sans avoir des héritiers en ligne directe descendante ou ascendante”, et par “la parenté autre que celle du père et des enfants” (R. Khawam), par “n’avoir ni parents, ni enfants”, et par “parenté éloignée” (D. Masson), par “hériter d’un parent éloigné ou d’une parente éloignée”, et par “parents éloignés” (Kasimirski).
Le flou manifeste qui caractérise ces interprétations n’est pas dû uniquement à une difficulté lexicologique, car les dispositions que contiennent ces versets sont inconciliables : selon le verset 12, frères et sœurs du défunt ou de la défunte reçoivent une part égale de la succession, alors que selon le verset 176 un frère reçoit le double de la part de sa sœur.
En outre, certains chercheurs contemporains mettent en doute la lecture courante et son interprétation. Ils n’excluent pas l’hypothèse qu’il faudrait lire, dans le premier verset en question yûrithu à la forme active et dans le sens de laisser une succession à quelqu’un, et non yûrathu à la forme passive et dans le sens d’être en situation d’hériter. Cette lecture est d’ailleurs attestée dans la littérature classique des Qirâ’ât (variantes dans les lectures canoniques). Si l’on se fie à l’étymologie, à la lumière des langues sémitiques comparées, et selon quelques témoignages dans la littérature d’adab, la kalâla pourrait signifier … la belle-sœur ou la belle fille [1]. Tout l’échafaudage construit par les Fuqahâs ne s’expliquerait alors que par la volonté de réserver le patrimoine laissé par le défunt aux seuls membres du groupe, et d’exclure la femme, particulièrement lorsqu’elle n’appartient pas au clan de son mari.
Ces textes ne sont pas les seuls à poser problème. Le verset du Coran La vache II/180 stipule explicitement que les héritiers ne partagent entre eux les biens du défunt qu’après avoir soustrait ce qu’il avait légué par testament et les dettes qu’il avait contractées. Les jurisconsultes, ne pouvant ignorer ces dispositions, les ont détournées de deux façons : ils ont restreint le legs testamentaire au tiers de la fortune, d’une part, et exclu de ce legs les ayants droit à l’héritage, d’autre part. On pourrait comprendre qu’ils avaient raison de ne pas vouloir léser ces ayant droit en limitant le legs au tiers, mais les en exclure carrément revient à se substituer à la volonté expresse du défunt qui, pour mille et une raisons, voudrait privilégier un ou plusieurs héritiers. De surcroit, l’interdiction de désigner un ou plusieurs héritiers n’est-t-elle pas à mettre en relation avec les conflits politiques et sociaux qui ont divisé très tôt la communauté musulmane ? On se rappelle, à cet égard, que les Chiites soutiennent que le Prophète a désigné son gendre Ali pour lui succéder, ce que refusent catégoriquement les Sunnites.
En tout état de cause, les jurisconsultes avaient eu recours, pour justifier leur option, à un hadith censé abroger le texte coranique (lâ wasiyata li-wârith : point de testament en faveur d’un héritier). Or, admettre cette abrogation c’est comme si on admettait en droit positif qu’un arrêté ministériel puisse abroger une loi ou un article de la Constitution. Tous les juristes conviennent qu’il s’agit dans ces conditions d’une aberration pure et simple. Et pourtant, c’est ainsi que les jurisconsultes musulmans ont décidé, sous prétexte qu’en l’occurrence le hadith a restreint la portée générale du texte coranique, sans l’abroger.
Mais la preuve irréfutable de l’intervention humaine dans l’infléchissement des textes coraniques dans un sens défavorable aux femmes et conforme aux valeurs de l’époque qui a suivi celle de la Révélation et vu l’émergence du droit musulman lui-même, est la différence de traitement faite à deux expressions qui n’ont pas rigoureusement le même effet d’obligation, selon les théoriciens du droit (usûliyyûn) eux-mêmes. On lit dans le verset II/180, déjà évoqué : “Il vous est prescrit (kutiba ‘alaykum) que lorsque l’un d’entre vous est sur le point de mourir, s’il laisse un bien, il est tenu de tester en faveur de ses père et mère et des plus proches des siens, conformément à l’usage. C’est une obligation pour ceux qui craignent Dieu” Alors que le verset IV/11 dit simplement : “Dieu vous recommande (yûsîkum) ceci au sujet de vos enfants : au garçon revient une quote-part équivalente à celle de deux filles…” Ce qu’en ont tiré les exégètes et les jurisconsultes est tout à fait à l’opposé d’une saine lecture des textes sacrés : la prescription divine, dans le premier verset, a été considérée comme facultative, et la recommandation, dans le second, comme obligatoire !
Il n’y a pas lieu de suivre cas par cas les situations qui ont abouti à exclure les femmes, totalement ou partiellement, des bénéfices de l’héritage. On ne citera que les subterfuges les plus flagrants consistant à introduire la notion de ‘asaba (parenté du côté du père), absente du Coran, et à instituer le waqf ou hubus (bien de mainmorte) exclusivement en faveur des enfants mâles. Ces deux dispositions, jointes à l’interdiction faite à la femme mariée de jouir pleinement de ses biens au-delà du tiers, et au maintien de la fille vierge, quel que soit son âge, à l’état de mineure dont le père est le tuteur, n’ont en fait qu’un seul et unique objectif : exclure la femme de la vie sociale et économique, et la confiner dans les fonctions subalternes d’épouse ou de fille au foyer.
Ce sont là les décisions des fuqhâs prétendant qu’ils ne font qu’expliciter la volonté divine. Mais le Coran a-t-il vraiment l’intention de légiférer en la matière pour qu’on éprouve le besoin d’interpréter ses versets concernant les successions dans un sens défavorable aux femmes, et de dévoyer parfois franchement ses prescriptions ? Deux aspects de la question incitent à répondre par la négative :
- Le premier aspect est que la différence de traitement entre les hommes et les femmes qui héritent n’est point absolue. Elle se limite effectivement aux enfants du défunt, et ne concerne pas ses père et mère, qui ont des parts égales, lorsqu’il laisse des enfants, ou le frère et la sœur en cas de kalâla, ou les frères et sœurs si leur nombre est supérieur à deux, dans le même cas de kalâla.
Pourquoi cette différence de traitement à propos des enfants ? La réponse est probablement dans l’obligation faite aux hommes de subvenir aux besoins du foyer. La femme en étant dispensée et bénéficiant par ailleurs d’une dot versée par le mari, il peut sembler normal que sa part dans l’héritage soit moindre. Autrement dit, ce sont les conditions historiques et les modes de vie en vigueur dans les sociétés pré modernes qui sont à la base de cette discrimination relative.
- Le second aspect qui démontre de manière irréfutable que le Coran n’a pas l’intention de légiférer pour tous les cas, et que les versets qui se rapportent aux successions sont des réponses circonstancielles à certaines situations concrètes vécues par la communauté musulmane primitive, est que l’application systématique de ces prescriptions s’avère impossible dans plusieurs cas. Prenons deux exemples, tirés d’ailleurs des ouvrages de fiqh. Le premier est presque choisi au hasard, et le second représentant un cas limite:
1) Un homme meurt et laisse une épouse, deux filles et ses père et mère. L’épouse a droit au huitième de l’héritage, soit 3/24, les deux filles ont les deux tiers, soit 16/24, le père a le sixième, soit 4/24, et la mère également le sixième (4/24). Le total des parts excèderait alors l’unité : 27/24 !
2) Une femme meurt laissant un mari auquel revient la moitié de l’héritage, soit 3/6, une sœur de père et de mère, qui mérite également la moitié, soit 3/6, une mère dont la part équivaut au sixième (1/6), une sœur consanguine, méritant aussi le sixième (1/6), ainsi qu’un frère et une sœur utérins, ayant droit ensemble au tiers (2/6). Le total des parts serait dans ce cas presque le double de l’unité : 10/6 !
Une application à la lettre des textes s’avérant impossible, on a eu recours à la technique dite du ‘awl (littéralement : déviation par excès) consistant, dans le premier exemple, à porter le dénominateur à 27 au lieu de 24 (la veuve recevrait 3/27, les deux filles 16/27, etc.), et dans le second exemple à le porter à 10 au lieu de 6 (3/10 au mari, 3/10 à la sœur de père et mère, etc.). On rapporte que c’est le deuxième Calife, ‘Umar, qui recourut le premier au ‘awl. Ceux qui s’opposèrent à cette technique, au lieu de ne pas s’en tenir à la lettre des textes coraniques relatifs aux successions, et ne retenir que l’esprit dans lequel ils furent révélés, prônaient au contraire une autre solution qui consiste à faire bénéficier les premières personnes désignées et à écarter celles qui viennent dans l’ordre après elles, c’est-à-dire concrètement les femmes.
Un croyant sincère refuse évidemment l’idée que Dieu lui-même ou son Prophète ne savent pas compter, ou qu’ils sont incapables de prévoir tous les cas de figure qui ne manqueront pas de se poser, ou bien qu’ils veulent introduire une discrimination absolue entre les sexes. Le Coran fournit simplement des solutions à des situations particulières qui se sont posées du vivant du Prophète, et tient compte de paramètres qui nous échappent dans leur détail, afin d’indiquer quels sont les héritiers prioritaires. Néanmoins, la visée coranique est claire, limpide même : il s’agit, tout en tenant compte des coutumes préislamiques, et en respectant le libre choix de chacun pour la dévolution de sa propriété, de restreindre le caractère archaïque des successions agnatiques régies par le principe de l’ancienneté et non par celui de la descendance directe [2], d’éviter l’accumulation des richesses aux mains d’une catégorie quelconque d’héritiers (le fils aîné, les enfants à l’exclusion des parents, les hommes seuls en excluant les femmes, etc.), et de donner des indications sur l’équité que devraient poursuivre les musulmans pieux, en appliquant les prescriptions et les recommandations divines prises globalement et non point séparément.
S’il en est ainsi, les règles coraniques qui organisent les successions sont avant tout des orientations générales appliquées à des cas particuliers dont on doit constamment rechercher l’esprit. Quant aux règles consignées dans les sources classiques du droit musulman, elles ne sont que le reflet des valeurs qui avaient cours dans les sociétés traditionnelles, lesquelles sont évidemment éloignées des valeurs modernes qui consacrent l’égalité entre les sexes.
Ce qui s’oppose par conséquent à l’introduction de l’égalité successorale entre les enfants dans le droit positif actuel des pays musulmans, ce ne sont pas les textes sacrés explicites, mais bien l’interprétation qui en a été faite dans d’autres conditions historiques. Tant qu’on ne s’est pas débarrassé de cette contrainte qui fait peser sur le présent tout le poids du passé, il est vain de prétendre à une quelconque actualisation du droit successoral ou de tout autre domaine du fiqh. Les changements intervenus dans la structure de la famille, la scolarisation des filles, l’urbanisation, le développement des moyens de communication, se chargeront, entre autres, de favoriser cette libération.
Les mutations que connaissent les sociétés musulmanes contemporaines, et l’amélioration tangible – malgré toutes les difficultés - du statut de la femme dans ces sociétés, ainsi que sa participation de plus en plus accrue à l’espace public, imposeront probablement dans un avenir plus ou moins proche une révision profonde du droit successoral, et mettront fin aux discriminations dont les femmes ont trop longtemps souffert. Cette révision éliminerait d’ailleurs, par la même occasion, les inadéquations de la règle en vigueur à la réalité sociale, et assurerait une cohérence globale de l’ordre juridique et une cohérence interne du droit de la famille, particulièrement là où ce droit répond déjà, comme en Tunisie, aux normes universelles qui respectent la dignité de la femme musulmane et son égalité avec l’homme, en abolissant la polygamie et la répudiation, en instituant à égalité pour les deux parties le divorce judiciaire, et en accordant à la jeune fille la possibilité de choisir elle-même son futur époux [3].
Si le Code du Statut Personnel tunisien s’est appuyé sur un avis minoritaire dans le fiqh pour accorder aux filles du défunt la totalité de l’héritage de leur père ou de leur mère en l’absence de progéniture mâle, la Mudawwana marocaine se veut encore fidèle à l’école de droit malékite, avec cependant certains aménagements qui représentent des avancées certaines par rapport aux normes traditionnelles, sans toutefois toucher aux règles qui régissent les successions. Dans les autres pays arabes, on n’ose pas encore remettre en cause les enseignements du fiqh classique. Mais quoi que fassent les régimes politiques en place dans ces pays pour ne pas heurter de front les représentants de l’institution religieuse et une partie importante de l’opinion publique, ils seront de plus en plus obligés de tenir compte de l’aspiration de la jeunesse et des forces motrices de leur société, ainsi que de la pression de l’opinion publique extérieure et des instances internationales, qui toutes militent en faveur de l’égalité entre les sexes, y compris en matière de successions.
Le droit successoral est indissociable de la nature des régimes politiques. Aussi longtemps que les pouvoirs établis souffrent d’une carence de légitimité démocratique et représentative, ils recourent tout naturellement à la légitimité religieuse traditionnelle et n’ont aucun intérêt à couper la branche sur laquelle ils sont assis. C’est donc uniquement lorsque la société, et notamment son élite éclairée, se prend elle-même en charge et refuse la soumission et l’obéissance aveugle aux pouvoirs qu’elle ne choisit pas elle-même et change quant elle le veut, que le droit successoral peut être débattu publiquement et révisé dans le sens de l’égalité complète dans toutes les situations.
Il est incontestable qu’il n’existe pas de droit parfait en la matière. Les coutumes, les normes sociales, les rapports de force, les systèmes économiques et bien d’autres facteurs interviennent dans l’établissement des régimes des successions. La question n’est donc pas d’aboutir à satisfaire toutes les parties. Ainsi, on peut se demander, au vu de l’allongement de l’espérance de vie et de l’éclatement un peu partout de la structure familiale traditionnelle et élargie, à quel degré on s’arrête pour faire bénéficier les ascendants ? De même, avec la participation de la femme à l’acquisition des biens dans un foyer, quelle est la part qui devrait logiquement lui revenir ? Quel est également le taux de taxation le plus indiqué appliqué aux grandes fortunes ? Est-il encore admissible d’écarter les enfants dits naturels nés en dehors du mariage institutionnel ? Autant de questions – et il y en a plein d’autres - auxquelles on ne dispose point de solution satisfaisante à cent pour cent. Il s’agit essentiellement de tenir compte des situations nouvelles dans les sociétés modernes, de ne pas s’en tenir à un droit figé, et surtout de parvenir à une égalité entre hommes et femmes.
A cet égard, les pays musulmans enregistrent un retard considérable à combler. Les intérêts machistes dans la perpétuation du droit classique y sont indéniables, étant entendu que, même avec ses imperfections, ce droit n’est pas appliqué intégralement dans plusieurs contextes où la femme est exclue entièrement de l’héritage. Ce qui démontre que le facteur religieux et culturel en général n’est pas le seul responsable des discriminations criardes qui continuent à sévir. Les justifications à caractère religieux ne sont en définitive que la couverture masquant des enjeux économiques, politiques et sociaux, moraux et matériels. Les dénoncer est certes une opération salutaire et nécessaire, et s’inscrit dans le difficile processus de modernisation de la pensée religieuse en islam comme dans le judaïsme et le christianisme. Cependant, elle n’est pas suffisante, car ces justifications ne perdent à la longue de leur pertinence que grâce notamment aux luttes que mènent les femmes – et les hommes qui en sont solidaires - pour améliorer leur statut, et sous la pression des changements qui interviennent dans les modes de production et de vie.
Rappeler les diverses dimensions de la question sensible de la révision du droit successoral, c’est s’écarter en définitive du culturalisme dans lequel tombent trop souvent, à notre avis, les gender studies, et de la vision essentialiste de l’islam, rendu, en tant que tel, coupable, dans les médias occidentaux en général, des dérives inégalitaires du fiqh classique. En d’autres termes, s’ouvre ainsi un vaste chantier où toutes les bonnes volontés trouvent à s’exercer sur plusieurs fronts et non sur le seul plan de la religion, en répudiant les clichés, les amalgames et les simplifications abusives. Il n’en demeure pas moins que la difficulté principale provient justement du fait que le monde mental hérité du passé cherche toujours à se perpétuer, et que même si on vit à l’ère d’Internet et des communications à la vitesse de la lumière, on agit souvent avec la mentalité tribale et sous l’emprise de ses valeurs surannées. L’individualisme rampant ne laisse encore de place ni à la solidarité effective, ni à la citoyenneté qui exige l’égalité de tous devant la loi, sans la moindre exception.
* - Communication au colloque “Culture et genre” , tenu à Rabat le 19 – 10 – 2009.
[1] - Cf. D. S. Powers, Studies in Qur’an and Hadith. The formation of Islamic Law of Inheritance, University of California Press, 1986, pp 209 – 216.
[2]- Cf. R. Brunschvig, “Un système peu connu de succession agnatique dans le droit musulman”, in Etudes d’islamologie, Paris, Maisonneuve 1978, pp 53 – 64.
[3] - Voir à ce propos l’excellent opuscule de Ali Mezghani et Kalthoum Meziou, L’égalité entre hommes et femmes en droit successoral, avec une postface en arabe de Zahia Jouirou, Tunis, Sud Editions 2006.
Tres interessant, mais je pense que dans une nation moderne la puissance publique n'a pas a tenir compte de regles religieuses. La loi doit etre egalitaire, oint final. Ensuite, si un citoyen pense que sa religion, quelle qu'elle soit, l'oblige a leguer plus a l'un ou a l'autre, il fera comme tous ceux qui veulent favoriser un memebre de leur famille au detriment des autres: Il le fera par testament, et c'est la que l'analyse religieuse, qui sera personnelle mais influencee par le salafisme ou le modernisme religieux ou le kama-sutra, pourra entrer en ligne de compte
Rédigé par : Krishna's Child | 26/08/2011 à 12:10